Que faire quand les nouvelles disparaissent des réseaux sociaux?

De l’avis du professeur de journalisme Jean-Hugues Roy, Meta risque de perdre beaucoup d’utilisateurs canadiens sur Facebook, dont on fait rapidement le tour maintenant que le fil d’actualité est dénué de nouvelles. Sur la photo, un homme se tient devant l’affiche annonçant les bureaux de Meta à Menlo Park, en Californie.
Jeff Chiu Associated Press De l’avis du professeur de journalisme Jean-Hugues Roy, Meta risque de perdre beaucoup d’utilisateurs canadiens sur Facebook, dont on fait rapidement le tour maintenant que le fil d’actualité est dénué de nouvelles. Sur la photo, un homme se tient devant l’affiche annonçant les bureaux de Meta à Menlo Park, en Californie.

La question n’est plus de savoir qui ne voit plus les nouvelles sur Facebook et Instagram, mais plutôt qui les voit encore. Meta semble avoir accéléré son blocage des contenus médiatiques au Canada dans la dernière semaine, forçant les utilisateurs à modifier leurs habitudes du tout au tout pour s’informer, parfois non sans peine.

« Je ne pensais pas que ça allait m’affecter autant. Je n’avais pas pris conscience de l’ampleur de la situation avant qu’elle ne me touche. Maintenant, je dois complètement changer mes habitudes pour m’informer », confie Nadia Michaud, une grande utilisatrice de Facebook.

En réaction à la nouvelle Loi sur les nouvelles en ligne du gouvernement fédéral, Meta a commencé début août à définitivement bloquer l’accès aux nouvelles sur ses plateformes Facebook et Instagram au Canada. Il veut ainsi éviter de devoir verser de l’argent aux médias canadiens en raison du partage de leurs contenus sur ses plateformes.

De plus en plus d’utilisateurs de ces réseaux sociaux se voient donc dans l’impossibilité de consulter les pages des médias d’information du Canada et de l’international. Ils ne peuvent plus, non plus, partager du contenu relayant un article de nouvelles sur leur propre compte.

Pour Nadia Michaud, la situation est « déstabilisante », car c’est sur Facebook qu’elle s’informait surtout depuis plusieurs années. Le réseau social avait l’avantage, selon elle, de rassembler sur une seule et même plateforme le contenu de plusieurs médias. « Ça peut être long de consulter chaque site des médias plusieurs fois par jour, c’est aussi beaucoup de contenus d’un coup. Facebook facilitait les choses avec son algorithme. »

S’informer autrement

Souhaitant rester informée sur le monde qui l’entoure, Nadia Michaud a commencé à modifier ses habitudes en écoutant davantage la radio et en consultant directement les sites des médias. Mais cette routine informationnelle lui prend beaucoup de temps, déplore-t-elle. Elle s’est donc récemment créé un compte sur X — anciennement Twitter —, espérant y trouver une option de rechange intéressante. « Ça fait cinq jours seulement, je teste toutes mes options en ce moment. »

Ça peut être long de consulter chaque site des médias plusieurs fois par jour, c’est aussi beaucoup de contenus d’un coup. Facebook facilitait les choses avec son algorithme.

Pour Ian Riverin, la solution a été de s’abonner aux fils RSS des médias, qui lui permettent de voir en un coup d’oeil les derniers articles publiés. Mais il l’avoue lui-même, cette option n’est pas parfaite. « Le fil RSS est moins intuitif et devient rapidement overwhelming. Quand j’ouvre le programme, j’ai facilement 50 ou 60 nouveaux articles non lus. Difficile de tout rattraper. Avant, je pouvais compter sur mon cercle d’amis et sur l’algorithme des réseaux sociaux pour faire un tri. »

Grand consommateur de nouvelles, il est déjà abonné à plusieurs quotidiens et navigue chaque matin d’un média à l’autre pour rester informé. Son compte Instagram lui permet aujourd’hui essentiellement de rester à jour sur la vie de ses proches. Son fil Facebook, par contre, est devenu « de la scrap ».

« Je vois beaucoup de publicités, des suggestions d’abonnements pas rapport. Il y a une grosse baisse de qualité de contenu », déplore Ian Riverin. À tel point qu’il envisage de quitter le réseau social.

Une avenue que n’exclut pas non plus Peter Wheeland. Il ne s’informait pas particulièrement via les plateformes de Meta, mais avait l’habitude de partager sur son compte Facebook les articles qui l’interpellent pour aider ses amis qui n’ont pas forcément le temps ou l’énergie de suivre religieusement les actualités comme lui.

« Mes publications généraient souvent des discussions intéressantes en commentaires. C’est surtout de ça que je m’ennuie : les échanges et les réflexions que ça pouvait m’apporter », précise-t-il.

Pour l’heure, il fait un copier-coller des premiers paragraphes d’un article sur sa page en y ajoutant une image indiquant le titre de celui-ci et son journal d’origine, en espérant que son réseau prendra la peine de retrouver l’article initial pour le lire. « Je ne sais pas si je vais continuer à faire ça pendant des mois, je risque de perdre patience. »

Baisse des interactions

 

De l’avis de Jean-Hugues Roy, professeur de journalisme à l’UQAM, Meta risque en effet de perdre beaucoup d’utilisateurs canadiens sur Facebook, dont on fait rapidement le tour maintenant que le fil d’actualité est dénué de nouvelles. « Est-ce que ce sera suffisant pour que l’entreprise fasse marche arrière ? J’en doute », laisse-t-il tomber.

Or, il y a urgence de trouver une solution, car les médias d’ici ne vont pas tarder à en subir les conséquences, prédit-il.


 

Depuis la semaine dernière, les effets du blocage de Meta se font ressentir. Grâce à l’outil CrowdTangle, le professeur a analysé les interactions générées par les publications sur Facebook de plus de 300 pages de médias d’information canadiens francophones. Résultat ? Depuis le mardi 8 août, on constate une baisse importante des interactions. « La diminution est de 68,5 % si on compare le mercredi 9 août au mercredi 2 août », fait-il remarquer.

Le professeur espère que le gouvernement Trudeau et les géants du Web trouveront rapidement un compromis pour régler la situation.

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