Un morceau d’astéroïde touchera bientôt la terre ferme

Le 24 septembre prochain, un échantillon d’astéroïde prélevé dans l’espace se posera sur Terre. L’équipe de l’Agence spatiale canadienne (ASC) est fébrile, car grâce à sa contribution à cette mission, elle pourra récupérer une portion de ce corps céleste. Et son étude devrait aider à mieux comprendre la formation du système solaire et l’émergence de la vie sur Terre.

Lancée le 8 septembre 2016, la sonde spatiale OSIRIS-REx est arrivée à proximité de l’astéroïde Bennu le 3 décembre 2018. Elle est ensuite restée en orbite autour de cet astre pendant deux ans, durant lesquels elle a collecté des données qui lui ont permis de sélectionner un site d’échantillonnage adéquat.

Un échantillon de Bennu a finalement été prélevé le 20 octobre 2020. Quelques mois plus tard, la sonde a entrepris le voyage de retour vers la Terre. Et c’est le 24 septembre prochain qu’elle doit relâcher la capsule contenant l’échantillon d’astéroïde. Cette dernière traversera l’atmosphère terrestre avant de se poser dans le désert de l’Utah. La sonde OSIRIS-REx, pour sa part, repartira vers d’autres cieux.

Photo: Craig Rubadoux archives Florida Today / Associated Press Des centaines de personnes avaient envahi le Canaveral National Seashore pour assister au lancement d’une fusée Atlas V 411, qui transportait la sonde spatiale OSIRISREx, le 8 septembre 2016.

Quel est l’intérêt d’une telle mission alors que des astéroïdes — ou du moins des fragments — sont déjà présents sur le sol de notre planète ? « Ces fragments qui sont tombés sur Terre ont été exposés à des températures extrêmes lors de leur traversée de l’atmosphère et ils ont pu subir des contaminations pendant les milliers d’années qu’ils ont passées à la surface de la Terre, d’où l’importance d’aller dans l’espace chercher un échantillon intact qui n’a été altéré ni par l’atmosphère terrestre ni par des composés terrestres », fait valoir Caroline-Emmanuelle Morisset, scientifique au programme de sciences planétaires de l’ASC.

« Nous pensons qu’un astéroïde comme Bennu constitue un morceau du début de la formation du système solaire, il contient peut-être même des fragments qui seraient plus vieux que le système solaire. Aller chercher un échantillon de Bennu nous permettra d’ouvrir une fenêtre sur le début de la formation du système solaire, de comprendre sa formation et son origine », poursuit-elle.

Photo: NASA Goddard Université de l’Arizona via Agence France-Presse Le 16 novembre 2018, à 136 km de Bennu, la sonde OSIRISREx photographie l’astéroïde. L’image montre Bennu augmentée à 300 pixels et a été étirée pour accentuer le contraste entre les hautes lumières et les ombres.

Demeuré presque intact depuis la formation du système solaire, il y a 4,6 milliards d’années, Bennu représente un important témoin de cette lointaine époque. Il devrait fournir des indices sur la façon dont les planètes se sont formées.

Les astéroïdes comme Bennu se sont formés au début de la formation du système solaire, quand l’énergie a commencé à diminuer et que des nuages de matière se sont condensés et solidifiés, explique la scientifique. Mais contrairement aux planètes, les astéroïdes ne se sont pas différenciés et sont de beaucoup plus petite taille.

Indices sur l’émergence de la vie ?

De plus, Bennu « contient probablement des composés organiques et de l’eau, soit les ingrédients nécessaires à la vie », note Mme Morisset. « Étudier ces ingrédients contenus dans un astéroïde peut nous donner des pistes sur la façon dont la vie est apparue sur Terre et sur le rôle des astéroïdes dans ce processus », dit-elle. Car certains avancent l’hypothèse que les éléments chimiques essentiels à l’éclosion de la vie sur Terre viendraient de météorites tombées sur celle-ci.

Les responsables de la mission OSIRIS-REx ont choisi comme cible l’astéroïde Bennu pour diverses raisons. D’abord, parce qu’il passe à proximité de notre planète tous les six ans : son orbite croise même celle de la Terre, ce qui facilite et raccourcit le déplacement d’une sonde. Ensuite, parce que l’astéroïde sélectionné devait avoir un diamètre de plus de 200 mètres, car les plus petits astéroïdes tournent trop vite sur eux-mêmes. « Il est plus difficile de s’approcher d’un astéroïde et de procéder à un prélèvement à sa surface si sa vitesse de rotation est très élevée », souligne Mme Morisset.

Photo: NASA TV via Agence France-Presse Le 20 octobre 2020, le bras robotique de la sonde entre en contact avec l’astéroïde pour y prélever des échantillons. La NASA avait publié le lendemain les premières images de l’opération d’échantillonnage.

Cinq astéroïdes remplissaient ces critères. Bennu a été préféré parce qu’il semble être particulièrement riche en carbone — et que, pour cette raison, il pourrait fournir des indices sur l’émergence des premières molécules organiques. Il fait aussi 500 mètres de diamètre et tourne sur lui-même en 4,3 heures, ce qui a permis de réaliser sans problème le prélèvement d’un échantillon.

La part du Canada

 

Avant de procéder à cette délicate manoeuvre, la sonde OSIRIS-REx a cartographié en détail la surface de Bennu à l’aide de l’instrument canadien OLA (OSIRIS-REx Laser Altimeter), qui, à la manière d’un radar, émet un faisceau laser en direction de l’astéroïde et capte ce qui est réfléchi par la surface. Le temps écoulé entre l’émission et la réception de ces impulsions permet de déterminer la distance entre la sonde et la surface, et par le fait même de dresser « avec une résolution exceptionnelle » une carte topographique tridimensionnelle de l’astéroïde.

« On s’attendait à ce que la surface soit plus lisse, alors qu’elle était jonchée de débris et de fragments, ce qui a rendu plus ardue la sélection d’un site pour échantillonner. Mais l’une des plus grandes surprises que nous avons eues est que ces débris étaient assez meubles. Quand le bras robotisé s’est approché pour prélever un échantillon, on s’attendait à ce que la surface soit dure. Or, l’échantillonneur s’est enfoncé aisément jusqu’à 50 cm de profondeur. On a même dû allumer la sonde pour reculer et arrêter le bras », raconte la chercheuse.

Comme l’ASC a fourni l’OLA, elle recevra 4 % de l’échantillon prélevé. « On le conservera sous azote pur, qui est un gaz inerte qui empêchera les réactions avec l’atmosphère. On veut qu’il soit préservé comme il a été trouvé dans l’espace », précise Mme Morisset.

Ce morceau d’astéroïde sera ensuite mis à la disposition de la communauté scientifique, canadienne comme internationale, pour être étudié.

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