La réalité est plus étonnante que ce que vous pensiez

Les textes réunis dans cet ouvrage proviennent principalement des contributions des trois dernières années de M. Lisée pour le quotidien «Le Devoir».
Marie-France Coallier Le Devoir Les textes réunis dans cet ouvrage proviennent principalement des contributions des trois dernières années de M. Lisée pour le quotidien «Le Devoir».

Notre chroniqueur Jean-François Lisée publie ces jours-ci Par la bouche de mes crayons aux éditions Somme toute/Le Devoir. Voici l’introduction de ce recueil, qui rassemble une cinquantaine de textes.

Je vous ai découpé des articles. Ce sont nos tantes qui nous disaient ça, non ? Vous qui étiez sportif ou dentiste, étudiant en arts ou apprenti soudeur, votre tante avait pensé à vous en voyant un article portant plus ou moins sur votre champ d’intérêt. Elle vous le tendait, lors de votre visite annuelle, tel un témoignage de l’intérêt qu’elle vous portait. Évidemment, cet article ne vous apprenait rien de ce que vous ne saviez déjà, mais vous l’acceptiez avec des « ha », des « super », des « c’est gentil » et des « merci beaucoup matante, je vais le lire avec intérêt ».

C’est que vous saviez qu’il ne s’agissait nullement d’une transmission d’informations, mais d’une preuve d’affection. D’ailleurs, si vous lui demandiez ce qu’elle avait pensé, elle, de l’article, elle devait la plupart du temps admettre ne pas l’avoir lu. C’était pour vous, pour vous seul.

Alors ces articles, que j’ai regroupés dans cet ouvrage, à vous de décider s’ils vous apprennent quelque chose de neuf ou si vous vous contenterez d’un remerciement poli, d’un enthousiasme feint, surtout si c’est votre tante qui vous l’offre.

Je puis cependant vous garantir que je les ai lus, en fait relus, après les avoir écrits, mis à jour pour plusieurs d’entre eux, en pensant à vous. D’abord, j’estime que le temps du lecteur est trop précieux pour qu’on lui offre de la redite. Je choisis mes sujets en me demandant toujours : qu’est-ce qui manque à notre compréhension de tel phénomène ? Qu’est-ce qui n’a pas encore été dit sur tel événement ? Quel angle d’explication n’a été abordé par aucun de mes collègues journalistes ?

Il m’arrive, cela ne vous surprendra pas, d’avoir des opinions. Mais j’estime avoir échoué à ma tâche de chroniqueur si je n’ai pas offert au lecteur des informations, des données, des références qui lui avaient échappé et que je n’ai souvent découvertes moi-même qu’en fouillant mon sujet.

En fait, c’est un truc. Évidemment que je tiens à vous convaincre que j’ai raison. Mais il me semble que j’y arriverai plus aisément si j’entrelarde mes avis de faits, de chiffres et de citations qui étonneront vos synapses et vous conduiront à penser, contre toute attente, que les faits me donnent raison. On m’accusera de les choisir exprès pour obtenir ce résultat. Ce n’est pas complètement faux. Mais j’ai appris au cours des ans que si les faits contredisent vos a priori, c’est probablement que la réalité est plus étonnante que ce que vous pensiez.

Puisque j’ai un penchant pour l’originalité, j’accueille ces données contre-intuitives comme autant de cadeaux que je puis ensuite vous offrir. J’ai davantage de respect pour les faits que pour les opinions, voilà pourquoi je les laisse me guider hors des sentiers battus.

Reste que j’aborde les enjeux, nouveaux et anciens, d’un point de vue qui résiste au temps. Une volonté de mieux distribuer la richesse et le pouvoir en usant, pour y arriver, des mécanismes démocratiques — ce qui se résume en deux mots : la social-démocratie. Une profonde volonté de vérité et de justice, une impatience envers l’hypocrisie, le mensonge, la mauvaise foi, les promesses brisées, l’obscurantisme, la censure et l’intolérance. Une conviction que la nation québécoise à laquelle j’appartiens a fait des progrès colossaux depuis son réveil de 1960 et peut continuer à en faire, mais jamais autant que si elle parvient à se donner un pays.

Les textes réunis ici proviennent principalement de ma production des trois dernières années pour le quotidien Le Devoir. Dans plusieurs cas, les textes sont plus longs que ce qui fut publié, car la plupart du temps, une fois que j’ai terminé d’écrire ce que je souhaitais dire, j’ai dépassé l’espace prévu pour le texte. Il faut alors sortir les ciseaux. J’ai cependant gardé les retailles et les ai réintroduites ici. Vous trouverez aussi quelques textes inédits et d’autres qui furent publiés sur mon blogue.

Dépêchez-vous de les lire, car si certaines chroniques d’ordre historique, en début d’ouvrage, résisteront au temps, les autres sont solidement ancrées dans notre monde actuel, celui du milieu des nouvelles années 2020.

Je crois au droit imprescriptible du lecteur de choisir ses sujets, de sauter des pages ou des sections, voire de déchirer des articles pour les donner à ses neveux et nièces qui les accueilleront probablement en disant que des photos des pages prises avec votre iPhone auraient fait l’affaire.

Puisqu’il s’agit de plongées brèves, l’ouvrage est parfait pour la salle d’attente, l’avion et le cabinet de toilette. Mais je ne garantis pas qu’il vous aidera à vous endormir, sauf peut-être si vous êtes en tout temps d’accord avec moi.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

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