Voir grand dans une toute petite maison

Charles-Édouard Carrier Collaboration spéciale
Les microhabitations gagnent en popularité dans un contexte où il est de plus en plus difficile d’acquérir une propriété.
Photo: Maisons Bonneville Les microhabitations gagnent en popularité dans un contexte où il est de plus en plus difficile d’acquérir une propriété.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Vivre dans plus petit. Se libérer du poids des objets et des acquisitions superflus. Se placer en harmonie avec la nature. Limiter son empreinte écologique. Devenir propriétaire. Cinq arguments qui justifient parfaitement le désir d’adopter un mode de vie en format mini, soit faire le choix d’une microhabitation. Premier texte de trois sur ce phénomène inspiré des modes de vie minimaliste et nomade, marginaux il y a quelques années, mais qui gagnent en popularité dans un contexte où il est de plus en plus difficile d’acquérir une propriété.

Spécialiste des maisons fabriquées en usine, Dany Bonneville a vu dans les habitations minimalistes un fort potentiel. Il y a un peu plus de cinq ans, l’entreprise québécoise amorçait des travaux de conception pour fabriquer des maisons à la fois fonctionnelles, contemporaines et de petite superficie. Aujourd’hui, ce qu’il appelle la série Micro-Loft propose une quinzaine de modèles dont les superficies varient entre 500 et 1100 pi2 (46,5 à 102 m2).

« On a commencé par faire une étude de marché, parce qu’à l’époque, une minimaison, c’était 300 pi2. Les gens ont répondu que c’était trop petit. On aimait les terrasses sur le toit, les plafonds en bois, les poutres apparentes, les grandes fenêtres, maisdans du 800 pi2. On avait ainsi le meilleur des deux mondes. »

Toutefois, le concept de minimaison, ce n’est pas qu’une question de superficie. « Il y a une dimension écologique tout aussi importante, poursuit-il. On parle d’une installation sur des pieux et non pas sur du béton, de rendements énergétiques supérieurs, d’un choix de matériaux dont certaines composantes proviennent de produits recyclés, etc. » Et puis, bien entendu, côté design, on parle d’aires communes fonctionnelles qui favorisent les échanges et une fenestration abondante qui ouvre l’espace de vie sur son environnement.

Chez Maisons Bonneville, comme ailleurs, le produit attire trois types de clientèle prêts à payer 100 000 $ et plus pour une minimaison : « Les baby-boomers, les jeunes familles qui souhaitent un pied-à-terre en nature pour les activités extérieures et la clientèle locative qui voit la minimaison comme une source de revenus en priorisant la location plutôt que l’occupation », détaille Dany Bonneville. COVID-19 oblige, à ces clientèles s’ajoutent, depuis peu, des gens qui troquent leur véhicule récréatif ou leur condo en Floride pour une habitation qui demandera peu d’entretien, tournant le dos à une retraite sur la route des vacances.

Photo: Maisons Bonneville Dans une minimaison, on favorise une fenestration abondante qui ouvre l’espace de vie sur son environnement.

Aujourd’hui, presque tous les fabricants de maisons usinées proposent des habitations aux superficies habitables réduites qui correspondent bien aux besoins de ceux qui cherchent un mode de vie simplifié. C’est par exemple le cas de Maisons Usinex, avec ses modèles contemporains Oasis et Innova, tous deux sous la barre des 800 pi2 (74 m2) habitables. Maisons Confort Design, Pro-Fab, Énergéco Concept et plusieurs autres ont aussi leurs modèles. Du côté de ILO Mini-Maison, on propose des solutions modulaires à partir de 50 000 $, et plusieurs minimaison peuvent être agencées pour accueillir confortablement une famille.

Petite maison, petite empreinte

 

Si plusieurs entrepreneurs ont ajouté ces produits à leur gamme de maisons neuves, le concept de minimaison est aussi souvent lié au principe d’autoconstruction. C’est le chemin qu’ont choisi Mélanie St-Pierre et Marc-Antoine Meilleur, qui travaillent tous les deux dans le domaine du développement durable.

Avec des valeurs écoresponsables déjà bien ancrées, le couple souhaitait adopter un mode de vie plus minimaliste et en harmonie avec ses convictions environnementales. « On avait un appartement qui nous coûtait beaucoup trop cher et on partageait le désir d’un milieu de vie et d’une habitation à l’image de nos valeurs, explique la jeune femme de 32 ans. En naviguant parmi les divers scénarios, nous avons considéré la possibilité d’autoconstruire une minimaison. Commencer par petit, recycler autant que possible, y aller étape par étape, la tiny house répondait à tous nos critères. » C’est la firme spécialisée en habitation écologique ALTE Coop qui a assisté le couple dans le processus d’élaboration du projet.

