Un lent voyage à l’Alentejo, au Portugal

Carolyne Parent
Collaboration spéciale
Sur la côte, Zambujeira do Mar, un coup de coeur
Photo: Carolyne Parent Sur la côte, Zambujeira do Mar, un coup de coeur

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Au-delà du Tage, la plus rurale des régions du Portugal nous invite à prendre tout notre temps pour l’apprivoiser. Comme elle a raison…

L’heure de la douce revanche a sonné pour l’Alentejo ! Longtemps qu’une étape obligée sur la route de l’Algarve, destination vedette du Sud portugais, voilà qu’on y vient désormais tout spécialement pour ce qu’elle est : agricole, authentique, alanguie. « Nous étions considérés comme arriérés, et maintenant, nous sommes à la mode ! » résume Libânio Reis, guide touristique à Évora, chef-lieu régional. À la mode, façon de parler : 460 000 touristes étrangers (dont 14 000 Canadiens) y ont séjourné en 2022. On connaît quelques Costco plus fréquentés…

Avec l’Alentejo, Évora, une adorable bourgade, fière de son temple romain bien préservé, sera d’ailleurs la capitale européenne de la culture en 2027. Le thème mis en avant ? « Vagar, un (autre) art de vivre pour l’humanité. » En portugais, vagar signifie « flâner », et on ne saurait trouver meilleur mot d’ordre pour nous inciter à vagabonder de blanc village haut perché en atelier d’artisans en bord de mer liséré de rizières !

S’étalant entre l’Atlantique et l’Espagne, et de la rive gauche du Tejo (Tage) jusqu’aux montagnes de l’Algarve, le territoire occupe 30 % du pays. En son nord-est, la route des châteaux mène à Castelo de Vide, à Marvão la magnifique, à Portalegre. En son coeur, place à la plaine, à la vigne, aux oliviers, aux amandiers, aux tournesols, aux élevages de moutons et de porcs noirs (le porco preto, dont on se régale), ainsi qu’à d’autres villages fortifiés, tel ce petit bijou qu’est Monsaraz. Quant à son littoral, il déroule ses plages sauvages à perte de vue.

Photo: Carolyne Parent Pão de rala et beijinho de freira dans une pâtisserie conventuelle d’Évora.

Le temps qu’il faut

À Évora, où nous étions passés il y a quatre décennies, nous retrouvons une localité pratiquement inchangée. « Il n’y a eu aucune pression urbanistique à l’intérieur des terres, car c’est la côte qu’on a développée », explique M. Reis.

Attablés à la pittoresque pastelaria Pão de Rala, nous grignotons des délices qui, eux aussi, ont survécu au passage du temps. Nos beijinhos de freira (baisers de nonnes) sont nés dans un monastère il y a des siècles alors que les religieuses, utilisant le blanc d’oeuf pour amidonner leur tenue, s’ingéniaient à récupérer les jaunes dans des créations pâtissières de leur cru. Nous les savourons donc piano, piano, pratiquement avec révérence.

Le chêne qui donne ce liège dont le Portugal est le premier producteur mondial nous fait, lui, la leçon quant au temps qu’il faut pour bien faire les choses… Dans la plantation Pepe Aromas, à Vale do Pereiro, la directrice commerciale Micaela Amorim raconte combien cet arbre, qui vit autour de 200 ans en moyenne, éprouve la patience du planteur. « On doit attendre 25 ans avant d’effectuer la première récolte de liège, dit-elle, et celle-ci ne sera sans doute pas très bonne. » Avec un peu de chance, elle sera meilleure neuf ans plus tard, et parfois, que dans neuf ans de plus. On continuera ensuite d’écorcer les chênes tous les neuf ans, pour un maximum de 15 fois. « Alors, quand on plante ces arbres, aujourd’hui protégés, c’est pratiquement pour nos petits-enfants ! »

Photo: Carolyne Parent Indissociables de l’Alentejo, des chênes-lièges déshabillés et portant le dernier chiffre de l’année de la dernière récolte d’écorce. Ici, 2021.

