Les pétrolières ne peuvent pas décarboner plus vite que l’économie, dit Shell Canada

Même si les sociétés pétrolières et gazières doivent faire ce qu’elles peuvent pour réduire leurs propres émissions, elles ne peuvent agir qu’au rythme du reste de l’économie, soutient la présidente de Shell Canada, Susannah Pierce.
Darryl Dyck La Presse canadienne Même si les sociétés pétrolières et gazières doivent faire ce qu’elles peuvent pour réduire leurs propres émissions, elles ne peuvent agir qu’au rythme du reste de l’économie, soutient la présidente de Shell Canada, Susannah Pierce.

L’industrie des combustibles fossiles est de plus en plus scrutée à la loupe en raison de sa contribution au changement climatique, mais la présidente de la filiale canadienne du géant pétrolier britannique Shell estime que les sociétés pétrolières et gazières ne peuvent pas être tenues seules responsables du rythme de la transition énergétique mondiale.

La présidente de Shell Canada, Susannah Pierce, a fait ces commentaires jeudi, lors d’une entrevue à Calgary, où des centaines de dirigeants et de représentants gouvernementaux de pays producteurs de pétrole du monde entier arrivent ce week-end pour le 24e Congrès mondial du pétrole, qui débute dimanche.

L’événement, qui a eu lieu pour la dernière fois au Canada en 2000, est l’une des plus importantes conférences mondiales sur le pétrole et le gaz naturel. Son thème cette année est la transition énergétique et les objectifs de carboneutralité de l’industrie, et plusieurs poids lourds de l’industrie devraient y prendre la parole, comme le chef de la direction d’Exxon Mobil, Darren Woods, et le ministre saoudien de l’Énergie.

Mme Pierce, qui a été nommée cette semaine cheffe d’entreprise de l’année par la Chambre de commerce du Canada, prendra également la parole au congrès.

Alors que Shell a ses propres ambitions de carboneutralité – l’entreprise investit dans la recharge des véhicules électriques, l’hydrogène, les biocarburants et l’énergie éolienne et solaire, en plus du pétrole et du gaz naturel traditionnels – Mme Pierce a précisé que la vitesse de la décarbonation mondiale dépendait de la transition de l’ensemble de l’économie, et non seulement de celle du secteur des combustibles fossiles.

« Nous sommes encore une économie très largement basée sur les combustibles fossiles, si l’on considère les différents secteurs, a-t-elle affirmé. La vitesse à laquelle nous pouvons évoluer sera la vitesse à laquelle chacun de ces composants se déplacera ensemble. »

Pétrolières critiquées

 

Il y a eu une demande renouvelée pour les combustibles fossiles traditionnels à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’année dernière, ce qui a suscité des inquiétudes mondiales au sujet de la sécurité énergétique. Les compagnies pétrolières ont enregistré des bénéfices records l’année dernière, alors que les prix des matières premières ont atteint des sommets sans précédent.

Face à cette demande croissante, certaines entreprises ont été critiquées pour avoir privilégié les bénéfices actuels aux investissements pour les progrès climatiques à long terme. La société mère de Shell Canada, par exemple, a provoqué la colère des défenseurs du climat plus tôt cette année en abandonnant son projet de réduire la production mondiale de pétrole de 1 % à 2 % par an jusqu’à la fin de la décennie.

Le chef de la direction de Suncor Énergie, une autre société pétrolière et gazière canadienne, a également été critiqué par des environnementalistes et certains politiciens pour ses commentaires suggérant que Suncor s’était trop concentrée sur la transition énergétique à long terme par rapport aux carburants renouvelables et à faibles émissions.

Rich Kruger a indiqué aux analystes, lors d’une conférence téléphonique de Suncor, que la société devait se concentrer sur les occasions actuelles dans le secteur des sables bitumineux, où elle est mieux placée pour « gagner ».

Bien que Mme Pierce ait refusé de commenter spécifiquement les déclarations de M. Kruger ou la réaction politique à leur égard, elle a souligné que les sociétés pétrolières et gazières fournissaient un produit dont dépend l’économie mondiale.

« [Si vous êtes] une entreprise qui dessert ses clients qui exigent toujours une source d’énergie fossile, il est très difficile de ne pas fournir à vos clients l’énergie qu’ils demandent », a-t-elle fait valoir.

Mme Pierce a ajouté que la transition vers une économie à faibles émissions de carbone nécessiterait des incitations gouvernementales tout au long de la chaîne de valeur, en particulier dans les industries à forte intensité de combustibles fossiles comme la fabrication du ciment et de l’acier, le transport maritime et l’aviation.

C’est la raison pour laquelle est préoccupée par le plafond que veut imposer le gouvernement fédéral sur les émissions du secteur pétrolier et gazier canadien, a-t-elle expliqué. Cette mesure devrait être dévoilée plus tard cet automne.

Bien que le pétrole et le gaz naturel soient le secteur du Canada qui émet le plus de gaz à effet de serre, Mme Pierce a estimé qu’un plafond qui pénalise l’industrie et pourrait avoir un impact sur sa rentabilité et ainsi nuire à sa capacité à investir dans des projets à faibles émissions de carbone.

« Je pense que lorsque nous envisageons la décarbonisation dans l’ensemble du pays, elle doit être cohérente […] Il doit s’agir d’un cadre pancanadien de décarbonisation », a-t-elle affirmé.

« Je ne pense pas qu’il faille imposer un plafond d’émissions à un seul secteur. »

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