En hausse, les dépenses militaires devraient au moins servir l’économie, dit l’OCDE

Depuis quelques années, plusieurs pays ont annoncé une augmentation de leurs dépenses militaires.
Shah Marai Agence France-Presse Depuis quelques années, plusieurs pays ont annoncé une augmentation de leurs dépenses militaires.

Tant qu’à se remettre à dépenser en défense, les gouvernements pourraient, au moins, le faire de manière à ce que cela serve un peu plus au reste de l’économie, recommande l’OCDE.

Pendant des décennies, les pays ont pu réduire leurs dépenses militaires et rediriger les ressources financières ainsi libérées vers d’autres priorités, comme la santé, l’éducation et le développement économique. Appelée « les dividendes de la paix », cette diminution graduelle des budgets de la défense s’est amorcée graduellement vers la fin des années 1960, pour être brièvement renversée durant les années Reagan aux États-Unis, puis reprendre sa trajectoire descendante à la faveur notamment de la fin de la guerre froide.

Équivalant à 3,8 % de leur produit intérieur brut (PIB) dans les années 1970, les dépenses militaires des pays du G20 avaient ainsi été réduites à 2,4 % au tournant du siècle, rappelle l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans la mise à jour de ses prévisions économiques qui devait être dévoilée mardi. Pays au plus grand budget de défense au monde, les États-Unis ont réduit cette proportion de 6 % de leur PIB à 3,9 %. Les autres pays de l’OCDE membres de l’OTAN ont procédé à des réductions proportionnellement plus importantes encore, passant d’une moyenne de 2,8 % à 1,6 %.

Désormais le deuxième pays en matière de budget de défense, la Chine reste en deçà de la moyenne des pays du G20 en proportion de la taille de son économie, à moins de 2 % de son PIB, soit deux fois moins que la moyenne maintenue par la Russie depuis le début des années 2000 (à environ 4 %).

Mais depuis quelques années, et particulièrement depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la tendance à la baisse s’est renversée. Plusieurs pays ont annoncé une augmentation de leurs dépenses militaires. C’est notamment le cas en Europe centrale et de l’Est, mais aussi dans des pays occidentaux, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon, où les hausses à moyen terme promises vont de 0,4 % du PIB (France) à presque 1 % (Japon).

Plus modeste à ce chapitre, le Canada devrait faire passer son effort d’un peu moins de 1,4 % à 1,5 % de son PIB d’ici 2027.

Si au moins ces dépenses militaires avaient un plus grand effet positif sur l’activité économique, leur augmentation serait un peu moins dommageable pour le budget des gouvernements, fait valoir l’OCDE dans un rapport. Actuellement, tout cet argent va principalement aux salaires des militaires (48 %), à l’achat d’équipement (20 %) et à l’entretien de celui que l’on a déjà ou à l’achat de biens qui ne serviront qu’une fois (29 %).

À l’exception des États-Unis, une infime partie des budgets est consacrée à la recherche et au développement. Or, une augmentation des dépenses dans ce domaine aurait l’avantage d’offrir des possibilités de transferts technologiques vers le secteur civil privé. Une meilleure coopération entre les pays en matière de politiques d’achat et de recherche militaire aiderait également à réduire leur fragmentation et les duplications en plus d’augmenter leur interopérabilité.

Ralentissement économiqueet casse-tête budgétaire

 

Cette augmentation des dépenses militaires fait partie des contraintes budgétaires supplémentaires avec lesquelles plusieurs gouvernements devront composer dans les prochaines années, avec l’effet du vieillissement de leur population et la nécessaire transition verte, observe l’OCDE. Le défi sera d’autant plus grand que la croissance économique plus forte que prévu en 2023 fera maintenant place à un ralentissement causé par la guerre des banques centrales contre l’inflation à coups de hausses de leurs taux d’intérêt.

De 3,3 % l’an dernier, la croissance économique mondiale devrait ainsi s’élever, cette année, non pas à 2,7 %, comme l’OCDE le croyait encore au mois de juin, mais à 3 %, avant de ralentir, l’an prochain, à 2,7 % (-0,2 point).

3 %
C’est la croissance de l’économie mondiale que prévoit l’OCDE cette année. Selon ses prévisions, elle devrait ralentir l’an prochain pour s’établir à 2,7 %.

Les États-Unis devraient faire beaucoup mieux qu’attendu, avec 2,2 % cette année (+0,6 point) et 1,3 % l’an prochain (+0,3 point), alors que ce sera l’inverse pour les pays de la zone euro, avec respectivement une croissance de 0,6 % (-0,3 point) et 1,1 % (-0,4 point). Le Canada, de son côté, devrait se trouver entre les deux, son taux de croissance chutant de 3,4 %, l’an dernier, à seulement 1,2 % (-0,2 point), cette année, et 1,4 % l’an prochain.

Attention à la Chine

L’une des causes du ralentissement mondial parce qu’aux prises avec un marché immobilier surendetté, des exportations en recul, un taux de chômage élevé des jeunes et une menace de déflation, l’économie chinoise rebondira beaucoup moins fortement qu’on le croyait encore à la fin du printemps. Sa croissance, de seulement 3 % l’an dernier, est désormais projetée à 5,1 % ( -0,3 point) cette année, et 4,6 % (-0,5 point) en 2023.

Cela pourrait toutefois être pire encore, pour la Chine et le reste du monde, prévient l’OCDE, qui s’est livrée à des simulations. S’il fallait, en effet, que sa demande intérieure recule de 3 % en un an — comme cela s’est déjà produit en 2014 et en 2017 — et que cela incite les marchés financiers à se montrer plus méfiants quant aux perspectives économiques mondiales, cela pourrait venir soustraire 1,1 % à la croissance mondiale et presque 3 % au commerce international.

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