« Vivre dans plus petit limite l’empreinte carbone, poursuit Marc-Antoine Meilleur. Ça force à réfléchir à ce dont on a vraiment besoin. On se détache ainsi des biens matériels pour davantage valoriser le contact avec l’extérieur. »

Derrière cette volonté de vivre de façon plus écoresponsable se cache aussi la possibilité, non négligeable, de devenir propriétaire. Un souhait partagé par plusieurs personnes qui font le choix de la minimaison. En effet, sans amener à nous endetter sur plusieurs décennies, le concept de la minimaison autoconstruite permet de devenir propriétaire à moindre coût puisqu’en se basant sur un loyer moyen de 1000 $ par mois, on réalise rapidement une économie d’échelle : « Dans moins d’un an, on aura rentabilisé notre tiny house », illustre celui qui est aussi ingénieur.

Le projet de Mélanie et Marc-Antoine a été largement documenté sur leur page Facebook Les Frisés recycleurs – Projet minimaison. En sept mois, ils ont construit leur habitation sur une remorque de 30 pieds (2,8 m) en Outaouais avant de la déménager à la destination choisie. Facture totale : 23 000 $, excluant la main-d’œuvre et le terrain.

Avec le temps, le couple voudrait agrandir la maison et la faire évoluer en fonction des besoins futurs. « C’est beaucoup de travail pour en arriver là, mais on est très heureux dans cet environnement qu’on habite depuis mars dernier », confie Marc-Antoine Meilleur. Tout à fait d’accord avec lui, Mélanie St-Pierre ajoute : « À long terme, pour que ça ait du sens, les municipalités devront adapter les réglementations en vigueur. Ça prend plus d’acceptation pour des maisons de cette taille, un choix en phase avec le mode de vie flexible dont nous avons besoin en ce moment. »

Construire, louer, recommencer, en format mini

Photo: Courtoisie La minimaison de Denis Sarazin
  

Depuis plus d’une dizaine d’années, Denis Sarazin fait la location de chalets. Habile de ses mains, il a lui-même construit les habitations qu’il affiche en location sur différentes plateformes d’hébergement à court terme. Les affaires se portaient bien, mais lorsque l’entrepreneur souhaitait prendre un pause de la ville et profiter de ses espaces en nature, un problème se posait : « Chaque fois que je vais au chalet, ça implique que je me prive d’un revenu de location. Comme je viens ici pour les activités extérieures, la montagne, les restaurants, la raquette, la motoneige, je n’avais besoin que d’un espace pour dormir. C’est de là qu’est venue l’idée de la minimaison. »

Sans plans, mais en s’inspirant de ce qu’il pouvait trouver sur le Web, il a entrepris la construction d’une habitation mobile sur une plateforme d’à peine 70 pi2 (6,5 m2) avec mezzanine. « C’est dans ce qui se fait de plus petit comme dimension de minimaison. Pourtant, j’ai tout : électricité, chauffage, plaque de cuisson à induction, four grille-pain, toilette compost, télévision. Et puis c’est tellement fenestré qu’une fois à l’intérieur, on oublie que c’est si restreint comme superficie, assure l’artisan. On a l’impression d’être en contact direct avec la nature, de faire partie du décor. »

La minimaison, c’est avant tout un mode de vie qui place l’occupant au cœur de la nature. Petite maison, très grands espaces.

Fonctionnelle, jolie et dépaysante, la maison qu’il ne devait utiliser que pour dormir s’est révélé avoir un fort potentiel attractif et… locatif. C’est pourquoi les journées où Denis Sarazin est à Montréal, sa minimaison est louée. Instagram, Pinterest, articles de magazines, blogues de voyageurs, elle est partout sur le Web. Elle est tellement populaire qu’il envisage d’en construire d’autres, sur un second terrain qu’il possède. « La demande est là, la clientèle est au rendez-vous. Il y a manifestement un marché intéressant pour ce type d’habitation à mi-chemin entre le camping et le chalet. » Jeunes couples, retraités, voyageurs solos en quête de tranquillité, ils sont nombreux à se placer sur une liste d’attente pour réserver la prochaine nuitée disponible. Tarif ? Entre 180 et 200 $ la nuit. Pas si mal pour une maison construite avec beaucoup d’ingéniosité et un budget qui frôle à peine 4000 $.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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