Dépister encore plus tôt l’Alzheimer

Illustration représentant des cellules dans un cerveau atteint de l’alzheimer, avec des niveaux anormaux de la protéine bêta-amyloïde qui s’agglutinent pour former des plaques, en marron, qui s’accumulent entre les neurones et perturbent le fonctionnement des cellules.
Institut national du vieillissement via Associated Press Illustration représentant des cellules dans un cerveau atteint de l’alzheimer, avec des niveaux anormaux de la protéine bêta-amyloïde qui s’agglutinent pour former des plaques, en marron, qui s’accumulent entre les neurones et perturbent le fonctionnement des cellules.

De nombreux scientifiques s’appliquent à mettre au point des tests permettant de diagnostiquer à coup sûr la maladie d’Alzheimer et de prédire son évolution afin de rendre possible le dépistage des personnes qui souffriront de cette maladie avant qu’elles ne présentent des symptômes.

Des chercheurs de l’Université Emory, à Atlanta, ont présenté le mercredi 6 septembre, dans Science Translational Medicine, le test qu’ils ont conçu et qui accroît la fiabilité de la prédiction.

Les médecins diagnostiquent habituellement l’alzheimer chez des personnes qui commencent à présenter des symptômes à l’aide d’une trentaine de questions mesurant leurs facultés cognitives. La fiabilité du diagnostic obtenu de cette façon est d’environ 80 %, souligne le Dr Judes Poirier, qui est directeur de l’Unité de neurobiologie moléculaire du Centre de recherche Douglas.

Pour augmenter la précision du diagnostic, certains neurologues vont prélever par ponction lombaire du liquide cérébrospinal — dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière — afin d’y mesurer la concentration de trois molécules qui sont anormalement abondantes dans le cerveau des personnes atteintes d’alzheimer. « La détection de ces trois marqueurs de la maladie que sont la bêta-amyloïde 42, la protéine tau totale et la phospho-tau 181 nous permet de dépister les personnes qui développeront l’alzheimer dans un avenir relativement proche avec une fiabilité de l’ordre de 90 % », précise le Dr Poirier, qui est professeur au Département de psychiatrie de l’Université McGill.

Le test présenté par les chercheurs de l’Université Emory consiste à prélever du liquide cérébrospinal, dans lequel ils recherchent 48 autres molécules qui semblent être anormales chez les personnes atteintes d’alzheimer.

Leur test, qu’ils ont éprouvé chez des individus se trouvant à différents stades de la maladie, dont certains étaient encore asymptomatiques, permet un diagnostic d’une précision de 94 %.

« C’est un gain [de 4 %] et le choix des molécules est tout à fait justifié sur la base de nos connaissances sur l’émergence de la maladie. Mais ce test nécessite une technologie très sophistiquée qui requiert une importante quantité d’échantillons, qui est complexe et très coûteuse, et qui, de ce fait, ne se prête pas vraiment à la clinique », affirme le Dr Poirier, qui est un peu déçu par la performance du test, qui ne hausse la précision de la prédictibilité de la maladie que de 4 %.

L’équipe de l’Université Emory figure parmi une douzaine de groupes différents dans le monde qui s’appliquent à mettre au point une méthode qui permettrait d’effectuer un diagnostic précoce avec une grande fiabilité. Il s’agit donc d’un sujet de recherche très dynamique, car dépister tôt la maladie permettrait de retarder l’apparition des symptômes par des traitements précoces.

On estime que la phase silencieuse de la maladie, soit celle qui précède les symptômes, dure entre 20 et 30 ans, tandis que la phase symptomatique dure entre 8 et 11 ans. « Cela veut dire qu’on a les deux tiers du chemin de fait quand apparaissent les symptômes. Il est clair que tout changement biologique important ne survient pas uniquement au moment où les symptômes font leur apparition. Les deux décennies qui précèdent l’expression de la maladie sont donc les plus stratégiques », fait remarquer le Dr Poirier.

« Un jour, on n’attendra plus que les symptômes apparaissent pour traiter quelqu’un. On identifiera les personnes qui sont sur une trajectoire de l’alzheimer dans la quarantaine ou la cinquantaine, et on commencera tout de suite à les traiter afin de retarder suffisamment la maladie pour que les gens meurent de vieillesse ou d’autres pathologies que de la maladie d’Alzheimer », poursuit ce grand spécialiste de l’alzheimer.

L’équipe du Dr Poirier travaille elle aussi à la conception d’un test diagnostique plus fiable. Elle a examiné 291 molécules qui semblaient être impliquées dans l’alzheimer. « Notre test augmente la précision par rapport à l’utilisation des trois marqueurs, mais pas énormément. On a toutefois découvert qu’une dizaine de ces molécules avaient un rôle biologique pas mal plus élaboré que ce qu’on avait imaginé. Chacune de ces molécules fait l’objet de recherches dans mon laboratoire, car déterminer leur rôle, leur contribution précise dans la maladie nous aidera à mieux comprendre les causes de l’alzheimer », fait savoir le chercheur.

« L’une de ces molécules — qui est anormalement exprimée (c’est-à-dire trop abondante) de 10 à 15 ans avant l’apparition des symptômes — est associée à l’insuline. Elle vient attraper l’insuline une fois que cette dernière a terminé son action et elle l’amène se faire dégrader », précise le Dr Poirier.

Ce dernier n’a pas été surpris de trouver une anomalie au niveau de l’insuline, car le diabète est un important facteur de risque de la maladie d’Alzheimer. « Un diabète qui n’est pas contrôlé multiplie par deux, voire par trois, le risque de souffrir un jour d’alzheimer », prévient-il.

« Quand on rencontre des enfants de personnes [souffrant ou ayant souffert d’alzheimer] et qui sont de ce fait à risque en raison de leur histoire familiale, on vérifie s’ils font du diabète, de l’hypertension et s’ils ont un taux de cholestérol élevé, qui sont trois facteurs de risque importants après ceux de l’âge [avancé] et du sexe [les femmes sont deux ou trois fois plus à risque que les hommes]. Comme nous disposons de multiples molécules pour contrôler l’hypertension, le cholestérol et le diabète, on peut ainsi réduire leur risque de développer l’alzheimer en gérant ces trois facteurs », indique-t-il.

Visiblement, on progresse enfin dans la prévention de cette maladie qui pullule.



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