Les habitants de Derna demandent des comptes après les inondations meurtrières

Dans un communiqué lu pendant la manifestation au nom des « habitants de Derna », ceux-ci ont appelé à « une enquête rapide et à des actions judiciaires contre les responsables de la catastrophe », mais exigent en outre la dissolution du conseil municipal actuel et une enquête sur les budgets précédents de la ville.
Mahmud Turkia Agence France-Presse Dans un communiqué lu pendant la manifestation au nom des « habitants de Derna », ceux-ci ont appelé à « une enquête rapide et à des actions judiciaires contre les responsables de la catastrophe », mais exigent en outre la dissolution du conseil municipal actuel et une enquête sur les budgets précédents de la ville.

Les habitants de Derna, dans l’est de la Libye, ont protesté lundi pour exiger que les autorités rendent des comptes après les inondations meurtrières qui ont dévasté la ville, selon des correspondants de l’Agence France-Presse (AFP).

Des centaines d’habitants se sont rassemblés devant la grande mosquée de la ville, où ils ont scandé des slogans contre les autorités de l’Est incarnées par le Parlement et son chef, Aguila Saleh.

« Le peuple veut la chute du Parlement », « Aguila [Saleh] est l’ennemi de Dieu », « le sang des martyrs n’est pas versé en vain », ou encore « ceux qui ont volé ou trahi doivent être pendus », ont-ils scandé.

Dans un communiqué lu pendant la manifestation au nom des « habitants de Derna », ceux-ci ont appelé à « une enquête rapide et à des actions judiciaires contre les responsables de la catastrophe ».

Ils ont également demandé « la mise en place urgente d’un bureau de soutien de l’ONU à Derna » et le lancement « du processus de reconstruction de la ville et la compensation des résidents affectés ».

Le communiqué exige en outre la dissolution du conseil municipal actuel et une enquête sur les budgets précédents de la ville.

 

« Les rescapés de la ville, dans ce qui reste de la ville, contre ceux qui ont semé la mort et la destruction dans la ville », a écrit sur X l’analyste libyen Anas el-Gomati en commentant des images de la manifestation.

Risque de maladies

 

Selon des politiciens et des analystes, le chaos en Libye a relégué au second plan l’entretien d’infrastructures vitales comme les barrages de Derna, dont l’effondrement a causé les inondations qui ont dévasté la ville le 10 septembre, faisant près de 3300 morts, selon le dernier bilan officiel provisoire.

Rongée par les divisions depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est en effet gouvernée par deux gouvernements rivaux : l’un à Tripoli (ouest), reconnu par l’ONU et dirigé par le premier ministre Abdelhamid Dbeibah ; l’autre dans l’Est, incarné par le Parlement et affilié au camp du puissant maréchal Khalifa Haftar.

Les forces de Haftar s’étaient emparées en 2018 de Derna, alors bastion des islamistes radicaux et seule ville de l’Est qui échappait à son contrôle. Mais les autorités de l’Est entretiennent des relations méfiantes avec Derna, considérée comme une ville contestataire depuis l’époque de Kadhafi.

La manifestation survient alors que des secouristes cherchent toujours les corps de milliers de disparus présumés morts dans les inondations dans cette ville de 100 000 habitants bordant la Méditerranée.

L’ONU a annoncé lundi que ses agences, notamment l’Organisation mondiale de la santé, s’efforcent de « prévenir la propagation de maladies et éviter une deuxième crise dévastatrice dans la région », alertant la population du risque provenant de « l’eau contaminée et le manque d’hygiène ».

« Pour votre sécurité, il est interdit d’utiliser ou de boire l’eau du réseau local, parce qu’elle est polluée par les inondations », a mis en garde le Centre libyen de lutte contre les maladies.

Photo: Muhammad J. Elalwany Associated Press Le gouvernement de Tripoli a entrepris la construction d’un « pont temporaire » sur l’oued qui traverse Derna, les deux rives de la ville étant coupées depuis que les flots ont emporté les quatre structures qui les reliaient.

Plongeurs à l’oeuvre

Des organisations humanitaires internationales et des responsables libyens ont averti que le bilan final pourrait être beaucoup plus lourd en raison du très grand nombre de disparus, évalué à des milliers.

Dans la ville, des bulldozers et des ouvriers tentaient lundi de dégager la terre de la cour d’une mosquée, où sévissait une odeur nauséabonde, selon une journaliste de l’AFP.

En face, une femme âgée priait pour ses enfants et petits-enfants qui ont péri dans la catastrophe.

 

Des secouristes envoyés par les Émirats arabes unis se sont réunis lundi matin au port de Derna avec leurs homologues libyens pour coordonner les efforts de repêchage de corps en mer, selon une correspondante de l’AFP sur place.

D’autres équipes de plongeurs envoyées par la Russie et la Turquie s’activent dans le même secteur.

La tempête Daniel a entraîné la rupture de deux barrages en amont et provoqué une crue de l’ampleur d’un tsunami le long de l’oued qui traverse la cité. Elle a tout emporté sur son passage.

Des dizaines de corps sont extraits quotidiennement des décombres de quartiers dévastés par les inondations ou rejetés par la mer et enterrés dans un paysage apocalyptique.

 

Un porte-hélicoptères égyptien qui servira comme hôpital de campagne est arrivé dimanche, avec à son bord des équipes de secours et de sauvetage, selon des médias d’État égyptiens.

La France, qui a déployé un hôpital de campagne et envoyé des secouristes à Derna, a annoncé lundi qu’elle allouerait également « 4 millions d’euros [5,8 millions de dollars canadiens] aux Nations unies pour l’aide d’urgence et la reconstruction en Libye ».

L’Union européenne a annoncé de son côté le déblocage de 5,2 millions d’euros (7,5 millions canadiens) pour l’aide humanitaire dans le pays.



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