L'engouement pour les minimaisons, bien au-delà des réseaux sociaux

Charles-Édouard Carrier Collaboration spéciale
L'entreprise Minimaliste Houses a élaboré un prototype de minimaison motivé par la réduction de l’empreinte écologique, mais aussi par le mode de vie en «tinyhouse» comme présenté dans les différentes émissions de télévision.
Photo: Minimaliste Houses L'entreprise Minimaliste Houses a élaboré un prototype de minimaison motivé par la réduction de l’empreinte écologique, mais aussi par le mode de vie en «tinyhouse» comme présenté dans les différentes émissions de télévision.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Bien que les petites habitations existent depuis toujours, c’est à la fin des années 1990 que naît le mouvement tinyhouse avec l’arrivée de la Tumbleweed Tiny House Company, fondée par Jay Shafer en Californie. Plus récemment, c’est le Web qui a fait progresser à une vitesse vertigineuse l’intérêt pour ce nouveau mode de vie. Avec sa communauté hyperactive sur les réseaux sociaux, le choix d’une minimaison devient de plus en plus accessible. Mais le manque d’encadrement de ce produit d’habitation vient avec certains dangers pour une industrie encore bien jeune. Troisième texte d’une série de quatre.

Nouveau paradigme en matière d’habitation, on ne compte plus les pages Facebook, Instagram ou Pinterest qui sont totalement consacrées aux minimaisons. Balados, blogues et chaînes YouTube complètent l’offre qui ne cesse de se bonifier. Le projet d’une tinyhouse dépasse celui de la simple acquisition d’une résidence, et les gens s’intéressent autant au cheminement des entrepreneurs et aux histoires derrière chacune de ces maisons qu’au produit en tant que tel.

De l’île d’Orléans à la Californie

Internet a non seulement dopé l’intérêt pour le produit, mais il a aussi permis à des entreprises d’ici de prendre du galon. C’est le cas de Minimaliste Houses qui, en 2015, élabore un prototype de minimaison motivé par la réduction de l’empreinte écologique, mais aussi par le mode de vie en tinyhouse comme présenté dans les différentes émissions de télévision. Objectif : une habitation adaptée aux réalités du Québec.

« C’était beau, aux États-Unis, mais le produit n’était pas du tout approprié pour nos hivers, se souvient Jean-Philippe Marquis, copropriétaire et directeur des ventes et du développement chez Minimaliste Houses. Il fallait trouver une façon d’amener les gens à se projeter dans ce type d’habitation ici et non pas uniquement sur la côte ouest américaine. On cherchait une recette sécuritaire, avec des matériaux durables, à haut rendement énergétique et réfléchie en fonction d’une occupation quatre saisons. »

Dès les premiers modèles sur le marché, et à l’instar des autres entrepreneurs et fabricants de minimaisons au Québec, il note que même si la demande est là, les municipalités du Québec s’adaptent mal à ce nouveau produit. Néanmoins, c’est grâce au Web et au marché américain que l’entreprise a pu afficher une croissance constante. « Notre prototype sur roues a été vendu en Arkansas par l’entremise d’un site de revente de minimaisons, se souvient l’entrepreneur. Voyant le potentiel de ce marché plus flexible, on a tout mis en œuvre pour obtenir les certifications américaines. Rapidement, la notoriété de l’entreprise sur les réseaux sociaux a fait augmenter la demande. »

Plus de 115 000 abonnés sur Instagram et 36 000 sur Facebook plus tard, sans parler de la chaîne YouTube, le Web a poussé l’entreprise à élargir son marché, de sorte qu’aujourd’hui, le chiffre d’affaires de la société de Saint-Pierre de l’île d’Orléans provient principalement des ventes à l’étranger. « On a été les premiers surpris par l’engouement du projet sur les réseaux sociaux. Je n’en reviens pas qu’il y ait des gens de la Californie qui nous achètent une maison sans même nous avoir serré la main. C’est une preuve de confiance qui nous force à nous dépasser dans notre produit », confie Jean-Philippe Marquis. Aujourd’hui, dans le carnet de commandes de l’entreprise, on y trouve même une microhabitation qui se prépare à prendre la route du Mexique et qui traversera la frontière tirée par un camion-remorque.

Les limites des réseaux sociaux

 

Au Québec, plusieurs pages Facebook se consacrent à la minimaison. Les internautes s’y retrouvent pour discuter mécanique du bâtiment, étanchéité, design, aménagement, fabrication artisanale et conseils d’achat. Un fort esprit de communauté règne sur ces pages, jusqu’au point de créer des rassemblements et des festivals qui démystifient le mode de vie minimaliste.