Au fil des traditions

Faisant partie de cet écosystème agroforestier unique appelé montado, l’Herdade do Esporão, pionnier de l’oenotourisme et de la viniculture durable, oeuvre pareillement au rythme que lui impose mère Nature. Situé du côté de Reguengos de Monsaraz, l’immense domaine de 1840 hectares comprend un vignoble et une oliveraie certifiés bios, ainsi qu’un potager, qui alimente son restaurant, lauréat au guide Michelin d’une étoile pour sa cuisine et d’une étoile verte pour ses bonnes pratiques durables. Ici, le midi, il vaut mieux avoir tout l’après-midi devant soi, car le menu du jeune chef Carlos Teixeira se décline en cinq ou sept « moments » mémorables, des plats qu’il peaufine doucement, « saison après saison depuis cinq ans », et qu’on peut assortir des bons vins de la maison.

Dans la même localité, la Fabrica alentejana de lanificios donne à voir ses magnifiques lainages, du même style que ceux dans lesquels les bergers s’enroulaient autrefois pour se protéger l’hiver du froid et l’été du soleil. Le copropriétaire Luis Peixe en explique les motifs — « le losange représentait pour les Maures l’oeil de Dieu » — et relève combien on semble de plus en plus intéressé au patrimoine local. Comme pour lui donner raison, un jeune couple de Los Angeles semble prêt à faire une razzia sur ses couvertures, tapis, poufs et coussins !

Contrairement aux Californiens, qui bouderont la mer pour « faire du tourisme slow à la campagne », nous mettons le cap sur la côte, non sans faire un petit détour via Alqueva et son impressionnant réservoir, qui abreuve toute la région. Puis, à nous les villages de pêcheurs que sont Zambujeira do Mar, un vrai coup de coeur, Vila Nova de Milfontes et Porto Covo !

Photo: Rui Cunha Turismo Alentejo L’architecture traditionnelle comprend l’usage de peinture jaune ou bleue, un legs des Maures pour protéger la maisonnée du mauvais oeil.

Voir la mer et les rizières

L’arroz (riz) au canard, au chouriço (saucisson) et aux fruits de mer (dont les couteaux, lingueirão) étant de tous les menus de ce coin de pays ou presque, l’envie nous prend d’aller là où la céréale est cultivée. C’est alors que nous découvrons un autre écosystème fascinant, celui de Comporta.

Sur la péninsule de Tróia, une langue de terre longue de 25 kilomètres, Comporta regroupe sept villages, dont le bourg éponyme, entre mer, pinède, les miroirs des rizières, l’estuaire du fleuve Sado (miam, ses huîtres !) et sa réserve naturelle. Quant au bourg, il compte 800 âmes et, à vue de nez, une centaine de cigognes, 10 rues et quart, six restaurants, et d’anciens entrepôts de riz, reconvertis ici en un musée, là en un marché chic. On ose à peine se figurer le grand cirque touristique qui se joue en août dans cette destination huppée, mais pour l’heure, la plage de Comporta, située à quelques kilomètres, est déserte à souhait.

Imaginez un front de mer que rien ne dépare, tout juste deux cafés à des kilomètres à la ronde, des dunes blondes, l’Atlantique et ses oiseaux, la paix.

Comme notre bonheur serait complet si les heures ici s’allongeaient…

Carolyne Parent était l’invitée de l’Office du tourisme du Portugal.

Bons plans

• Y aller jusqu’en octobre, le temps est bon !
• Voyager avec TAP pour se sentir au Portugal en entrant dans l’avion. En classe affaires, le menu, qui change tous les deux mois, valorise un ingrédient vedette, cuisiné par un chef réputé. Lors de notre envolée, la pieuvre de Noélia Jerónimo régalait les passagers. 
• Visiter la Maison de la Route des vins de l’Alentejo, à Évora. Chaque semaine, quatre vins d’autant de producteurs sont proposés à la dégustation pour 5 euros. 
• Participer à la fête des vendanges au superbe domaine L’And Vineyards, à Montemor-o-Novo, le 16 septembre prochain.
• Trouver sa bonne étoile à Dark Sky Alqueva, première réserve céleste au monde certifiée destination Skylight par l’UNESCO.
• Zyeuter les falaises de Zambujeira do Mar. Absolument !
• Goûter au cherne (un poisson) grillé à la Tasca do Celso, une taverne pleine d’ambiance, à Vila Nova de Milfontes.
• Dormir chez À Espera, un gîte rural mignon comme tout du côté de Melides, et chez AlmaLusa, à Comporta. Ses objets décoratifs faits de paille de riz rendent à merveille l’âme du lieu.
• S’informer sur Visit Alentejo et sur Visit Portugal.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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