«Après le déluge»: cogner là où ça fait mal

Dans la série, Penande Estime incarne le rôle principal d’une policière qui tente de sauver quatre jeunes des errances de la délinquance en les initiant au MMA.
Noovo Dans la série, Penande Estime incarne le rôle principal d’une policière qui tente de sauver quatre jeunes des errances de la délinquance en les initiant au MMA.

Après le déluge est moins une oeuvre sur la diversité que sur la société québécoise. Il ne s’agit pas non plus d’une série sur la brutalité des coups au sein des arts martiaux mixtes (AMM, ou l’acronyme anglais MMA), plutôt sur celle du système. Avec son éclatante série — qu’elle a écrite, réalisée et coproduite avec Miryam Charles (Cette maison), notamment —, Mara Joly (La maison des folles) frappe en plein dans le mille. « Pour moi, les MMA sont un terrain de libération de la violence dans un cadre avec des règles et un art qui permet d’apprendre à se connaître et à cultiver l’estime de soi », explique la cinéaste, qui a imaginé le personnage de Maxime Salomon, une policière qui tente de sauver quatre jeunes des errances de la délinquance en les initiant aux MMA. Celle qui tient le rôle principal, Penande Estime, que l’on verra par ailleurs bientôt sur grand écran dans Kanaval, d’Henri Pardo, est étonnée de voir à quel point la violence est partout dans la fiction. « Les MMA, au contraire, sont un moyen d’aider les jeunes à canaliser leur colère et à se sentir intégrés », souligne la comédienne.

« Il y a une violence systémique dans le fait d’être défavorisé », fait remarquer Mara Joly, afro-descendante white appearing qui a grandi entre trois continents et bien des familles d’accueil. Elle sait donc mieux que personne de quoi elle parle dans Après le déluge, et c’est précisément le côté systémique de la violence qu’elle souhaitait explorer. « Comment s’en libérer ? » demande-t-elle avec sa série. La réponse est, selon elle, très simple : « briser les clichés sur les personnes défavorisées, dont les Afros, mais pas uniquement ». D’après elle, la société a souvent tendance à déshumaniser certaines sphères de la société à cause, justement, de ces stéréotypes. Les Latinas sont bien plus que des femmes de ménage, les Noirs pas seulement bons à incarner des trafiquants dans les productions locales. Pour sa part, Penande Estime indique que si elle a toujours été actrice, elle a dû se tourner vers la cascade, qui plus est en Ontario et aux États-Unis, par manque de propositions intéressantes. « Au Québec, on m’a souvent offert des rôles clichés, et je trouvais ça dur. » Elle constate qu’ici, lorsqu’on est une femme noire à la peau foncée, « les bras sont moins ouverts ».

Photo: Noovo Penande Estime

Une série comme la société

« Depuis les meurtres de George Floyd et de Joyce Echaquan, on dirait que les personnes au pouvoir ont le désir d’être actives dans une forme de réparation sociale. C’est formidable parce qu’on commence à avoir plus de diversité à l’écran », poursuit la cinéaste. Mais il ne faut pas tout confondre parce que la majorité de la distribution est non blanche. « Après le déluge est là pour montrer comment se sortir de la violence », souligne Mara Joly. Un peu aussi pour mettre en avant « toute la richesse à laquelle on n’a jamais eu accès ». À ce propos, Penande Estime, qui, avouons-le, illumine chaque scène par son aplomb et son magnétisme, lui est infiniment reconnaissante. « Que Mara m’ait choisie pour le rôle, qu’elle ait choisi une femme noire dark skin avec son afro, peu importe ce qu’on dit, qu’elle soit allée jusqu’au bout est une chance. » D’après la comédienne, la porte va probablement s’ouvrir pour d’autres Québécoises à la peau foncée. En outre, jouer la policière Maxime Salomon est une occasion d’être vue en tant que personne. « Ma couleur de peau n’est pas qui je suis », soutient-elle.

Afin d’obtenir le parfait équilibre dans sa série, il était essentiel pour Mara Joly « que le derrière de la caméra soit aussi représentatif de ce qui est devant ». Pour ce faire, elle a fait appel à un directeur de la photographie hors pair, Thomas Soto, dont les magnifiques séquences rappellent celles de Moonlight, de Barry Jenkins, ou d’Euphoria, de Sam Levinson. « Il vient aussi d’un quartier entouré de HLM. Comme on a déjà collaboré, il sait que c’est une priorité pour moi que la lumière mette en valeur les dark skins. Moi, c’est comme ça, dans la vie, que je le perçois », mentionne la cinéaste. L’éclairage a ainsi été soigneusement pensé pour « donner accès à cette beauté et à cette puissance et [pour] qu’enfin nous soyons représentés à la hauteur de notre esthétique », ajoute-t-elle.

De fait, toute l’équipe d’Après le déluge a travaillé sans relâche pour offrir aux téléspectateurs québécois un contenu de très haute qualité. « On avait la niaque », raconte Mara Joly. Plusieurs fois émue aux larmes pendant l’entrevue, elle espère que sa série fera en sorte que chacun puisse se sentir plus concerné par les autres, être conscient de ses biais et de ses privilèges. « Ne jamais minimiser l’impact qu’on peut avoir sur un être humain », souffle-t-elle enfin.

Après le déluge

Sur Noovo les jeudis, à 21 h, et sur noovo.ca, dès le 14 septembre

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