Bilan en demi-teinte pour la journée sans Meta

L’initiative ne semble pas avoir eu beaucoup d’incidence chez les utilisateurs de Facebook.
Brendan Smialowski Agence France-Presse L’initiative ne semble pas avoir eu beaucoup d’incidence chez les utilisateurs de Facebook.

L’appel au boycottage de Facebook vendredi dernier en solidarité avec les médias québécois a obtenu des résultats mitigés. Si l’on a constaté une baisse notable des publications sur le réseau social au cours de la journée, les interactions n’ont pas reculé de manière aussi importante. Pas assez, du moins, pour que l’on puisse conclure hors de tout doute que les utilisateurs ont suivi le mouvement.

« Chez les personnes qui administrent des pages Facebook au Québec, le boycottage a quand même eu du succès. Les chiffres laissent croire que plusieurs se sont abstenus de partager du contenu vendredi. Ce n’était pas un jour férié : il n’y a aucune raison autre que le boycottage qui pourrait expliquer une telle baisse. Mais chez les utilisateurs de Facebook, il est vrai que l’initiative ne semble pas avoir eu beaucoup d’incidence », résume Jean-Hugues Roy, professeur de journalisme à l’École des médias de l’UQAM.

Jean-Hugues Roy s’est intéressé à l’activité sur Facebook au Québec vendredi dernier, alors que la population était invitée à s’abstenir d’utiliser la plateforme pour la journée. Il a ensuite comparé les chiffres avec ceux des six vendredis précédents, se basant sur un échantillon des 300 000 publications Facebook les plus populaires depuis le 1er août.

Au bout du compte, il a noté au cours de la journée du 15 septembre une diminution de 15 % des publications faites sur Facebook par rapport à la moyenne des six semaines précédentes. Les interactions ont aussi été en baisse, de manière beaucoup moins nette cependant, affichant un recul d’un peu moins de 7 % en comparaison avec les vendredis des semaines précédentes.

Quelle solidarité ?

Les Québécois sont-ils vraiment solidaires du sort des médias québécois ? Sans doute que plusieurs se réjouissent de ne plus voir de nouvelles sur leur fil Facebook, et d’autres n’ont peut-être pas remarqué que les médias d’information étaient bloqués, reconnaît Jean-Hugues Roy.

« Sept pour cent, c’est quand même beaucoup, c’est de l’argent que Meta perd », tient pour sa part à souligner Michaël Nguyen, le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). « On n’a jamais prétendu qu’on pourrait faire reculer Meta avec une seule journée. On le sait que c’est difficile pour les utilisateurs de Facebook de s’en passer pendant une journée entière. Le but était surtout de sensibiliser la population, car Meta fait beaucoup de désinformation », explique-t-il, avant d’ajouter que d’autres initiatives seront organisées dans les prochaines semaines.

La FPJQ et la Société québécoise des professionnels des relations publiques (SQPRP) sont à l’origine de la « journée sans Meta » de vendredi dernier en soutien aux médias d’information. Meta, la société mère de Facebook et d’Instagram, bloque l’accès aux médias canadiens depuis le début août en guise de protestation quant à l’adoption du projet de loi C-18, la Loi sur les nouvelles en ligne. Cette loi fédérale, qui n’entre en vigueur officiellement qu’en décembre, force les géants du Web à négocier des ententes avec les différents organes de presse pour le partage des revenus tirés de leurs publications.

« On le sait que Meta perd de l’argent en bloquant les médias canadiens. Mais ce sont des peanuts pour eux. Le but de cette manoeuvre, c’est de dissuader des États qui sont plus gros que le Canada d’adopter des lois similaires », insiste Michaël Nguyen.

Pas question de plier

 

Le président de la FPJQ demeure foncièrement favorable à la loi votée par le gouvernement Trudeau, même si, pour l’instant, elle a provoqué l’inverse de ce pour quoi elle a été adoptée.

La Loi sur les nouvelles en ligne devait renforcer financièrement les médias d’information, qui font face à une baisse de leurs revenus publicitaires depuis l’émergence des réseaux sociaux. Or, pour l’heure, la décision de Meta en réponse à la loi a plutôt pour effet de priver les médias d’une importante visibilité. En 2022, la moitié des Québécois de 25 à 35 ans s’informaient principalement par les réseaux sociaux, selon l’Académie de la transformation numérique de l’Université Laval.

« Il ne faut pas plier face à Meta. Est-ce que ça va prendre des amendements à la loi ? Peut-être, on n’est pas rendu là. Je vois que les gens attaquent la loi pour dénoncer la situation actuelle. Mais c’est faire le jeu de Meta que de faire ça. La décision de bloquer les nouvelles, c’est uniquement eux qui l’ont prise. Ce n’est pas le gouvernement, ce ne sont pas les journalistes », tonne Michaël Nguyen de la FPJQ.

Jointe par Le Devoir, l’entreprise Meta n’a pas fait de commentaires à propos de la journée de boycottage de vendredi dernier.

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