Québecor n’a pas l’intention de vendre ou de fermer TVA

Le grand patron de Québecor, Pierre Karl Péladeau, lors d’une conférence de presse le 11 mai dernier
Christinne Muschi La Presse canadienne Le grand patron de Québecor, Pierre Karl Péladeau, lors d’une conférence de presse le 11 mai dernier

Les médias traditionnels traversent une profonde crise, et la télévision va particulièrement mal, mais Pierre Karl Péladeau n’a pas pour autant l’intention de vendre ni de fermer TVA.

Cette réponse franche a été donnée par le grand patron de Québecor à l’animateur Paul Arcand lorsqu’il lui a demandé jeudi matin, sur les ondes radio du 98,5 FM Montréal, s’il avait l’intention de se départir de ce fleuron. « Non. Je pense que TVA fait partie de notre modèle, qui a d’ailleurs été copié moult fois par nos concurrents. C’est pour nous l’occasion d’intégrer l’ensemble de nos médias », a-t-il affirmé.

M. Péladeau juge toutefois qu’il y a trop de chaînes de télévision au Québec. Et trop de chaînes spécialisées qui ne sont pas regardées, en plus. Bell vient d’annoncer la fermeture de la chaîne pour jeunes adultes Vrak, et « d’autres vont fermer [à terme] », prédit le patron de Québecor. « Il y en a qui vivent, je dirais, artificiellement parce qu’elles bénéficient de l’obligation de distribution de la part des distributeurs. Ça pèse sur notre capacité de proposer des tarifs plus compétitifs, on est “pognés” avec ça. »

Cela dit, il a clairement évoqué d’autres changements à venir après l’abolition de 140 postes au sein du Groupe TVA en début d’année. « Il ne faut pas exclure qu’il y ait des mises à pied. On doit regarder les différents scénarios, et c’est ce que nous faisons », a dit le p.-d.g. de Québecor. « [Le Groupe TVA], c’est une entreprise responsable. Et comme toute entreprise publique responsable, nous devons rendre des comptes à nos actionnaires. On regarde des scénarios, clairement, c’est notre travail de le faire. »

M. Péladeau a refusé de préciser lesquels, tout en soulignant la nécessité de se renouveler dans un contexte médiatique en grande mutation. « Pour la télévision, en plus des revenus publicitaires, on fait face aux géants américains et à des centaines de millions et de milliards de capitalisation boursière. Avant, il y avait Netflix. Maintenant, il y a Paramount, Apple, Peacock, Amazon, Disney… La mondialisation s’est installée. Nous, comme télévision généraliste, nous sommes réglementés. Ça fait des années qu’on demande des conditions [adaptées]. »

Pour la télévision, en plus des revenus publicitaires, on fait face aux géants américains et à des centaines de millions et de milliards de capitalisation boursière. Avant, il y avait Netflix. Maintenant, il y a Paramount, Apple, Peacock, Amazon, Disney…

Tensions et décisions

Québecor se retrouve pour le moins en tension avec ses concurrents — avec Bell pour la distribution des chaînes, avec Radio-Canada sur son mandat et ses revenus publicitaires. Est-ce une manière de faire oublier la responsabilité de M. Péladeau lui-même, « comme boss », dans de possibles mauvaises décisions d’affaires, lui a demandé Paul Arcand sur ses ondes, en avouant qu’il s’agissait d’une question « effrayante ».

« Des mauvaises décisions, j’en ai certainement pris plusieurs, mais ce n’est pas à moi de les mentionner », a répondu le patron en riant un peu. « Est-ce qu’à TVA Sports, on a payé trop cher nos droits pour la Ligue nationale ? Probablement. Mais c’est facile à dire a posteriori. On voulait aussi intégrer le fait qu’on allait avoir une équipe de hockey professionnelle à Québec pour créer une base solide. De ce côté, on frappe un mur, faut pas se raconter d’histoire. »

Le patron de Québecor est revenu sur d’autres décisions récentes, dont le sabordage de la production Le monde à l’envers à quelques semaines du début de la seconde saison de l’émission de débat. Il s’est encore excusé de cette décision tardive, mais a répété la nécessité de faire des économies. La volonté de renégocier le loyer du bureau de ses équipes à l’Assemblée nationale se justifie par la même volonté d’économiser. « Il faut tourner les pierres les unes après les autres. »

Pierre Karl Péladeau mise maintenant sur l’acquisition de l’entreprise de télécommunication Freedom Mobile, implantée dans l’Ouest canadien, comme « nouveau chantier de croissance ». Sur le tuyau en somme, le contenant plutôt que le contenu. Car les profits de Québecor proviennent pour la très grande majorité des revenus de la câblodistribution (y compris pour le Web) et de la téléphonie sans fil.

« Le reste, les canards boiteux [comme la télévision, les magazines ou les maisons d’édition], ce sont des distractions ? » a demandé M. Arcand. « Non », a répondu l’homme d’affaires. « Ça fait partie d’un ensemble, qui nous permet de continuer à générer cette rentabilité-là. »

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