Un avant-goût de la rentrée française

Comme toujours foisonnante et abondante, la rentrée littéraire française promet son lot de découvertes.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Comme toujours foisonnante et abondante, la rentrée littéraire française promet son lot de découvertes.

Pauvre folle

Chloé Delaume

Le féminisme radical est-il compatible avec une histoire d’amour hétérosexuelle ? » Avec Pauvre folle, roman très contemporain à la dimension autobiographique, veiné d’humour et d’autodérision, Chloé Delaume (Le coeur synthétique, Seuil, prix Médicis 2020) nous revient avec une sorte de jeu de massacre amoureux. Clotilde Mélisse, une écrivaine qui a « l’habitude de transformer en livres ses épisodes et cycles existentiels », dont les « souvenirs fondateurs » (son père a assassiné sa mère sous ses yeux d’enfant avant de s’enlever la vie) contaminent depuis toujours le coeur de ses histoires d’amour, y raconte en grinçant une histoire d’amour à sens unique.

Seuil, 6 octobre

Western

Maria Pourchet

Dans Western, Maria Pourchet raconte le choc de la rencontre entre une femme, installée avec son petit garçon à la campagne après la mort de sa mère, et un comédien renommé en cavale qui devait incarner le premier rôle du Dom Juan de Molière, pris au coeur d’un inconfortable battage médiatique parisien. Une histoire d’amour épique et improbable racontée, comme avec Feu (Stock, 2021), dans un style vif et télescopé, où la romancière analyse impitoyablement les relations hommes-femmes ainsi que les soubresauts de notre époque.

Stock, 20 septembre

 

Sarah, Susanne et l’écrivain

Éric Reinhardt

Un peu comme dans L’amour et les forêts (Gallimard, 2014), le 6 roman d’Éric Reinhardt — récemment adapté sur grand écran par Valérie Donzelli —, le narrateur de Sarah, Susanne et l’écrivain dialogue avec une femme qui lui a confié son histoire personnelle pour qu’il en fasse un roman. Une femme cette fois punie pour avoir voulu imposer à son couple une thérapie choc. Une plongée dans l’enfer conjugal et la violence psychologique, un filon que l’auteur du Moral des ménages exploite depuis longtemps. On y trouvera aussi une réflexion sensible sur les liens entre lecteurs et écrivains, entre personnages réels et personnages de papier.

Gallimard, 20 septembre
  

Les alchimies 

Sarah Chiche

En 2022, une médecin légiste reçoit un étrange courriel dans lequel il est question du peintre Goya et de son crâne, volé après son inhumation à Bordeaux en 1828. Entre thriller perverti et roman picaresque, Les alchimies, le 5e roman de Sarah Chiche (Les enténébrés, Saturne), prend à bras-le-corps cette histoire dans laquelle les parents et le parrain de la narratrice auraient été mêlés. Depuis le Bordeaux des années 1960 et la création d’une société secrète de médecins, en passant par le vol véridique des reliques de Goya, c’est aussiune quête où cette femme doit affronter le passé trouble de ses parents, ainsi qu’une réflexion sur l’alchimie des affinités électives et le pouvoir émancipateur de l’art.

Seuil, 6 octobre

 
 

Triste tigre

Neige Sinno

Dans Triste tigre, déjà bien remarqué par la critique en France, Neige Sinno raconte sa « sordide histoire personnelle ». Cette Française qui vit au Mexique depuis 2006 y évoque les violences sexuelles répétées subies aux mains de son beau-père dans l’enfance. Mais il y a plus : c’est aussi une exploration intelligente et posée du mal (« C’est le centre secret de notre monde, ce mal impensable qui nous constitue. »), dans lequel l’autrice convoque d’autres livres et d’autres victimes qui ont écrit sur le sujet. Même si, écrit-elle, la « littérature ne m’a pas sauvée. Je ne suis pas sauvée ».

P.O.L, en librairie
   

Le grand feu

Léonor de Récondo

Née en 1699, puis élevée dans un orphelinat de Venise appelé La Pietà en compagnie d’autres jeunes filles, Ilaria Tagianotte va y apprendre le violon sous l’égide du compositeur Antonio Vivaldi, dont elle deviendra aussi la copiste. Avec Le grand feu, où elle raconte la formation d’une musicienne et la naissance de la passion amoureuse qui la foudroie à l’âge de quinze ans, la romancière Léonor de Récondo (Amours, Manifesto), qui est également une violoniste baroque de haut niveau, se permet de conjuguer ses deux passions : musique et littérature. Tout en faisant de la Sérénissime, « où on entend le silence et la nuit », un personnage de son 10e livre.

Grasset, en librairie
  

Veiller sur elle

Jean-Baptiste Andrea

Nous poursuivrons notre route en Italie avec Veiller sur elle, le 4e roman de Jean-Baptiste Andrea (Ma reine, 2017). Dans un monastère italien en 1986, un homme rend son dernier soupir parmi les moines qui l’ont hébergé depuis quarante ans afin de « veiller sur elle ». Elle, c’est la dernière statue qu’il a sculptée, cachée là par le Vatican pour en limiter l’accès. C’est sa vie que nous raconte Jean-Baptiste Andrea, c’est-à-dire une traversée mouvementée du XXe siècle italien marquée au fer par une grande et déchirante histoire d’amour.

L’Iconoclaste, 29 septembre
  

Proust, roman familial

Laure Murat

Pour raconter son histoire familiale et « la puissance muette du code » dans le monde déclinant de l’aristocratie française où elle a grandi, l’historienne et essayiste Laure Murat (Relire, Ceci n’est pas une ville) convoque l’auteur d’À la recherche du temps perdu. Avec Proust, roman familial, elle évoque sa propre homosexualité et la rupture avec sa famille dans un livre très personnel qui lui permet de réfléchir — et le lecteur avec elle — au pouvoir émancipateur de la littérature.

Robert Laffont, 29 septembre
  

L’échiquier

Jean-Philippe Toussaint

Avec L’échiquier, l’écrivain belge Jean-Philippe Toussaint (L’appareil-photo, Faire l’amour) a choisi de s’inspirer de la dernière nouvelle écrite par l’écrivain autrichien Stefan Zweig, Le joueur d’échecs, pour écrire son autobiographie en forme de partie d’échecs — une nouvelle qu’il a aussi traduite et qui paraît chez le même éditeur. Les soixante-quatre chapitres du livre font écho aux soixante-quatre cases d’un échiquier.

Minuit, 8 octobre
  

À pied d’oeuvre

Franck Courtès

Photographe de presse connu et reconnu depuis vingt ans (Libération, Les Inrockuptibles), Franck Courtès a abandonné un métier qui l’avait bien fait vivre — une « bravoure d’imbécile », écrit-il — avant de se faire un nom avec quelques livres. Mais la littérature nourrit mal son homme et ses économies ont fini par s’épuiser. Récit d’un déclassement social et économique, À pied d’oeuvre raconte sa descente aux enfers de la pauvreté et du travail « ubérisé » : manoeuvre, livreur à vélo, monteur de meubles en kit. Saisissant.

Gallimard, 4 octobre
  



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