À la recherche de milliers de disparus dans la ville de Derna

Des tombes destinées aux victimes des inondations ont été installées à Derna.
Yousef Murad Associated Press Des tombes destinées aux victimes des inondations ont été installées à Derna.

Secouristes et volontaires s’activaient vendredi à la recherche de milliers de personnes portées disparues à Derna, après des inondations meurtrières rappelant un tsunami qui ont dévasté la ville côtière de l’est de la Libye.

« On a toujours espoir de trouver des survivants », a déclaré à Genève Tamer Ramadan, de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), se refusant à donner un bilan humain cinq jours après la catastrophe.

Le responsable de l’ONU pour les situations d’urgence, Martin Griffiths, a également estimé qu’on ne connaissait « toujours pas l’étendue » exacte de la catastrophe.

Outre les dégâts considérables, des responsables du gouvernement de l’est de la Libye, touché par les inondations, non reconnu par l’ONU, évoquent au moins 3000 morts, même si les bilans diffèrent d’une source à l’autre. Le pays est plongé dans le chaos depuis la mort du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, avec deux gouvernements rivaux, celui reconnu par l’ONU étant basé dans la capitale, Tripoli, dans l’ouest du pays.

Le déferlement d’eau dans la nuit de dimanche à lundi, provoqué par la tempête Daniel, a rompu deux barrages en amont, provoquant une crue violente de l’oued qui traverse la ville et des flots de plusieurs mètres de haut, selon des témoins.

« Emportés par les flots »

Selon un photographe de l’AFP sur place, le centre-ville de Derna ressemble désormais à un terrain aplati par un rouleau compresseur. Les arbres ont été déracinés, les immeubles et les ponts ont été détruits.

Des habitants racontent que des centaines de corps gisent encore sous les tonnes de boue et de décombres.

 

« L’eau était chargée de boue, d’arbres, de morceaux de fer, les flots ont parcouru des kilomètres avant d’envahir le centre-ville et d’emporter ou d’ensevelir tout ce qui se trouvait sur leur chemin », a déclaré à l’AFP Abdelaziz Bousmya, 29 ans, qui vit dans le quartier de Chiha, épargné par les inondations.

« J’ai perdu des amis, des proches. Ils sont soit ensevelis sous la boue, soit ont été emportés par les flots vers la mer », a-t-il ajouté, la voix étranglée par l’émotion.

Selon lui, les autorités libyennes n’ont pas pris les mesures nécessaires pour se prémunir de la catastrophe, se contentant d’ordonner aux habitants de rester chez eux en prévision de la tempête.

Depuis, des dizaines de corps sont découverts chaque jour et enterrés parfois dans des fosses communes. De nombreuses personnes ont été emportées vers la mer Méditerranée, qui a rejeté des dizaines de cadavres, faisant craindre des épidémies liées à leur décomposition, selon les autorités sanitaires.

L’ONU, les États-Unis, l’Union européenne et de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont promis d’envoyer de l’aide. Des équipes de secours étrangères sont déjà à l’oeuvre, à la recherche de possibles survivants.

Dilemme

 

Les autorités se retrouvent face à un dilemme : garder les cadavres dans l’attente de leur identification ou les enterrer rapidement pour éviter leur décomposition, la capacité des morgues étant très limitée.

« Nous essayons de […] relever des échantillons d’ADN et prendre des photos des victimes avant de les enterrer pour aider à leur identification plus tard », a déclaré le porte-parole du ministère de l’Intérieur du gouvernement de l’Est, le lieutenant Tarek al-Kharraz, à une télévision locale.

Déplorant une situation « catastrophique », le Bureau de coordination humanitaire de l’ONU (OCHA) a lancé un appel de fonds de plus de 71 millions de dollars pour venir en aide immédiatement aux quelque 250 000 personnes les plus touchées par les inondations.

Après la destruction de nombreuses routes, « la municipalité [de Derna] exhorte les autorités à mettre en place un couloir maritime pour l’aide d’urgence et les évacuations », a indiqué l’OCHA.

Le Programme alimentaire mondial a annoncé avoir commencé à fournir une aide alimentaire à plus de 5000 familles déplacées, précisant que des milliers d’autres à Derna sont « sans nourriture ni abri ».

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