Vers des fermes plus autonomes grâce à la biométhanisation

Caroline Rodgers
Collaboration spéciale
Simon Lafontaine et Frédérique Lavallée, fondateurs et agronomes d'Écoboeuf, en Abitibi
Photo: Elye Carrier | MRC d’Abitibi-Ouest Simon Lafontaine et Frédérique Lavallée, fondateurs et agronomes d'Écoboeuf, en Abitibi

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche: enjeux climatiques

Dans la lutte contre les changements climatiques, les scientifiques travaillent sur tous les fronts. Un projet avant-gardiste est en train de voir le jour au Québec. Il s’agit de valoriser le fumier de bovins ainsi que les résidus agricoles et forestiers par un procédé de biométhanisation sèche développé en Europe, mais très peu utilisé dans la province jusqu’à maintenant.

Plusieurs partenaires participent au projet, soit des chercheurs de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), la ferme Écoboeuf, le cégep de Rivière-du-Loup, ainsi que Nexx Énergie, une firme d’ingénierie spécialisée dans la conception et l’intégration de solutions innovantes de production de bioénergie. Leur objectif commun : implanter une unité pilote de production de biométhane à la ferme Écoboeuf, située en Abitibi.

Chez Écoboeuf, on s’est donné pour mission de réduire l’empreinte environnementale et d’assurer la pérennité de l’agriculture en milieu boréal. « On agit sur toute la chaîne de valeurs allant de la recherche et du développement en agriculture jusqu’à la mise en marché des produits pour favoriser l’adoption de meilleures pratiques pour le climat sur les fermes, dit Simon Lafontaine, cofondateur et agronome. On travaille sur des solutions basées sur la nature, comme l’agroforesterie, pour voir comment on peut intégrer les arbres parmi les animaux de pâturage, et on met en marché du boeuf nourri à l’herbe avec une valeur ajoutée environnementale, avec l’objectif que ce soit carboneutre. »

Selon lui, il est important d’amener un incitatif économique pour encourager les agriculteurs à mettre en place des pratiques agricoles plus favorables à l’environnement et à la réduction des GES. « Par la suite, il faut aussi leur amener une expertise, du soutien et des ressources », ajoute-t-il.

C’est aussi pour cette raison qu’Écoboeuf s’est allié aux chercheurs de l’UQAT pour développer ce projet de biométhanisation des résidus bovins et forestiers. « Dans une optique de développer un élevage bovin carboneutre, on voulait cibler toutes les sources d’émissions et s’y attaquer. Depuis 2021, on réfléchit à des moyens de limiter les émissions du fumier qui s’accumule en hiver, ce qui dégage des gaz. C’est ce qui nous a amenés vers la biométhanisation qui, en plus des gains environnementaux, est une source potentielle de revenus pour les agriculteurs. »

Biométhane produit à la ferme

« Dans ce projet, on utilise les résidus forestiers comme support de croissance pour les micro-organismes,car on croit que certains résidus du bois vont favoriser cette croissance et augmenter le pouvoir de production de méthane du fumier bovin. Le rendement sera plus élevé en combinant les résidus forestiers et les résidus bovins pour produire du biométhane », explique Ahmed Koubaa, professeur à l’Institut de recherche sur les forêts (IRF) et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la valorisation, la caractérisation et la transformation du bois de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).

Le biométhane ainsi produit sera réutilisé à même la ferme. « Dans un contexte de régions comme l’Abitibi-Témiscamingue, il n’y a pas une concentration de fermes suffisante pour avoir une unité de biométhanisation centralisée qui serait rentable. L’idée est donc que chaque ferme produise son biométhane et l’utilise localement pour différentes applications, comme la machinerie agricole et le chauffage des bâtiments environnants, leur permettant éventuellement d’être autonomes en termes de production d’énergie », ajoute Ahmed Koubaa.

Ainsi, les carburants comme le diesel pourraient être remplacés par le biométhane, permettant un gain sur le plan de la réduction des GES. Pour l’instant, l’objectif est de finaliser l’implantation de cette unité pilote d’ici trois à cinq ans. Selon le scientifique, la quantité de biométhane produite serait possiblement suffisante pour alimenter la ferme en énergie.

« Si le projet démontre son efficacité, il pourrait être reproduit dans toutes les fermes du Québec », ajoute le chercheur. Le modèle proposé par les chercheurs est déjà utilisé en Europe, tandis que des modèles de biométhanisation à plus grande échelle existent aux États-Unis.

Gains économiques potentiels

En plus de réduire les coûts énergétiques, la production de biogaz pourrait même devenir une source de revenus pour certaines exploitations agricoles. « Ailleurs dans le monde, il existe des fermes qui font plus d’argent avec la vente de surplus de biogaz qu’avec la vente de leur production agricole », souligne Ahmed Koubaa.

D’autre part, dans le cadre de ce projet, les chercheurs ont toujours en tête de mesurer les effets de chaque aspect des activités en cours et d’en minimiser l’empreinte environnementale. « On s’intéresse à la valorisation de tous les résidus issus de la méthanisation. Par exemple, nous étudions les utilisations qu’on pourrait faire du digestat et du biochar, que l’on obtient à partir de la biomasse, notamment pour fertiliser les sols », explique Flavia Braghiroli, professeure à l’IRF spécialisée dans la valorisation et le recyclage de produits forestiers, qui agit à titre de cochercheuse dans ce projet.

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