Bien orchestrer la formation de la relève

Jean-Benoît Nadeau
Collaboration spéciale
Le secteur de l’aviation a besoin de peintres, de mécaniciens, de rembourreurs, de soudeurs, ou encore d’ébénistes.
Photo: iStock Le secteur de l’aviation a besoin de peintres, de mécaniciens, de rembourreurs, de soudeurs, ou encore d’ébénistes.

Ce texte fait partie du cahier spécial Aéronautique

Il manque de travailleurs dans tous les métiers de l’industrie aérospatiale, quel que soit le niveau scolaire requis.

« En aérospatiale, les deux enjeux majeurs de formation, actuellement, sont le manque de pilotes et de mécaniciens ; c’est là que c’est le plus grave, mais il nous manque des gens partout », dit Mario Sabourin, directeur général par intérim du Comité sectoriel de main-d’oeuvre en aérospatiale du Québec (CAMAQ). « Pour répondre à la demande en techniciens, nous avons des formations qui se donnent de manière quasi constante. »

Le CAMAQ, qui célèbre ses 40 ans cette année, a été imaginé dès 1978 alors que l’industrie aérospatiale montréalaise, les ministères, les centres de recherche et toute la filière éducative du secondaire à l’université ont créé un premier comité visant à développer une réelle collaboration pour la formation de la main-d’oeuvre et la préparation de la relève.

Ce comité est ainsi à l’origine de l’École des métiers de l’aérospatiale de Montréal (niveau secondaire), de l’École nationale d’aéronautique (niveau collégial), à Longueuil, de deux programmes complets de génie aéronautique à l’Université Concordia et à Polytechnique, y compris la maîtrise (et bientôt à l’ETS également) et du Consortium de recherche et d’innovation en aérospatiale au Québec (CRIAQ). Il réalise des analyses sectorielles, gère des subventions et des dizaines de programmes en tout genre. « Notre raison d’être est de voir à ce que la formation professionnelle est alignée sur les besoins du secteur et d’accompagner les employeurs dans leurs besoins de formation. »

Même si les perspectives d’embauche sont de 100 % et que l’avenir est prometteur pour l’industrie aérospatiale montréalaise, le CAMAQ doit se battre constamment pour remplir ses programmes. En effet, l’industrie aérospatiale souffre d’un paradoxe : ce secteur à haute technicité est parfois perçu comme inaccessible, explique Mario Sabourin. « Bien des gens croient que ce n’est pas pour eux alors que le secteur recherche beaucoup de métiers de base. »

Le secteur de l’aérospatiale a besoin de peintres, de mécaniciens, de rembourreurs, de soudeurs, et même d’ébénistes ! De très nombreux métiers ne demandent qu’un diplôme d’études secondaires. Pour devenir peintre d’aéronef, le prérequis affiché sur le site web du CAMAQ est une troisième secondaire pour aussi peu que 720 heures de cours.

La formation, indissociablede la recherche

En juillet 2023, une fusée SpaceX décollait de Cap Canaveral avec, dans sa soute, un satellite de très petite dimension conçu par des étudiants de l’Université Concordia. « Ce genre d’occasion crée un milieu de formation hyperdynamique », dit Christian Moreau, professeur au Département de génie mécanique, industriel et aérospatial de l’École de génie et d’informatique Gina-Cody de Concordia et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la projection thermique et l’ingénierie des surfaces. « C’est très stimulant parce qu’en aviation, le développement de la main-d’oeuvre et la formation académique ou en entreprise sont intrinsèquement liés à la recherche. »

Il explique que les objectifs de carboneutralité pour 2050 placent l’industrie devant une série de défis colossaux. « Biocarburants, hydrogène, électrification, avions hybrides, drones, cybersécurité, intelligence artificielle, tout ça est à inventer et à maîtriser. Pour ceux qui entrent dans les programmes et pour ceux qui sont sur le marché du travail depuis 10, 15 ou 20 ans, c’est vertigineux. »

Ce physicien, spécialiste en matériaux et en revêtements, raconte avoir réalisé plusieurs projets de recherche avec le fabricant de turbines Pratt & Whitney, installé à Longueuil. « Une année, j’ai eu du mal à terminer un projet de recherche parce que l’entreprise a embauché tous mes étudiants en maîtrise et en doctorat. »

Pour ce chercheur arrivé du CNRS il y a dix ans, rien n’illustre mieux le courant collaboratif qui traverse tout le système de formation que la création du CRIAQ en 2002. Depuis, il y est passé plus de 4200 étudiants et chercheurs sur 230 projets dans 120 entreprises, 34 universités et centres de recherche qui ont déposé 200 brevets et licences. Or, pour maximiser l’esprit de collaboration, chaque programme doit réunir minimalement deux entreprises et deux universités, explique le professeur Moreau.

C’est d’ailleurs pourquoi, depuis la création du CAMAQ, l’approche montréalaise quant à la formation en aérospatiale s’adresse aussi bien aux étudiants qu’aux travailleurs et implique tous les établissements d’enseignement, la grande entreprise et la PME. Christian Moreau cite le cas de l’Institut de conception et d’innovation aérospatiales de Concordia (ICIAC), qu’il a dirigé. « Comme les programmes en génie de premier cycle sont réglementés et évoluent lentement, l’Université Concordia s’est dotée d’un institut pour créer les outils de formation additionnels hors programme, aussi bien des cours sur un logiciel spécialisé ou des ateliers en cybersécurité, explique-t-il. Nos étudiants peuvent les prendre en option, mais ils sont aussi offerts en éducation continue et donc accessibles aux entreprises et aux travailleurs. C’est ce qui nous permet de rester agiles. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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