Rêver d’un miel du terroir

Virginie Landry
Collaboration spéciale, cariboumag.com
Et si on pouvait reconnaître chaque région du Québec en savourant les arômes de son miel du terroir? Sur la photo, on aperçoit les ruches de l'apicultrice Claude Dufour, dans Chaudière-Appalaches.
Photo: Douceurs des Appalaches Et si on pouvait reconnaître chaque région du Québec en savourant les arômes de son miel du terroir? Sur la photo, on aperçoit les ruches de l'apicultrice Claude Dufour, dans Chaudière-Appalaches.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Claude Dufour, une ingénieure forestière devenue apicultrice, est une passionnée, une vraie. C’est par amour pour les abeilles qu’elle a décidé de consacrer sa vie à ces fascinantes petites pollinisatrices. Dans ses rêves les plus fous, elle imagine qu’on pourrait, un jour, reconnaître chaque région de la Belle Province en savourant les subtils arômes de son miel du terroir.


 

Quel a été le parcours qui vous a menée jusqu’à l’apiculture ?

Quand nous avons fait l’acquisition de notre chalet à Lac-Etchemin, en Chaudière-Appalaches, dans un environnement naturel extraordinaire, j’ai compris que je pourrais enfin me consacrer à la passion que j’entretiens depuis longtemps pour les abeilles. En 2016, j’ai acquis mes premières ruches et j’ai fait une attestation d’études collégiales en apiculture au collège d’Alma pour savoir comment bien m’en occuper. J’ai ensuite fondé ma propre compagnie, Douceurs des Appalaches, qui produit différents types de miel, en plus de fabriquer des produits transformés.

Quels sont les facteurs qui influencent le goût du miel d’une région à l’autre ?

D’abord et avant tout, ce sont les fleurs qui donnent au miel son goût caractéristique. On notera des variations dans les arômes si ces fleurs poussent près des forêts, au bord du fleuve, à proximité de champs de grandes cultures ou d’arbres fruitiers, par exemple, tout dépendant de ce qui pousse dans chaque région. Quant à savoir si la fleur va donner du nectar ou pas, ça, c’est entièrement une question de météo.

Quel genre de miel avons-nous au Québec ?

Nous n’avons pas encore officiellement de miel typé. Je donne toujours l’exemple de l’Italie, où chaque région a un miel typé caractérisé par les végétaux qui y poussent, comme le miel de citronnier, le miel de pissenlit de montagne, le miel d’acacia… Cependant, ici, nos régions sont pas mal toutes équivalentes en matière de fleurs. On retrouve donc beaucoup de miel de « toutes les fleurs ».

Pourtant, je rêve d’un miel du terroir, c’est-à-dire un miel auquel on pourrait associer une région, et non pas une fleur, grâce à ses arômes. On pourrait ainsi avoir un miel des Laurentides, un miel des Appalaches et un miel des basses terres du Saint-Laurent, par exemple. Et même s’ils étaient produits par les abeilles à partir des mêmes fleurs, ils auraient tous un goût qui leur serait propre en raison de l’environnement où les fleurs auraient poussé. Dans les faits, ça n’existe pas encore, mais moi, j’en rêve !

Serait-il possible, un jour, d’avoir un miel typé québécois ?

Pour ce faire, il faudrait être en mesure de savoir de quelle fleur provient le nectar récolté par les abeilles d’une ruche. En ce moment, on est capables de faire une mélissopalynologie, c’est-à-dire de savoir à quelles fleurs appartiennent les traces de pollen retrouvées dans une ruche. C’est pourquoi on peut parfois trouver du miel de trèfle ou du miel de framboisier, par exemple. Cependant, c’est moins précis que le nectar, puisqu’une abeille peut avoir effleuré une fleur, se retrouver avec son pollen sur le dos, puis aller butiner ailleurs sans avoir récolté le nectar de la première fleur.

L’Université McGill travaille sur une nouvelle technologie qui pourrait enfin nous permettre de caractériser les miels grâce à leur nectar. Ce serait fabuleux, parce qu’on pourrait alors penser à avoir des miels typés du Québec !

En plus de militer pour les miels typés, vous travaillez à mieux faire connaître les miels bruts. De quoi s’agit-il, exactement ?

Il faut comprendre qu’il existe trois sortes de miel. D’abord, il y a le miel pasteurisé et chauffé. Ensuite, il y a le miel le plus populaire, qui n’est pas pasteurisé, mais légèrement chauffé : c’est ce procédé qui permet de le liquéfier. Sauf que, ce faisant, on perd bien des arômes ! Puis, il y a le miel brut non chauffé, que j’adore. C’est ce que je confectionne au sein de Douceurs des Appalaches. Un miel typé pourrait appartenir à l’une ou à l’autre de ces catégories, qu’on a créées à titre informatif et sur lesquelles on n’a pas encore légiféré.

En Amérique du Nord, on a connu une grosse période de standardisation du miel après la Seconde Guerre mondiale. Celui qu’on consomme aujourd’hui, qui est légèrement chauffé, doré et a un goût caramélisé, est devenu la norme. J’ose dire que c’est un manque de respect pour le travail des abeilles, qui, pour moi, est sacré.

Comment est produit le miel brut ?

On récolte le miel des ruches, on le déshumidifie, on désopercule les rayons de miel [enlever la couche de cire qui retient le miel], on l’extrait manuellement, puis on le met rapidement en pot, sinon, il cristallisera. Le miel brut est un aliment vivant et aromatique, à la texture souple et crémeuse.

Finalement, comment déguster le miel afin d’en savourer pleinement toutes les saveurs ?

Il faut le manger à la cuillère ! On le laisse fondre en bouche, comme on le ferait pour un bon carré de chocolat.

Des miels officiellement d’ici ?

Au Québec, des travaux sont en cours pour déterminer s’il serait possible d’officialiser
des miels typés d’ici, explique Claude Dufour. Il y en aurait potentiellement quatre :

Trèfle : accessible, doux, parfumé.

Tilleul : mentholé (c’est le préféré de Claude Dufour !).

Sarrasin : foncé, goûteux.

Pissenlit : aux arômes fromagés.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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