«Soif de révolution»: l’univers créatifs des alcools québécois

Simon Naud du vignoble La Bauge dans la série documentaire « Soif de révolution »
Photo: Historia Simon Naud du vignoble La Bauge dans la série documentaire « Soif de révolution »

« On a tous vécu ça avec des amis. On se dit : “On devrait faire ceci, on devrait faire ça !” Et on n’en reparle plus jamais. Eux autres, ils disent “on devrait faire ça” et ils le font ! »

Ces mots du regretté conseiller en vin Michel Beauchamp illustrent bien l’effervescence des producteurs d’alcools québécois. Comme une bande de révolutionnaires, microbrasseurs, vignerons et microdistillateurs veulent suivre leurs passions et tirer leur épingle du jeu, modifiant, du même coup, le paysage québécois. Ce dynamisme s’incarne dans la série documentaire Soif de révolution présentée dès le 15 mars sur Historia. Le Devoir s’est entretenu avec le réalisateur et scénariste Nicolas Houde-Sauvé.

Au-delà de votre intérêt personnel pour les alcools locaux, quelles raisons vous ont poussé à proposer cette série documentaire ?

Ça faisait longtemps que j’avais ça en tête et je trouvais que les choses étaient bien alignées. Quand ma mère ou ma tante commencent à comprendre qu’il se passe quelque chose dans le monde de l’alcool au Québec, c’est que c’est réel et que ce n’est plus une affaire de niche.

J’ai toujours été intrigué par les gens qui ont une vision et une passion. J’ai décidé d’aller voir où en étaient les choses, et la vitalité du milieu m’a étonné ! Plus la production avançait, plus ce dynamisme continuait. Et ça continue ! On pourrait présenter quelque chose d’encore plus intense que ce qu’on a présenté au départ tellement ça bouge. Mon objectif était de montrer le parcours des producteurs.

Y a-t-il un univers dont l’élan vous a le plus surpris ?

Je crois que la plus grande révolution, c’est dans le monde du vin. C’est la moins connue et la plus étonnante. On s’entend, en matière de gin et de bière, on a tout pour rivaliser avec le monde entier. En ce qui concerne les vins, on s’imagine qu’il fait encore trop froid, que ce que l’on produit est trop maigre et acide. Quand tu entres dans cet univers, tu réalises qu’on est plutôt en train de créer une identité. Ce n’est pas tout le monde qui aime ce genre de vin, et c’est correct. Mais comparativement à il y a 15 ans, les vins québécois ont vraiment une personnalité. C’est stimulant !

Et puis, il y a tout le concept du grain à la bouteille, comme le fait Vincent Van Horn, distillateur en chef à La Chaufferie, à Granby. Je trouve ça merveilleux ! Les consommateurs ne sont pas au courant que plus de 80 % des gins sont des alcools neutres aromatisés. Transformer du grain en alcool, c’est complexe et rare. J’avais le goût de montrer ça. Parler de cette révolution, ça donne le goût aux gens de voir ce mouvement-là. Je suis fier de la série, elle a une belle impulsion.

Photo: Historia Vincent Van Horn, de La Chaufferie, à Granby, dans la série documentaire « Soif de révolution »

Dans l’un des épisodes, Simon Naud, du vignoble La Bauge, raconte qu’auparavant, il allait de porte en porte dans les restaurants pour proposer ses vins, alors que maintenant ce sont eux qui viennent à lui. Ça aussi, c’est une révolution.

Exactement. Le milieu du vin est complexe. La Société des alcools du Québec (SAQ) a plus ou moins emboîté le pas. C’est une grosse machine qui va à son rythme. Alors, ça passe vraiment plus par les épiciers et les restaurateurs. Quand on a commencé le tournage, Simon vendait encore des bouteilles à la SAQ, mais il n’y en a presque plus. Sa révolution biologique est tellement puissante que, maintenant, il ne fait que des vins nature qui sont vendus dans les commerces indépendants et les restaurants.

Comment le monde de l’alcool au Québec a-t-il renouvelé le paysage ?

Dès le début du projet, je cherchais des gens qui avaient un impact sur leur milieu. Un bon exemple, c’est la gang des Grands Bois. Ces gars-là sont fascinants ! Ils n’ont pas ouvert qu’une microbrasserie, c’est aussi une salle de spectacle. Ils organisent des événements, font revivre le village [de Saint-Casimir]. Ce côté-là, de mettre sa région natale sur la map et de créer son propre job, c’est typique des microbrasseries. Dans plein de petits patelins, elles remplacent quasiment le Tim Hortons. Ça devient un lieu de rencontre, le centre culturel du village. Ce dynamisme-là, ça crée 5000 emplois reliés à l’industrie brassicole au Québec.

On entend de plus en plus les microdistilleries crier à l’aide. Quel est l’état des choses actuellement ?

C’est une entreprise florissante qui fait vivre certaines régions, mais c’est tough. Les marges ne sont pas grosses, la vente sur place ne rapporte pas plus d’argent. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas avec le modèle de la SAQ. Ce qui a été fait dans l’univers du vin et de la bière, soit permettre de vendre sur place et d’avoir un profit plus intéressant, ç’a tout changé. Que ça soit disponible dans les dépanneurs, c’est aussi ça, la révolution. Les spiritueux n’ont pas les mêmes normes. C’est tout un débat.

Ce sont des projets de production d’alcool, mais sur le plan humain, ces artisans ont vraiment une vision et un savoir-faire. Les microdistilleries sont-elles trop nombreuses ? Je ne le crois pas. Il y a beaucoup de gins, mais des gins de qualité comme ceux que font Claudia Doyon et Vincent Van Horne, il y aura toujours de la place pour ça.

Soif de révolution

Mercredi, 21 h 30, à Historia dès le 15 mars

À voir en vidéo