Libre à Pierre Poilievre de contredire les membres conservateurs lors des élections

Les membres du Parti conservateur du Canada étaient réunis en congrès à Québec.
Jacques Boissinot La Presse canadienne Les membres du Parti conservateur du Canada étaient réunis en congrès à Québec.

Le chef conservateur Pierre Poilievre peut rédiger la prochaine plateforme électorale comme il l’entend, même en y incluant des promesses qui contredisent les résolutions de son parti, ont concédé les membres réunis en congrès à Québec.

Une séance de travail à laquelle les journalistes étaient exclus vendredi a sonné le glas d’une proposition passée plutôt inaperçue qui visait à interdire au chef de contredire les positions de ses membres afin de mener la bataille électorale, ou même au moment de diriger le pays.

Proposé par des militants de la Saskatchewan, l’amendement avait pour objectif de modifier la constitution du Parti conservateur du Canada (PCC) pour forcer le chef à suivre un document forgé notamment pas les membres, appelé « Énoncé politique du Parti ». Ou, du moins, « ne pas s’en écarter de manière substantielle ».

« Par exemple, les membres ont adopté une politique disant qu’il ne devrait pas y avoir de taxes sur le carbone imposées par le gouvernement fédéral ou de système de plafonnement et d’échange. [Or] le programme de 2021 [s’en] est écarté de manière substantielle », justifie le texte de la proposition.

Ses auteurs ont été vexés du fait que l’ex-chef Erin O’Toole avait plutôt proposé un prix sur le carbone dans le plan climatique conservateur lors des élections générales de 2021. Même s’il a remporté plus de votes que tout autre parti lors de ce scrutin, le PCC a perdu les élections en remportant moins de sièges que le Parti libéral du Canada de Justin Trudeau.

Sans effet

 

En pratique, une telle modification de la constitution n’aurait pas pu dicter la conduite du chef, ont expliqué au Devoir deux organisateurs conservateurs. « C’est plutôt symbolique », confirme Rodolphe Husny, qui a été conseiller politique sous l’ex-premier ministre Stephen Harper.

Le chef actuel du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a clairement fait savoir à ses membres que c’est lui qui doit trancher de ce qui se retrouvera dans la prochaine plateforme électorale.

« On va écouter le gros bon sens de nos membres […] et après ça je vais étudier les résolutions adoptées et répondre avec les politiques qui sont dans l’intérêt des Canadiens », a-t-il laissé tomber mercredi, à son arrivée à Québec.

Pierre Poilievre ne s’était pas prononcé sur les politiques proposées par son parti, comme l’interdiction des chirurgies de transition de genre pour les mineurs. Les principaux discours du congrès « du gros bon sens » ont entièrement évacué ces thèmes, jeudi et vendredi, pour se concentrer sur les sujets de prédilection du chef : l’abolition du prix sur le carbone, le logement abordable et le renforcement de la justice criminelle.

Révision en coulisses

 

L’entourage du chef s’est tout de même activé en coulisses pour s’assurer que de nombreuses propositions d’amendements à la constitution du parti ne soient pas adoptées.

Vendredi, le lieutenant conservateur au Québec, Pierre Paul-Hus, a mené avec succès une campagne pour battre la proposition qui appelait au définancement de Radio-Canada. Celle-ci a été rejetée lors d’un atelier de politiques auquel les médias n’étaient pas acceptés.

« Le chef a été clair, il n’a jamais été question de passer la hache là-dedans [l’ensemble du service de CBC et Radio-Canada] », a expliqué M. Paul-Hus. Le message était clair : le chef a le dernier mot pour ces questions.

Pierre Poilievre et plusieurs élus de son caucus ont saisi l’occasion du rassemblement de Québec pour s’attaquer frontalement au Bloc québécois, allant jusqu’à accuser ce parti d’être constitué de « partisans complices » du Parti libéral de Justin Trudeau.

Des ministres libéraux, à qui les conservateurs ont interdit l’accès à leur congrès, étaient tout de même présents sur le trottoir devant le Palais des congrès de Québec tout au long de l’événement. Les délégués ont pu voir défiler Steven Guilbeault, Pablo Rodriguez ou encore la nouvelle ministre du tourisme, Soraya Martinez Ferrada, critiquer Pierre Poilievre qui « radicalise » son parti pour ressembler à « l’extrême droite » américaine, selon elle.

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