La CNESST veut mieux accompagner les victimes de harcèlement sexuel au travail

Le ministre du Travail, Jean Boulet, lors d’une conférence de presse le 29 juin dernier
Christinne Muschi La Presse canadienne Le ministre du Travail, Jean Boulet, lors d’une conférence de presse le 29 juin dernier

Le ministre québécois du Travail, Jean Boulet, a annoncé lundi des actions pour s’attaquer au harcèlement sexuel au travail, un fléau décrit en mai dernier par un rapport d’expertes qu’il avait commandé.

Selon ce document de 350 pages, intitulé Mettre fin au harcèlement sexuel dans le cadre du travail. Se donner les moyens pour agir, le harcèlement sexuel en milieu de travail est courant au Québec, mais rarement signalé ou dénoncé à l’employeur. Parmi les 82 recommandations qui s’y trouvent, 23 sont des mesures administratives concernant la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). M. Boulet et la p.-d.g. de la CNESST, Manuelle Oudar, ont affirmé que 90 % de ces mesures ont été mises en place dans les derniers mois ou le seront d’ici la fin de 2023.

« La CNESST devient encore plus accueillante envers les personnes qui veulent faire une plainte ou une réclamation », a déclaré le ministre. Par exemple, les réclamations en indemnisation en lien avec une violence à caractère sexuel sont maintenant priorisées. « C’est important pour les victimes d’être entendues rapidement », a souligné Mme Oudar.

Par ailleurs, 18 conseillers en santé psychologique, embauchés pendant la dernière année, soutiendront en partie les victimes de violences sexuelles. M. Boulet a également précisé que la CNESST accentuerait ses démarches auprès des entreprises pour vérifier que les milieux de travail les plus à risque ont bien mis en place des politiques de prévention du harcèlement psychologique ou sexuel.

Des formations seront aussi offertes à des centaines d’employés de la CNESST afin qu’ils comprennent bien ce qu’est la violence à caractère sexuel et qu’ils sachent bien accompagner les personnes vivant cette problématique. Ces formations seront notamment données dans le cadre d’un partenariat avec l’organisme Juripop, qui développe une expertise en la matière.

« On remarque que les réponses humaines que les personnes reçoivent de leur employeur, de leurs proches et de la CNESST peuvent constituer des obstacles d’accès à la justice, a indiqué Me Sophie Gagnon, directrice générale de Juripop. Par exemple, quand on va demander à une victime de répéter son histoire ou qu’on va minimiser ce qu’elle a vécu, ça peut faire en sorte que la personne abandonne ses droits. Elle peut aussi alors fournir une preuve confuse et avoir moins de chances d’obtenir gain de cause. »

Un projet de loi en vue

 

Un projet de loi devrait compléter ces changements au cours de la prochaine session parlementaire à Québec, si on en croit le ministre Boulet. En effet, le rapport d’expertes soulignait que les victimes faisaient face « à un cadre juridique complexe et fragmenté » qui leur mettait des bâtons dans les roues. Il mettait l’accent sur une trentaine de recommandations de nature législative, notamment la création d’une Division spécialisée en matière de violence à caractère sexuel au sein du Tribunal administratif du travail. « On est toujours en consultation et en analyse d’impact à ce sujet », a affirmé M. Boulet.

Le comité d’expertes ayant rédigé le rapport a réagi lundi en saluant la « belle ouverture » de la CNESST et « la rapidité de [sa] réponse pour améliorer l’accueil des personnes victimes ». « Nous demeurons en attente d’un projet de loi avant de nous prononcer sur la capacité de la réponse à notre rapport à opérer un changement réel au bénéfice des personnes victimes », a commenté par courriel Rachel Cox, professeure du Département des sciences juridiques de l’UQAM, au nom du comité.

Le Groupe d’aide et d’information sur le harcèlement au travail de la province de Québec s’est aussi réjoui de voir que ce dossier est pris au sérieux. Sa directrice générale, Cindy Viau, a rapporté que son organisme offre des services gratuits d’écoute, de soutien et d’accompagnement pour les personnes qui vivent du harcèlement psychologique ou sexuel au travail.

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