Les cuisines scandinaves s’invitent à Montréal en lumière

Sophie Ginoux
Collaboration spéciale
Assiette de flétan fumé, oeufs de truite et aquavit, oeuvre du Suédois Martin Moses, chef invité du restaurant La Chronique les 24 et 25 février prochains.
Photo: Photo fournie Assiette de flétan fumé, oeufs de truite et aquavit, oeuvre du Suédois Martin Moses, chef invité du restaurant La Chronique les 24 et 25 février prochains.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Depuis 20 ans, et la naissance de l’iconique restaurant Noma à Copenhague, les foodies associent la Scandinavie à l’excellence culinaire. World’s 50 Best, Bocuse d’Or, Guide Michelin… la nouvelle cuisine nordique domine tous les concours et inspire des cuisiniers du monde entier. C’est donc avec beaucoup d’excitation que des tables montréalaises s’apprêtent à recevoir une délégation de chefs scandinaves lors de la 24e édition du festival Montréal en lumière. Rencontre avec quelques-uns d’entre eux.

Contrairement aux clichés qui sont souvent véhiculés à son sujet, la zone géographique scandinave, tout comme sa cuisine, est loin d’être monolithique. Au sens strict du terme, la Scandinavie comprend trois pays : le Danemark, la Suède et la Norvège. Mais on peut aussi y greffer l’Islande et les îles Féroé, qui partagent avec elle le même fonds culturel et linguistique, ainsi que, par extension, la Finlande.

Une cuisine de produits au Danemark et en Suède

Les pays scandinaves ont à peu près tous connu une réalité alimentaire différente. Limitrophe de l’Allemagne et du Canada (sur l’île de Hans), le Danemark s’est imposé comme une puissance commerciale (et coloniale), ce qui lui a permis d’avoir accès très tôt aux produits et aux savoir-faire d’un peu partout.

Sa voisine la Suède a aussi profité de cette proximité, mais s’est toujours définie comme agricole. « Nous sommes par essence des fermiers, même si nous pêchons aussi sur nos côtes et puisons dans nos forêts », confirme le chef Martin Moses, propriétaire du restaurant Human (Göteborg). Comme la Suède assure à 80 % son autonomie alimentaire et dispose d’une panoplie de produits, le chef aura l’embarras du choix pour construire le menu cinq services qui sera présenté au restaurant La Chronique les 24 et 25 février. Des langoustines grillées, du flétan fumé à l’aquavit (spiritueux scandinave au carvi ou à l’aneth) et une interprétation originale autour de la pomme de terre devraient faire partie des réjouissances.

Norvège : la grande contradiction

Voisine de la Suède, la Norvège n’a pas du tout eu le même parcours. Le pays ayant été le parent pauvre de la Scandinavie et assez isolé jusqu’au boom pétrolier des années 1970, ses habitants s’alimentaient grâce à la pêche, à l’élevage (agneaux, chèvres, rennes) et à la cueillette en forêt. « Malheureusement, notre prospérité subite a eu pour effet de nous faire perdre tout notre patrimoine alimentaire et culinaire en l’espace de deux générations, s’indigne le chef Ola Solfridson Klepp. Nous sommes, qui plus est, un des pays où les gens dépensent le moins pour leur nourriture et ont le plus une culture de supermarché, y compris pour l’achat de poissons venus de Chine. »

Cette vision critique, qui écorche l’aura d’excellence dont jouissent plusieurs établissements norvégiens, n’empêche pas le jeune chef de travailler d’arrache-pied pour reconnecter les clients de son restaurant K2 (Stavanger) avec les principes d’une alimentation locale, biologique et durable. C’est donc avec cette philosophie qu’il s’emparera des cuisines du H3, les 23 et 24 février, en mariant à sa façon des produits norvégiens et canadiens au sein d’un menu 10 services le soir (7 pour le menu du midi). Avec entre autres du hareng, des pétoncles et des huîtres d’ici, ainsi que du boudin de renne (une viande dont le goût se situe entre celles du cerf et du canard), du caviar, du kvass (une boisson fermentée et pétillante à base de céréales) et du brunost (un fromage à pâte brune et au goût caramélisé) de là-bas.

Photo: Photo fournie Plat de betteraves du chef norvégien Ola Solfridson Klepp, qui s’emparera des cuisines du H3

Surprenante Islande

Même s’il réside entre la Suède et la Norvège depuis plusieurs années, le chef Sigurður Rúnar Ragnarsson, qui sera reçu au restaurant Renoir les 17, 18 et 19 février, n’a rien oublié de ses racines islandaises. Sur cette île volcanique située entre le Groenland et la Norvège, colonisée par les Vikings à compter du IXe siècle, la vie était assez rude. « J’ai grandi dans un village où on n’avait que ce qui existait autour pour s’alimenter. C’est-à-dire du poisson, des agneaux (dont on utilisait la graisse et même les fientes pour se chauffer, faute d’arbres sur l’île) et un peu de cultures. Le principe d’utiliser un animal ou un végétal au complet fait donc partie de mon ADN, tout comme celui de le transformer le moins possible », raconte le chef, né dans une famille d’aquaculteurs qui séchaient de la morue dans du sel (clipfish) avant de la vendre.

Le menu neuf services qui sera présenté au Renoir reflétera ces origines, avec notamment de la morue séchée salée, de l’agneau fumé par le père de Sigurður ainsi que des kleina, des petits beignets torsadés islandais.

Photo: Fredrik Ringe Plat de morue du chef d’origine islandaise Sigurður Rúnar Ragnarsson, qui sera
reçu au restaurant Renoir

Rencontres nordiques

La venue de ces chefs au festival Montréal en lumière, au-delà de satisfaire notre curiosité, nous permet d’observer ce que l’héritage nordique scandinave et notre propre cuisine boréale ont en commun.

Selon Jean-Sébastien Giguère, chef et copropriétaire du H3, « nous avons de part et d’autre des contraintes climatiques qui ont influencé notre alimentation, avec des méthodes de préservation développées pour être en mesure de se nourrir pendant l’hiver ». Évidemment, on pense tout de suite à la fumaison, à la salaison et au séchage, traditionnels des deux côtés de l’Atlantique. On trouve aussi dans ces deux cuisines certains ingrédients voisins : la morue, les fruits de mer, les produits de la forêt, les tubercules, des pains plats ressemblant à des baniques, etc. « Nous avons aussi tous acquis une base de cuisine française avant de plonger dans nos racines culinaires », ajoute Sigurður Rúnar Ragnarsson.

Par contre, les pays scandinaves ont une maîtrise peu commune de la fermentation, une approche qui a d’ailleurs contribué à la réputation du Noma. Légumes, viandes, poissons, fromages, boissons : des éléments fermentés de toutes sortes, qui ouvrent nos sens à d’autres saveurs et textures, se retrouveront sur les menus de tous les chefs invités.

Ces derniers sont également impatients de découvrir lors de leur passage plusieurs fleurons d’ici, comme l’érable, les bleuets et le poivre des dunes. « Je crois que nous allons beaucoup apprendre les uns des autres », conclut Jean-Sébastien Giguère. Et nous aussi, festivaliers, armés de nos fourchettes !

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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