Rare échange de prisonniers entre les États-Unis et l’Iran

Un mollah iranien marche devant une murale antiaméricaine à Téhéran, le 12 mars 2022.
Atta Kenare Agence France-Presse Un mollah iranien marche devant une murale antiaméricaine à Téhéran, le 12 mars 2022.

Les États-Unis et l’Iran ont procédé lundi à un rare échange de prisonniers, dont cinq ex-détenus américains en Iran qui sont en route pour Washington, en vertu d’un accord comprenant le transfert à Téhéran de 6 milliards de dollars de fonds gelés.

Les ex-prisonniers américains, dont un qui était emprisonné depuis huit ans, et deux membres de leur famille, ont quitté Téhéran lundi matin à bord d’un vol qatari pour Doha, où ils ont fait escale avant de décoller à nouveau — à bord d’un avion américain, cette fois pour les États-Unis. Le Qatar a été l’un des médiateurs de l’accord.

La Maison-Blanche a fait savoir que le président Joe Biden avait eu une conversation « pleine d’émotions » avec les familles des sept Américains ayant quitté l’Iran lundi.

À New York, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a dit s’être entretenu avec les Américains libérés après leur arrivée à Doha, où ils avaient été accueillis sur le tarmac par des accolades. « Cela fait vraiment du bien de pouvoir dire que nos concitoyens sont maintenant libres », a-t-il affirmé à la presse, en justifiant à nouveau l’accord avec Téhéran, qui est très critiqué aux États-Unis par l’opposition républicaine.

Un transfert de fonds iraniens gelés en Corée du Sud, d’un montant de six milliards de dollars, a été annoncé à Doha et confirmé par l’Iran. Le transfert de fonds dans six comptes iraniens dans deux banques du Qatar a été effectué lundi, a confirmé Mohammadreza Farzin, gouverneur de la Banque centrale iranienne.

Ce transfert faisait partie de l’accord, tout comme la libération lundi par les États-Unis de cinq prisonniers iraniens. Deux d’entre eux, bénéficiant d’une mesure de clémence, sont de retour à Téhéran après avoir eux aussi transité par Doha, selon l’agence officielle iranienne. Les trois autres ex-prisonniers libérés ne souhaitent pas, quant à eux, aller en Iran.

Apaisement des tensions

 

Cet arrangement avait été annoncé le 10 août et cinq Américains d’origine iranienne, détenus en Iran, avaient ensuite été transférés en août de leur prison pour être placés en résidence surveillée. Parmi eux figure l’homme d’affaires Siamak Namazi, arrêté en 2015 et condamné à 10 ans de prison en 2016 pour espionnage. « Merci, président Biden, d’avoir fait passer la vie humaine avant la politique », a-t-il déclaré dans un communiqué.

Le premier ministre britannique Rishi Sunak a lui aussi salué la libération des prisonniers dont l’un, Morad Tahbaz, possède également la nationalité britannique.

Un troisième ex-prisonnier, Emad Sharqi, est un investisseur, qui s’était vu infliger une peine de dix ans d’emprisonnement pour espionnage. Les deux autres n’ont pas souhaité être identifiés.

Parmi les cinq Iraniens devant être libérés par les États-Unis figurent Reza Sarhangpour et Kambiz Attar Kashani, accusés d’avoir « détourné les sanctions américaines » contre l’Iran. Aux yeux de certains experts, cet accord témoigne d’un relatif apaisement des tensions entre l’Iran et les États-Unis, mais il ne préjuge pas d’un possible accord sur le dossier du nucléaire iranien.

Le porte-parole du secrétaire général de l’ONU a espéré lundi qu’il conduise à « une baisse des tensions » entre les deux pays, qui n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis la révolution de 1979, mais Washington a tenu à tempérer les attentes. « Ce processus, les engagements qui ont été nécessaires pour faire libérer ces Américains détenus de façon injustifiée, ont toujours été séparés de nos engagements, ou de leur absence, avec l’Iran » sur le nucléaire, a affirmé M. Blinken ne laissant pas entrevoir de nouvelles discussions même indirectes dans un proche avenir.

Des négociations menées par les Européens n’avaient pas réussi en 2022 à raviver l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, moribond depuis le retrait unilatéral des États-Unis en 2018 sous la présidence de Donald Trump.

Pas un « chèque en blanc »

L’échange de prisonniers intervient le même jour où le président iranien, Ebrahim Raïssi, est attendu à New York pour participer à l’Assemblée générale de l’ONU.

Hasard ou coïncidence, le gouvernement Biden, critiqué par l’opposition républicaine qui qualifie l’échange de « rançon », a annoncé lundi des sanctions contre le ministère du Renseignement iranien et l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad. Et le président américain a promis lundi de « continuer à sanctionner l’Iran pour ses actions provocatrices dans la région ».

Les États-Unis insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un « chèque en blanc » offert à l’Iran et que l’utilisation de ces fonds « à des fins humanitaires » uniquement serait sous « stricte surveillance ». Issus de la vente d’hydrocarbures par l’Iran, ces fonds avaient été bloqués à la suite de sanctions américaines.

L’argent qui a été « cruellement bloqué jusqu’à maintenant et est actuellement en possession de la République islamique appartient au peuple [iranien] et nous l’utiliserons afin de subvenir aux besoins du peuple », a déclaré le président Raïssi à New York, cité par les médias iraniens.

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