Catherine Lafleur et Jason Thibodeau sont des habitués des projets de construction et de rénovation majeure, ayant déjà plusieurs flips immobiliers derrière la cravate. Le couple souhaitait explorer l’univers de la minimaison : « Quand on se trouve dans un lieu plus petit et épuré, mais qui demeure fonctionnel, on se retrouve dans un calme absolu et une détente très libératrice », explique Catherine Lafleur. Au moment de lancer leur projet Au-delà du boulot, des microchalets et minimaisons en location sur un vaste terrain à Brownsburg-Chatham, c’est vers le Web qu’ils se sont tournés : « On s’est abonné à plusieurs groupes de discussion pour obtenir de l’aide et des connaissances additionnelles pour mieux gérer les défis reliés à l’hiver. Au sein de la communauté Web, les gens partagent leurs histoires, les conseils, les choses à faire ou ne pas faire. » Toutefois, c’est l’expérience du couple qui lui a permis de faire un tri dans toutes les réponses qu’on leur a fournies, parce que parmi les internautes actifs dans cette communauté, tous ne possèdent pas les mêmes compétences.

Du choix d’un terrain à la façon de prévoir un rangement pour les planches à neige en été, on trouve des questions sur à peu près tous les sujets. « Je suis nouveau dans ce groupe et je recherche plus d’informations et conseils sur les toilettes au compost pour les minimaisons et les réfrigérateurs au propane ou 12 volts », peut-on lire ici. « À la recherche d’une minimaison avec trois chambres à coucher. Est-ce possible et si oui svp m’indiquer les endroits ou les fabricants où je pourrais m’en procurer une », lit-on sur cette autre page Facebook. « Question pour les gens qui ont une mini / micro maison sur roues. Comment vous fonctionnez l’hiver pour l’eau courante et les égouts ? Quelle est la meilleure solution ? » a écrit quelqu’un d’autre un peu plus bas. Chacune de ces questions récolte des dizaines de commentaires sur Facebook. Des gens offrent leur aide, d’autres recommandent des spécialistes.

Cette quantité incroyable d’information rendue disponible pour que tout un chacun puisse construire sa maison, qu’en pensent les gens de l’industrie ? « En tant qu’entrepreneur, je me dois de répondre que ça peut nuire au marché. Je fais le parallèle avec les modifications d’une voiture. À partir d’un certain point, une inspection mécanique est exigée pour éviter de mettre la vie du conducteur et celle des autres automobilistes en danger. Ça devrait être la même chose pour la tinyhouse. Imaginons un instant qu’une maison mal construite ne résiste pas au transport et se brise sur la route. Ou encore qu’il y ait un incendie dû à un problème électrique alors qu’il n’y a pas d’issues de secours qui ont été prévues au plan d’aménagement… C’est toute l’industrie qui paiera pour ça », prévient Jean-Philippe Marquis. C’est pourquoi son entreprise, comme plusieurs autres, demeure très active sur les réseaux sociaux pour guider les gens, se mêler aux discussions et partager l’expertise acquise au fil des années.

Certification en ligne

 

La communauté minimaison en ligne profite aussi de sa propre certification émise depuis 2015. L’organisme NOAH (National Organization of Alternative Housing) travaille de concert avec des banques et des compagnies d’assurances pour certifier les produits de microhabitation. L’autoconstructeur d’une telle habitation peut donc demander une inspection en cinq étapes qui s’échelonne du début à la fin du processus de construction. L’accompagnement se fait à distance et vise à certifier que le produit a été construit selon les règles de l’art. Les Québécois peuvent faire appel aux experts de NOAH même si, pour l’heure, aucune certification n’est exigée pour construire, déplacer et occuper une telle habitation.

Au-delà des nombreuses communautés virtuelles et de l’engouement en ligne pour ce type d’habitation, les acheteurs et les entrepreneurs devront démontrer que la minimaison représente un marché crédible aux institutions financières, aux municipalités et aux gouvernements, et établir que sa fabrication gagnera à être mieux encadrée sans pour autant briser l’idéologie du faire soi-même souvent associé au mouvement tinyhouse. Un double défi pour les années à venir qui permettra d’enrayer plusieurs zones grises et rendre ce mode de vie plus accessible. 

Le poids des roues

Sur le Web, on privilégie souvent le choix d’une construction sur roues à partir d’une remorque, même si cette configuration sur roues complexifie le processus d’approbation du côté des municipalités, qui peinent à lui trouver une catégorie appropriée quant au type d’habitation et de zonage. En revanche, dans certaines régions des États-Unis, les roues représentent un atout majeur. C’est particulièrement le cas dans des zones susceptibles d’être frappées par des désastres naturels tels que les feux de forêt et les inondations. « Même si les acheteurs installent habituellement leur minimaison sur roues de façon permanente, il est toujours possible de les déplacer en cas d’évacuation », précise Jean-Philippe Marquis de Minimaliste Houses. Les médias américains rapportent plusieurs histoires de propriétaires ayant remorqué leur maison in extremis pour la sauver des incendies dévastateurs de cet été.

.

 

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



À voir en vidéo