Un plaidoyer pour promouvoir l’activité physique chez les jeunes

Les jeunes de moins de 18 ans ont pourtant besoin de bouger deux fois plus que les adultes pour rester en bonne santé.
Getty Images Les jeunes de moins de 18 ans ont pourtant besoin de bouger deux fois plus que les adultes pour rester en bonne santé.

Mauvaise alimentation, dépendance aux écrans et manque criant d’activités physiques : la santé des adolescents québécois s’est considérablement détériorée depuis quatre décennies, au point où ils forment la première génération susceptible de vivre moins longtemps que la précédente.

Dans l’essai Faut que ça bouge !, publié aux Éditions de l’Homme, Pierre Lavoie et Jean-François Harvey constatent que les jeunes de 5 à 17 ans sont tellement sédentaires qu’ils se dirigent vers un risque accru de maladies cardiovasculaires, de cancers, de maladies pulmonaires et de diabète à l’âge adulte. Les auteurs invitent la société québécoise à prendre un virage actif pour éviter une future crise nationale en santé.

« On a juste besoin de bouger. Le but, c’est d’avoir du fun », résume Jean-François Harvey, rencontré dans un café à Montréal en compagnie de Pierre Lavoie — promoteur bien connu de l’activité physique, inventeur des « cubes énergie » et du Grand Défi qui porte son nom.

« Pas besoin de faire du sport de compétition : il suffit de marcher, de danser, de faire de la randonnée, du canot-camping ou de se rendre à l’école à vélo », ajoute Harvey, qui est kinésiologue, ostéopathe et conférencier.

Sédentaires chroniques

 

Les deux sportifs songeaient depuis 10 ans à écrire cet essai. La pandémie leur a donné l’impulsion pour passer à l’acte. Les confinements, l’école à distance et l’explosion du temps d’écran ont porté un dur coup à la santé physique et mentale des jeunes. Cet « effet pandémie » se fait encore sentir. Mais la tendance avait commencé avant même l’apparition du coronavirus.

Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Jean Pierre Harvey (à gauche) et Pierre Lavoie recommandent de mettre de côté l’exigence de «performance» — et de médailles — pour promouvoir plutôt la participation des jeunes.

Quatre jeunes sur cinq ne bougent pas assez pour respecter les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les adolescents adoptent 85 % de leur temps éveillé un comportement sédentaire (chez les adultes, c’est 70 %).

Les jeunes de moins de 18 ans ont pourtant besoin de bouger deux fois plus que les adultes pour rester en bonne santé — une heure par jour, comparativement à une demi-heure pour les adultes.

Pierre Lavoie et Jean-François Harvey citent une étude publiée en 2017 par le chercheur québécois Mario Leone : en 35 ans, depuis 1982, la capacité cardiorespiratoire des jeunes a chuté de 18 % chez les garçons et de 12 % chez les filles. Ces nouvelles données correspondent à ce qui se passe ailleurs dans les pays riches, où l’on observe un déclin de 4 à 5 % par décennie depuis 40 ans.

Sport d’élite « toxique »

Devant ces sombres constats, le Québec est mûr pour une nouvelle stratégie visant à faire bouger les jeunes, affirment les auteurs. Ils ont fait l’inventaire des meilleures pratiques dans le monde et interrogé une série d’experts.

Ces deux athlètes recommandent d’abord de mettre de côté l’exigence de « performance » — et de médailles — pour promouvoir plutôt la participation des jeunes. Le Québec pourrait s’inspirer de la Norvège, où il n’y a pas de classement dans les épreuves sportives avant l’âge de 13 ans.

Les sports d’élite ont un « côté toxique », selon les auteurs. Ils rappellent que le nageur Michael Phelps, considéré comme le plus grand champion de l’histoire des Jeux olympiques avec ses 28 médailles, a souffert de dépression. Il a même pensé au suicide. « Après chaque édition des JO, il plongeait dans les abysses et ne parvenait plus à trouver son identité ni sa raison de vivre. »

Les auteurs évoquent aussi les scandales qui secouent le monde du sport — gymnastique, ski alpin, patinage artistique, boxe, natation artistique, bobsleigh, etc. Une foule d’athlètes de partout dans le monde ont dénoncé des sévices sexuels, physiques et psychologiques (exercices punitifs, coups, remarques sur le poids, cris, humiliation, harcèlement, intimidation) et de la négligence flagrante (soutien inadéquat, entraînement excessif ou malgré des blessures).

Sports-études à revoir

Les programmes de sports-études de niveau secondaire, tant au public qu’au privé, doivent aussi être revus, affirme Pierre Lavoie. « Avec des coûts d’environ 5000 $ par année pour les parents, même dans le réseau public, ces programmes contribuent à l’école à trois vitesses [le réseau privé, le public qui sélectionne les élèves et le public ordinaire] », souligne-t-il.

Pierre Lavoie estime qu’une « concentration » en sports — où les jeunes pratiquent plusieurs disciplines de façon récréative — est préférable à un programme sports-études consacré à un seul sport d’élite. « Les jeunes se tannent d’avoir de la pression pour monter sur le podium. Ça les fait décrocher du sport », raconte-t-il.

Le sportif prône des programmes inclusifs, accessibles à tous les jeunes, peu importe l’épaisseur du portefeuille des parents. Cela exclut entre autres les programmes de hockey ou de ski alpin, qui coûtent une fortune en équipements et en frais de déplacement.

« Le sport d’élite ne rejaillit pas significativement sur le sport de masse ni sur la santé physique et mentale de la population », écrivent les auteurs.

Pour faire bouger les jeunes, Pierre Lavoie et Jean-François Harvey recommandent aussi d’augmenter le nombre de cours d’éducation physique, qui est de deux périodes par semaine au primaire et de deux par cycle de neuf jours au secondaire. Dans plusieurs pays, l’éducation physique est jugée aussi essentielle que les mathématiques, l’histoire et les autres matières, notent les auteurs.

Ils se réjouissent de l’intention annoncée du ministre de l’Éducation de bannir les téléphones des écoles, mais ils croient qu’il faut aller encore plus loin pour obliger les jeunes à lever le nez de leur écran et à aller jouer dehors. Peut-être même bannir l’ensemble des écrans à l’école, comme l’ont fait certains pays.

Ils recommandent aussi aux parents d’avoir une bonne discussion avec leurs enfants sur les risques associés à l’abus des écrans. Et d’instaurer des périodes sans écran, surtout avant le dodo et dans la chambre.

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