Plaidoyer pour un repas gratuit par jour pour chaque élève

Au Québec, l’aide alimentaire représente 0,35 % du budget du ministère de l’Éducation, tandis que cette proportion atteint 6 % dans des pays comme la Finlande.
John Moore Agence France-Presse Au Québec, l’aide alimentaire représente 0,35 % du budget du ministère de l’Éducation, tandis que cette proportion atteint 6 % dans des pays comme la Finlande.

Comment aider les élèves à mieux apprendre ? En leur servant un repas chaud le midi. En pleine explosion du coût de la vie, le Québec et le Canada consacrent pourtant des miettes à l’aide alimentaire aux écoliers par rapport aux autres pays développés, constate l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).

Dans une étude publiée jeudi, la chercheuse Anne Plourde estime qu’un programme visant à offrir un repas gratuit par jour aux 982 000 élèves des écoles publiques du Québec coûterait 1,7 milliard de dollars par année. Une facture relativement modeste, qui équivaut à la baisse d’impôts accordée aux contribuables dans le budget caquiste de 2023.

Il suffirait aussi de réduire de moitié la somme versée annuellement au Fonds des générations pour financer un programme universel d’aide alimentaire à l’école, souligne la chercheuse.

« La santé alimentaire est nécessaire pour la réussite des élèves », affirme Anne Plourde en entrevue au Devoir. On parle beaucoup de la pénurie d’enseignants en cette rentrée scolaire, mais l’aide alimentaire manque pourtant cruellement dans le réseau, rappelle la chercheuse.

Elle a calculé que les programmes actuels d’alimentation dans les écoles québécoises injectent à peine 0,38 $ par jour par élève. L’aide alimentaire représente 0,35 % du budget du ministère de l’Éducation, tandis que cette proportion atteint 6 % dans des pays comme la Finlande.

La plupart des formes d’aide alimentaire au Québec visent les élèves les plus défavorisés, ce qui peut créer un malaise chez les jeunes et leurs parents, qui se sentent alors catégorisés comme « pauvres ». C’est une des raisons justifiant la création d’un programme universel, fait valoir Anne Plourde.

Inflation et insécurité alimentaire

L’étude souligne qu’un enfant sur cinq vit une forme d’insécurité alimentaire au Québec. Pour 12 % des jeunes, le problème d’accès à la nourriture est modéré ou grave.

La crise de l’inflation amplifie cette insécurité alimentaire : les prix des aliments ont bondi d’environ 20 % depuis deux ans, rappelle la chercheuse. Et un enfant qui se présente en classe le ventre vide — ou rempli de calories peu nutritives — peut difficilement être disposé à apprendre.

Le Canada est l’un des rares pays développés — et le seul du G7 — à ne pas s’être doté d’un programme national d’alimentation dans les écoles, souligne l’étude de l’IRIS. Au moins 25 pays offrent des repas financés à 100 % à leurs écoliers du primaire, selon le Programme alimentaire mondial, cité par l’IRIS. Une dizaine d’autres États subventionnent entre 75 % et 99 % du coût des repas scolaires.

Pas moins de 61 % des écoliers du primaire des pays les plus riches bénéficient d’un repas subventionné ou gratuit à l’école. Au Canada, qui fait pourtant partie du peloton de tête des pays développés, cette proportion atteint à peine 12 % des élèves du primaire.

Le gouvernement Trudeau a annoncé en 2019 son intention de créer un plan national d’alimentation scolaire. Pour le Québec, l’occasion est belle pour agir en précurseur et pour profiter du financement fédéral à venir afin de fournir un repas par jour aux élèves d’écoles publiques, fait valoir Anne Plourde.

Déserts alimentaires

 

Au terme d’une collecte minutieuse d’informations auprès de tous les centres de services scolaires du Québec, la chercheuse a découvert que 59 % des écoles publiques offrent à leurs élèves la possibilité de prendre un repas chaud sur l’heure du midi. La plupart de ces repas proviennent d’un service de traiteur et ne sont pas gratuits. Cela laisse tout de même 262 535 élèves sans service de repas.

Anne Plourde a aussi constaté qu’à peine 36 % des écoles publiques, qui représentent 50 % des élèves québécois, sont dotées d’une cuisine complète. La chercheuse prône ainsi la mise en place d’un programme d’aménagement de cafétérias dans les écoles publiques. Cela permettrait non seulement d’offrir des repas aux élèves et au personnel scolaire, mais aussi d’initier les jeunes à la cuisine et à une saine nutrition, souligne-t-elle.

« Il existe déjà un vaste programme d’infrastructures scolaires. On pourrait en profiter pour ajouter des cafétérias dans les écoles qui font l’objet de travaux. C’est une occasion historique », dit la chercheuse.

L’étude a permis de déterminer 392 écoles (sur un total de 2323) qui pourraient bénéficier de ce programme de construction de cafétérias, évalué à 289 millions de dollars. L’IRIS recommande de cibler en priorité les écoles de régions à faible densité de population, comme la Gaspésie ou la Côte-Nord, qui sont moins susceptibles d’offrir des repas aux élèves ; les grandes distances à parcourir et le petit nombre d’élèves découragent les traiteurs d’offrir leurs services dans ces zones.

Une politique nationale d’alimentation en milieu scolaire pourrait aussi comporter une exigence d’offrir au moins 30 % de produits locaux, selon l’étude de l’IRIS. Cela injecterait 184 millions de dollars par année dans les coffres des agriculteurs québécois.

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