Retour à l’humanité

Gabrielle Boulianne-Tremblay
Photo: Photo : Marie-France Coallier Le Devoir - Montage : Marin Blanc Gabrielle Boulianne-Tremblay

Comme ultime chronique pour Le Devoir, je trouvais nécessaire de finir en beauté avec cette récente édition de la Fierté à Montréal à laquelle j’ai pris part dimanche dernier.

Nous le savons, l’édition de l’année dernière avait été annulée en raison d’un manque de bénévoles, ce qui a suscité à la fois hargne et étonnement. Cette année, cette marche est revenue en force. D’autant plus heureuse de constater que l’on a enregistré un nombre record de marcheurs, pour une année particulièrement queerophobe où nos droits dans le monde entier sont menacés, voire parfois éradiqués, apportant souffrance et désolation, il ne faut pas l’oublier.

Je défilais pour l’organisme Interligne, dont je suis la co-porte-parole depuis cinq ans, mais je défilais aussi, surtout, pour la petite Gabrielle qui a longtemps cherché qui elle était et s’est longtemps demandé si elle avait sa place dans le monde. Me voici, dans cette pleine lumière du mois d’août, à danser sur le boulevard René-Lévesque avec des milliers de personnes, dont trois de mes amis pour qui l’un est sa première Fierté à vie. Me voici, ignorant mon anxiété sociale par je ne sais quel miracle. Nous voici, dans un moment d’apesanteur, salués de part et d’autre par des gens rassemblés et sur les côtés du boulevard, et sur les balcons et même sur les toits de certains édifices. Des couleurs, des paillettes, des sourires, des révélations, des naissances, des renaissances, des regards complices, des accolades bienveillantes, des larmes heureuses, des enfants qui brandissent des drapeaux trans accompagnés de leurs parents qui les soutiennent, bien conscients qu’ainsi, ils leur assurent un avenir plus doux.

Bien sûr, ce n’est pas une Fierté qui règle tout en une journée, qui arrête le personnel des hôpitaux de ne pas utiliser les bons prénoms pour les personnes trans ni les personnes qui ont des chroniques dans des journaux de jeter leur fiel sur une communauté déjà marginalisée, mais il faut tout de même saluer ce rassemblement optimiste, cette percée de soleil dans les nuages où des humains célèbrent d’autres êtres humains.

À 14 h 30, il y a eu une minute de silence pour les victimes du sida, de la transphobie et de l’homophobie qui fut respectée intégralement par tous. Ce moment a planté des frissons dans mon épiderme et mouillé mes yeux.

Ensuite nous sommes allés, mes ami.e.s et moi, terminer notre Fierté sur l’herbe heureuse d’un parc, admirant le ciel, souriant à l’avenir en se disant que notre famille compte des milliers de personnes partout dans le monde. La Fierté, c’est un défilé, mais c’est surtout une protestation pacifique du droit à nos existences, et ce, à longueur d’année. Merci, Fierté Montréal, pour cette fabuleuse édition.

Voilà, c’est bien émue et fière que je termine ma collaboration pour le fabuleux Devoir, auquel je tiens à exprimer mon éternelle gratitude après un peu plus d’un an (moi qui pensais n’écrire que deux ou trois chroniques).

J’espère que mon passage vous aura sensiblisé.e.s aux réalités des personnes trans d’une quelconque façon. Merci à vous de m’avoir lue, et à Manon Dumais pour la confiance. Je pars fièrement puisque je n’oublierai jamais que c’est en votre compagnie que je suis allée à la plage sans honte, que j’ai partagé des mots précieux à mon père, que j’ai dénoncé des injustices avec tout l’amour que je porte pour le monde, que j’ai surmonté des peurs, que j’ai habité seule, que j’ai entamé une relation amoureuse saine, que je suis devenue adulte, que j’ai traité sans honte de santé mentale.

Nous faisons face à de nombreux défis, à savoir la crise climatique, la montée de l’extrême droite. Cependant, j’ai confiance que tant que nous n’oublions pas de dénoncer, de nous informer, de nous ouvrir à l’autre, tant que nous nous souvenons de sortir de notre individualisme dans les moments cruciaux de notre Histoire que nous écrivons ensemble, nous pouvons progresser. Le meilleur nous attend.

Merci et au revoir.

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