Le Périgord noir du Québec

Sophie Ginoux
Collaboration spéciale
La culture des truffes des Appalaches, une variété indigène du Québec, pourrait constituer une des richesses futures de notre province.
Photo: Truffes Québec La culture des truffes des Appalaches, une variété indigène du Québec, pourrait constituer une des richesses futures de notre province.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Notre province est la fière ambassadrice nord-américaine de richesses d’ailleurs. Petit survol de trois productions iconiques du Périgord en sol québécois.

 

Festif foie gras

 

Lorsqu’on se rend dans le sud-ouest de la France, les produits issus du canard et de l’oie sont incontournables. Depuis des centaines d’années, on y concocte des recettes avec du confit, du magret, des gésiers, de la chair, de la graisse et, bien sûr, l’irrésistible foie gras de ces volatiles, que l’on peut savourer frais (poêlé), mi-cuit ou cuit.

Synonyme d’aliment plaisir, ce foie gras et le savoir-faire périgourdin associé sont apparus de manière assez discrète au Québec il y a une trentaine d’années. Mais c’est vraiment grâce à certains chefs comme Normand Laprise (Toqué !) et Martin Picard (Au pied de cochon) que ce produit a pris son envol.

« À mon arrivée au Québec, il y a de cela 15 ans, les gens confondaient encore un lobe de foie gras frais avec du fromage. Mais, aujourd’hui, ils reconnaissent la noblesse de ce produit », raconte Thomas Delannoy, directeur des ventes et du marketing de la filiale canadienne de Rougié, une maison née à Sarlat en 1875 et installée à Marieville depuis 2005, qui est représentée depuis dans nos restaurants, nos boucheries et nos épiceries.

Photo: Rougié Un plat de foie gras, que l’on peut savourer frais (poêlé), mi-cuit ou cuit

Contrairement à sa grande sœur française, l’antenne québécoise de Rougié est demeurée à taille humaine, avec une ferme d’élevage, deux fermes de gavage et une usine de transformation. « Nous utilisons ici les procédés de production artisanaux du Périgord, à savoir l’élevage de canards mulards par petits groupes, une nourriture à base de maïs et, surtout, pas de surgavage. Nous cherchons, au contraire, à ce que les canards se gavent au maximum par eux-mêmes, un réflexe naturel pour eux avant une migration ou une mise à bas », indique M. Delannoy.

Cette ancienne tradition n’empêche cependant pas d’innover. Périodes d’exercice, céréales diverses, diffusion de musique, ruissellement d’eau sur les murs, massages ; tout ce qui peut faire plaisir aux volatiles a été testé ou mis en place. « Nous partons du principe qu’un animal en bonne santé et sans stress donnera de bons produits, dit Thomas Delannoy. Alors, nous essayons plein de choses pour satisfaire nos canards. Nous frappons même à la porte de leur enclos avant d’y entrer ! » Comme quoi l’esprit d’initiative propre au Québec peut mener à des améliorations des pratiques séculaires.

Surprenantes noix

 

L’innovation et la créativité sont également au rendez-vous d’un autre produit phare du Périgord noir : les noix. Celles que l’on trouve sur place, que l’on appelle communément des noix de Grenoble, proviennent de noyers perses… qu’on ne trouve pas au Québec. « Nous plantons plutôt ici des variétés de noyers qui s’adaptent mieux au climat nordique, comme le noyer noir, le noyer cendré ou le noyer en cœur », explique Alain Perreault, associé depuis 16 ans avec ses frères au Jardin des noix, situé à Saint-Ambroise-de-Kildare.

La noix de noyer noir, dont la cosse ressemble à un petit citron vert, a un profil aromatique assez surprenant. « Elle a des notes de champignon, de fromage bleu et une finale un peu sucrée, confirme le producteur. On ne l’utilise pas de la même manière qu’une noix de Grenoble en cuisine. » Elle est, semble-t-il, délicieuse dans des charcuteries, broyée dans des épices, ainsi que dans des desserts à l’érable ou au chocolat. « Comme elle est très parfumée, nous produisons aussi avec une huile de finition que je recommande », ajoute M. Perreault.

Photo: Justin Landreville La noix de noyer noir, dont la cosse ressemble à un petit citron vert

Que reste-t-il, donc, du Périgord, à ce stade ? Eh bien, tout le matériel pour nettoyer, tirer, casser et sécher ces noix, de même que les techniques de production, de fertilisation et de taille. « Nous nous inspirons beaucoup du Périgord pour nos procédés, indique le producteur. Mais nous ne cherchons pas à copier ses produits. Nous désirons plutôt nous distinguer avec une offre unique en son genre ici. » Une spécificité québécoise avec laquelle les gourmands se familiarisent petit à petit.

Précieuse truffe

 

Encore plus émergente, la production de truffes pourrait connaître un bel avenir au Québec. Méconnue sur cette partie du globe, même des adeptes de mycologie, la truffe est un champignon tubéreux qui a la particularité d’être hypogé, ce qui signifie qu’il se développe sous terre, en symbiose auprès de certains arbres. Comme on ne la voit et ne la sent pas, il faut s’équiper d’un chien à l’odorat bien affûté (traditionnellement, il s’agissait d’un cochon) pour la trouver.

Aussi rare que prisée, la truffe noire du Périgord se détaille, selon sa qualité, de 1300 à 1500 dollars le kilo. Autant dire qu’on utilise avec parcimonie ce succulent champignon aux arômes si puissants qu’ils sont capables de donner du goût à des œufs encore dans leur coquille et à de l’huile en infime quantité.

Toutefois, au Québec, la truffe noire n’existe pas. On y trouve par contre une variété indigène, la truffe des Appalaches, mise au jour en 2009 par le biologiste Jérôme Quirion, qui a décidé d’en développer la culture et la transformation. À quoi ressemble-t-elle ? « C’est une truffe de couleur cannelle cuivrée qui dégage des notes complexes alliacées, braisées et terreuses, indique Maude Lemire-Comeau, associée de M. Quirion au sein de Truffes Québec. Elle a un goût fin et délicat et elle se conserve jusqu’à trois semaines au frigo. »

L’exploitation de la truffe des Appalaches au Québec ne fait que commencer, puisque la petite production de cultivars de Truffes Québec a, jusqu’à présent, essentiellement servi à l’implantation de truffières sur les terres d’une cinquantaine d’agriculteurs. « D’ici deux ou trois ans, ces derniers pourront réaliser leur première récolte de truffes, et ils souhaitent tous se lancer dans le mycotourisme pour la faire connaître et la rendre accessible à tous », explique Mme Lemire-Comeau.

Néanmoins, pour nous donner un avant-goût de ce qui pourrait devenir une belle richesse du Québec, aussi délicieuse qu’écologique et durable, la compagnie sœur de recherche et de développement de Truffes Québec, Les Truffettes, s’apprête à commercialiser cet automne une petite série de produits qui devraient attirer l’attention. Il nous tarde d’y goûter !

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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