Le rejet de l’eau de la centrale de Fukushima a commencé

Au total, le Japon prévoit d’évacuer plus de 1,3 million de m³ d’eaux usées stockées jusqu’à présent sur le site de la centrale de Fukushima Daiichi.
Jiji Press via Agence France-Presse Au total, le Japon prévoit d’évacuer plus de 1,3 million de m³ d’eaux usées stockées jusqu’à présent sur le site de la centrale de Fukushima Daiichi.

Le Japon a commencé jeudi à rejeter en mer de l’eau issue de sa centrale nucléaire accidentée de Fukushima, malgré les inquiétudes de ses pêcheurs et une vive opposition de Pékin, qui a immédiatement renforcé ses restrictions commerciales vis-à-vis de Tokyo.

Pékin a dénoncé jeudi une action « égoïste et irresponsable » de Tokyo et a suspendu toutes ses importations de produits de la mer japonais, en invoquant « la sécurité alimentaire ». Le Japon a aussitôt réclamé la fin immédiate de cette suspension.

En juillet, la Chine avait déjà interdit l’importation de denrées de dix départements japonais, dont celui de Fukushima, et Hong Kong et Macao ont pris des mesures similaires plus tôt cette semaine. La Chine était l’an dernier le premier marché à l’export pour la pêche japonaise.

Le rejet dans l’océan Pacifique de l’eau de Fukushima a été enclenché peu après 13 h 00 heure japonaise (minuit au Québec) par Tepco, l’opérateur de la centrale.

Ce premier déversement devrait durer environ 17 jours et porter sur quelque 7800 m3 d’eau contenant du tritium, une substance radioactive qui n’est dangereuse qu’à des doses hautement concentrées.

Tepco prévoit trois autres déversements d’ici fin mars prochain, pour des volumes équivalents.

Au total, le Japon prévoit d’évacuer plus de 1,3 million de m3 d’eaux usées stockées jusqu’à présent sur le site de la centrale de Fukushima Daiichi, provenant d’eau de pluie, de nappes souterraines et des injections nécessaires pour refroidir les coeurs des réacteurs entrés en fusion après le tsunami de mars 2011 qui avait dévasté la côte nord-est du pays.

Nombreuses précautions prises

 

Ce processus sera très progressif — il doit durer jusque dans les années 2050 — et la teneur d’eau tritiée dans les rejets en mer quotidiens n’excédera pas 500 m3.

L’eau a été filtrée au préalable pour la débarrasser de la plupart de ses substances radioactives, à l’exception du tritium.

Le Japon prévoit de rejeter de cette eau avec une importante dilution au préalable, de sorte que son niveau de radioactivité ne dépasse pas 1500 becquerels par litre (Bq / L).

Ce niveau est 40 fois inférieur à la norme nationale japonaise pour l’eau tritiée, alignée sur la norme internationale (60 000 Bq / L), et il est par ailleurs environ sept fois inférieur au plafond établi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’eau potable (10 000 Bq / L).

La concentration en tritium de l’eau que le Japon a commencé à rejeter est « bien en dessous de la limite opérationnelle de 1500 Bq / L », a indiqué jeudi dans un communiqué l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui supervise l’opération.

Des experts de l’AIEA présents à Fukushima ont prélevé des échantillons de l’eau préparée pour le premier déversement et les ont analysés de manière indépendante, a précisé l’instance onusienne.

L’AIEA a donné en juillet son feu vert au projet japonais, jugeant son impact radiologique « négligeable sur la population et l’environnement ».

Manifestations

 

Mais beaucoup voient les choses différemment. Les pêcheurs japonais, en particulier, redoutent des répercussions sur l’image et les ventes de leurs produits, qui se font déjà sentir avec les restrictions chinoises adoptées en juillet.

Le déversement en mer d’eau tritiée est cependant une pratique courante de l’industrie nucléaire dans le monde entier, et le niveau annuel de radioactivité de ces rejets par les centrales nucléaires chinoises est bien supérieur à celui prévu à Fukushima Daiichi, a relevé Tokyo.

Selon des analystes, la position intransigeante de Pékin sur l’eau de Fukushima est très probablement aussi liée aux relations sino-japonaises déjà tendues sur de nombreux sujets économiques et géopolitiques.

Sans surprise, la Corée du Nord a aussi exigé jeudi l’arrêt immédiat des rejets du Japon, « dangereux » selon elle.

D’autres gouvernements de pays de la région Asie-Pacifique ayant de meilleures relations avec le Japon, comme la Corée du Sud, Taïwan ou encore l’Australie, ont exprimé leur confiance quant à la sécurité du processus du rejet contrôlé par l’AIEA.

Des manifestations contre le rejet ont toutefois lieu en Corée du Sud. Plus de dix personnes ont été arrêtées jeudi à Séoul pour avoir tenté de pénétrer dans l’ambassade du Japon, a déclaré la police locale à l’AFP.

Au Japon, signe d’une certaine résignation de la population sur le sujet, un rassemblement de protestation jeudi matin près de la centrale de Fukushima Daiichi n’a réuni que neuf personnes, a constaté l’AFP sur place.

« Une bonne politique consisterait à ne rien faire qui soit potentiellement dangereux, en vertu du principe de précaution », a déclaré à l’AFP une manifestante, Ruiko Muto, 70 ans, qui vit dans le département de Fukushima.

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