«Belmont», ou le cri d’affirmation de Diane Dufresne

Toute l’équipe de «Belmont», mis en scène par Jade Bruneau (à l’avant-plan), était rassemblée lundi matin pour donner un avant-goût du spectacle.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Toute l’équipe de «Belmont», mis en scène par Jade Bruneau (à l’avant-plan), était rassemblée lundi matin pour donner un avant-goût du spectacle.

Ce sera un grand souffle ininterrompu qui mènera à un grand cri, celui de la liberté, celui de l’affirmation d’une personnalité plus grande que nature. L’univers riche de Diane Dufresne se trouvera au centre de Belmont, une pièce de théâtre musical où brilleront les femmes fortes et multiples et qui sera présentée une quinzaine de fois en août au théâtre Alphonse-Desjardins, à Repentigny.

« J’avais le droit aussi de vouloir lâcher mon cri », chantait la grande dame de la chanson québécoise dans Le parc Belmont, un de ses plus grands morceaux, qui a inspiré le titre de ce nouveau spectacle du Théâtre de l’Oeil ouvert, mis en scène par Jade Bruneau. Cette dernière estime que la permission que s’était donnée Diane Dufresne de faire grincer sa voix, de déranger, en quelque sorte, reste un élément clé du parcours de la diva. Ce cri reste « nécessaire », dit-elle, pour les femmes en général, et celles qui sont artistes en particulier.

« Quand tu portes plusieurs chapeaux, des fois, ça dérange, indique Jade Bruneau. Diane, elle a beaucoup dérangé, puis je pense qu’elle était bien dans ça, c’est comme si elle disait : “Je vous dérange, mais tant mieux.” Il y avait une espèce de lâcher-prise : voici ce que je suis, 360 [degrés], multicolore. Puis ça, on a beaucoup encore à apprendre de ça. »

Sur scène, elles seront cinq femmes pour faire briller les différentes facettes de Diane Dufresne, ou, comme le dit Jade Bruneau, « cinq grandes couleurs primaires qui composent son entièreté ». Geneviève Alarie jouera la folle, Catherine Sénart la diva, Laur Fugère la petite fille, Laetitia Isambert l’amoureuse et Catherine Allard l’artiste. Avec elles, un seul homme, le clown, interprété par Pierre-Olivier Grondin.

Toute l’équipe de Belmont était rassemblée lundi matin pour donner un avant-goût de ce spectacle. La force de Diane Dufresne, récemment intronisée au Panthéon de la musique canadienne, est de toute évidence au centre de l’oeuvre, du moins de son segment d’ouverture présenté à la presse. Et les interprètes s’en disent imbibés.

Le fameux cri, « je pense que ça peut être une forme de libération, une sorte d’ouverture, de permission disons, d’affirmation », notait Geneviève Alarie, appuyée par les hochements de tête de ses collègues de scène. « Et Diane, elle a fait ça en tout cas, elle a crié pour beaucoup de femmes. » Et Laetitia Isambert d’ajouter : « Elle a permis de dépasser les lignes, de colorier en dehors. »

Dans Belmont, les cinq facettes de Diane Dufresne guideront le personnage masculin du clown, qui s’émancipera peu à peu à leur contact. Le spectacle sera peu ou pas porté par un récit linéaire, mais ce déploiement du clown en artiste multidisciplinaire sera « le petit fil rouge » qui traverse le tout. « Ma présence, c’est plus une présence complice, à quelque part, plus qu’une opposition », note Pierre-Olivier Grondin.

D’un seul souffle

L’aperçu offert par la troupe a révélé un spectacle tissé serré, loin des enfilades classiques de ce genre de propositions, où les scènes jouées alternent avec les scènes chantées. Dans Belmont, « tout est tricoté, c’est comme si c’est d’un souffle, c’est comme un élan », explique Jade Bruneau.

Les comédiens complètent parfois les phrases des autres, chantent souvent, parfois en solo, parfois en choeur, mais le rythme est sans relâche. Les six interprètes sont par ailleurs toujours sur scène.

Quand tu portes plusieurs chapeaux, des fois, ça dérange. Diane, elle a beaucoup dérangé, puis je pense qu’elle était bien dans ça, c’est comme si elle disait : “Je vous dérange, mais tant mieux.”

 

Le directeur musical, Marc-André Perron, voit la proposition de Belmontcomme « une espèce de longue caresse poétique où la musique tisse un lien dans tout ça ». Et la barque naviguera presque sans cesse pendant les 90 minutes du spectacle. « Ce qui fait en sorte que les moments de silence deviennent assourdissants, ajoute-t-il. On s’en sert comme d’un outil presque autant que la musique. »

Il faut noter que Diane Dufresne et son conjoint et complice professionnel, Richard Langevin, ont donné leur aval à cette création, née humblement en 2018 avant de mûrir quelque temps, entre autres en raison de la pandémie. De plus, Belmont s’inscrit dans la lignée d’oeuvres similaires aussi produites par le Théâtre de l’Oeil ouvert, dont Clémence, sur Clémence DesRochers, La Corriveau, et La géante, sur Rose Ouellette, alias La Poune.

« Ce sont des femmes qui ont marqué notre milieu culturel québécois à différents niveaux », note Jade Bruneau, visiblement inspirée par ces grandes dames.

En tout cas, les six comédiens de Belmont voient dans cette occasion une façon de donner au suivant, mais aussi de recevoir. « Je ne sais pas si Diane Dufresne a besoin de ce cadeau-là, je ne sais pas ce que ça va lui faire, mais elle, elle nous fait un cadeau, souligne Catherine Sénart. Parce qu’elle nous donne l’espace de cette permission qu’elle s’est donnée. Elle a eu beaucoup de cran et d’audace, et nous, on reçoit ça en cadeau, c’est fantastique. »

Belmont

Au théâtre Alphonse-Desjardins du 4 au 26 août. Une production du Théâtre de l’Oeil ouvert, mise en scène de Jade Bruneau.

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