Midi clignote toujours quelque part

Y a-t-il quelque part au sein des gouvernements un vieux lecteur DVD (ou même VHS) dont le cadran indique en clignotant qu’il est toujours midi, peu importe l’heure du jour ou de la nuit ? Cela servirait de rappel utile.

Le lecteur DVD peut être révélateur à propos de ses utilisateurs : ils veulent profiter des plus récentes technologies, mais ils ignorent comment y arriver pleinement. On trouve des lecteurs DVD sur lesquels midi clignote en permanence partout au Québec : en santé, en éducation… on parierait que midi clignote aussi dans les transports.

Le transport en commun est probablement le lecteur DVD du transport à Montréal. On paie cher pour nos gadgets, mais on ignore comment bien les utiliser. Ses administrateurs donnent l’impression qu’ils préfèrent se déplacer en voiture, de toute façon, tellement les usagers semblent loin de leurs priorités.

CDPQ Infra gère le REM comme une entreprise privée : la nouvelle rame de train doit devenir rentable. À un coût total de 7,95 milliards de dollars, cela exigera des efforts soutenus sur plusieurs années.

Pour faciliter l’atteinte de cette rentabilité, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) a réorganisé tout le transport en commun de la Rive-Sud pour le diriger de façon exclusive vers une station du REM. Le résultat est que la plupart des usagers qui prenaient l’autobus sur la Rive-Sud et qui ne débarquaient qu’à Montréal doivent désormais débarquer à Brossard, étirer la durée de leur trajet et payer une surprime pour monter à bord du REM.

Il faut aussi savoir exactement « comment » et « combien » payer. Car l’ARTM continue d’utiliser un système OPUS désuet plutôt qu’adopter un mode de paiement moderne.

Pour prendre un train léger, le tramway urbain, le métro, l’autobus, un vélo ou une trottinette électrique ailleurs dans le monde, on paie avec une carte de crédit, un téléphone ou une montre connectée (la Suède a même testé une puce sous la peau, pendant un moment légèrement dystopique).

Ailleurs, on a le choix entre plus d’un mode de transport pour arriver à la même destination. Et, oui, leurs systèmes de paiement peuvent aussi calculer la distance des trajets pour moduler le tarif en conséquence.

Réparer, mais comment ?

On a beaucoup parlé, la semaine dernière au Québec, du projet de loi 29, qui vise à « protéger les consommateurs contre l’obsolescence programmée en favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens ». Dans ce dossier non plus, on ne sait pas trop comment régler l’heure…

Drôle de hasard, la Californie a adopté mardi 12 septembre une loi semblable à la loi 29. La Californie devient, après New York et le Minnesota, le troisième État américain à encadrer légalement la réparabilité des appareils vendus chez eux. Elle obligera les fabricants à fournir au public, et pendant au moins trois ans dans le cas d’appareils coûtant moins de 100 $ et sept ans pour ceux coûtant 100 $ ou plus, les pièces de rechange, les outils, les logiciels et la documentation nécessaires à leur réparation.

Québec veut aussi imposer aux marques d’appareils électroniques un chargeur universel, comme le fera l’Europe dès l’automne 2024. L’Union européenne est allée plus loin que d’exiger une norme universelle. Elle impose le chargeur USB-C à tout le monde. Y compris à Apple qui, jusqu’à cet été, n’était pas pour cette mesure. On l’a vu cette semaine, Apple va finalement s’y conformer.

L’Union européenne calcule que cette nouvelle loi évitera, en Europe seulement, le rejet de quelque 11 000 tonnes de déchets chaque année à partir de 2025. Sur les 54 millions de tonnes de déchets électroniques produits annuellement dans le monde.

C’est une mesure positive, mais plutôt timide. Et qui pourrait aussi devenir caduque.

Un nouveau type de chargeur sans contact, appelé Qi (prononcer « tchi »), pourrait s’imposer comme la prochaine norme dans l’électronique. Son utilisation, déjà assez répandue, pourrait être multipliée par cinq d’ici la fin de la décennie.

Les gens qui l’adopteront n’auront plus besoin de leur câble USB-C. Il disparaîtra au fond d’un tiroir, à l’écocentre ou à la poubelle.

En matière de gestion des déchets, on agit parfois comme s’il était toujours midi. Or il est minuit moins une.

Sers-toi toi-même

Si vous possédez un lave-vaisselle de marque LG (ou GE, ou Bosch, ou…) pas trop âgé et que sa porte flanche tout à coup, il est facile de le réparer vous-même. Temps requis : 10 minutes. Coût total : 15 dollars. Il suffit de remplacer les deux câbles de nylon qui la retiennent, qui finissent par céder à force de frotter sur la poulie qui complète leur mécanisme. On trouve ces câbles derrière un panneau latéral retenu par quatre vis.

Un technicien certifié le fera pour vous pour environ 200 dollars.

Demandez au gouvernement de se pencher sur la question et, dans quatre ans, on vous imposera un câble de nylon universel comme seul mécanisme autorisé pour les portes de lave-vaisselle. Vous aurez peut-être déjà payé 800 $ pour un lave-vaisselle tout neuf. Les fabricants entre-temps auront adopté le ressort en acier.

Les gens qui osent se salir les mains pour effectuer eux-mêmes la réparation savent probablement comment régler l’heure sur leur lecteur DVD.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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