Confusion vis-à-vis du programme de fidélisation Moi

Pourquoi avoir mis en place un système aussi complexe, plutôt que d’offrir simplement de bas prix et des rabais pour tous? Juan Monino Getty Images
Juan Monino Getty Images Pourquoi avoir mis en place un système aussi complexe, plutôt que d’offrir simplement de bas prix et des rabais pour tous? Juan Monino Getty Images

Dans la foulée d’une large campagne de marketing, les adhésions au programme Moi surpassent les attentes de Metro. Promu également dans ses bannières Super C, Jean Coutu, Brunet et Première Moisson, ce programme de fidélisation serait bientôt le plus grand au Québec — si ce n’est déjà fait — , selon le vice-président au marketing, Alain Tadros. Or, ses membres ne comprennent pas toujours à quoi ils ont consenti, en particulier au Super C, selon des témoignages recueillis par Le Devoir.

La Verdunoise Julie Ranger est une cliente assidue du Super C, y dépensant en moyenne 200 $ par semaine. Dans les derniers mois, un kiosque dans son magasin incitait les consommateurs à se procurer la carte Moi.

« J’avais compris, avec le marketing, que j’obtiendrais un point par dollar d’achat. Je me disais que ça allait valoir la peine », raconte-t-elle.

Or, elle n’a pas obtenu les points escomptés. Sur le site Internet du programme, un astérisque nous informe que ce principe est non valide chez Super C.

« Ça dit que ça ne s’applique pas au Super C, mais tu ne comprends pas si c’est juste pour l’accumulation ou aussi pour la dépense de points. Il faut faire plus de recherche pour aller chercher l’information », dit l’avocate, qui croit que ce qui est communiqué aux utilisateurs est loin d’être limpide.

En fait, ce ne sont pas tous les achats qui rapportent des points chez Super C, contrairement aux autres bannières participantes du programme, mais seulement quelques produits sélectionnés chaque semaine. Pour les connaître, il faut soit consulter la circulaire, soit regarder attentivement les étiquettes de prix sur les tablettes.

 

Confusion et déception

Charles David a lui aussi été surpris de constater qu’il n’obtient parfois aucun point sur sa facture.

« Quel est l’avantage de l’avoir et pourquoi il n’est pas dit que la règle s’applique différemment chez Super C ? La publicité n’indique pas cela du tout », a-t-il écrit par courriel au Devoir, ajoutant se sentir berné.

Une visite dans les allées du Super C confirme la confusion qui entoure les modalités du programme.

« Ça m’enrage », a lancé Thérèse Sears, 68 ans, devant un étal de tomates en grappe. « Si tu achètes n’importe quoi chez Metro, tu sais que tu vas avoir des points. Mais ici, oubliez ça. Ce n’est pas clair, ce qui donne des points. »

Metro, propriétaire de Super C, reconnaît avoir reçu des commentaires de clients qui ne comprenaient pas le fonctionnement du programme. Alain Tadros admet qu’il faut « démystifier » les choses auprès des consommateurs.

Si tu achètes n’importe quoi chez Metro, tu sais que tu vas avoir des points. Mais ici, oubliez ça.

Pourquoi ne peut-on pas accumuler de « points de base » chez Super C ? « L’investissement qu’on veut continuer d’y faire, c’est davantage dans les bas prix », a répondu Marie-Claude Bacon, vice-présidente aux affaires publiques et aux communications.

Un programme complexe

 

M. Tadros explique toutefois qu’il y a beaucoup de possibilités d’accumulation de points chez Super C. Par le biais de l’application mobile ou de leur compte sur le site Web de Super C, les adhérents peuvent recevoir des offres personnalisées sur certains produits. La bannière offre aussi des promotions « multiplicatrices », qui doublent ou triplent les points supplémentaires à l’achat de certaines catégories de produits ou à l’atteinte de certaines valeurs de panier. Finalement, en utilisant la carte de crédit Moi RBC, on double les points obtenus.

Par ailleurs, il est possible d’échanger chez Super C les points accumulés dans les autres bannières. Pour 4 $ de rabais, il faut 500 points. « On a, chez Super C, un très haut taux de participation des clients qui utilisent la carte et obtiennent des points », a assuré le vice-président au marketing. Il note que plusieurs épiceries concurrentes n’offrent pas non plus de points sur tous les achats.

Pourquoi avoir mis en place un système aussi complexe, plutôt que d’offrir simplement de bas prix et des rabais pour tous ? « On se bat [contre les concurrents] pour que les clients reviennent nous voir, donc on a des stratégies agressives promotionnelles toutes les semaines », affirme M. Tadros.

Accros aux points

 

Natalie Gauthier fait partie de cette catégorie de personnes très assidues. Celle qui a démarré le groupe Facebook Les accros des points M passe environ trois heures par semaine à recenser les produits qui donnent des points en plus chez Metro et Super C.

Cette résidente d’Hochelaga-Maisonneuve met en oeuvre des stratégies pour maximiser et jumeler les offres. Elle constate que la plupart de ses amis ne comprennent pas comment tirer parti du programme. « Par exemple, s’ils donnent 25  points pour des bananes, j’ai seulement besoin d’en acheter une, pas nécessairement un gros paquet », dit celle qui a déjà accumulé 113 $ en récompenses, soit 14 225 points, en quatre mois.

À l’autre bout du spectre, certaines personnes rejettent carrément l’utilisation des cartes de fidélité des épiceries. Béatrice Châteauvert-Gagnon, par exemple, estime que « c’est une charge mentale de plus pour sauver juste quelques dollars en bout de ligne ».

Mathieu Jolicoeur et sa conjointe, Marilou Juteau-Marsan, ont pour leur part été dégoûtés de voir apparaître des rabais exclusifs aux membres du programme. Depuis plusieurs années, ils ne prennent plus les cartes de fidélité, les trouvant encombrantes et intrusives. Le couple a donc décidé récemment d’arrêter presque complètement ses visites à l’épicerie. Sa solution : s’abonner à trois paniers bios différents. Et il s’estime gagnant

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