La fine gastronomie québécoise, version Relais Châteaux

Sophie Ginoux
Collaboration spéciale
Création du restaurant du StoneHaven Le Manoir, à Sainte-Agathe-des-Monts
Photo: Photo fournie Création du restaurant du StoneHaven Le Manoir, à Sainte-Agathe-des-Monts

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Luxe, calme et volupté. Depuis 1954, les établissements indépendants membres du réseau Relais Châteaux représentent la quintessence de l’hôtellerie et de la restauration. Sur quels éléments repose donc ce modèle unique en son genre, fort de 580 adresses de prestige à travers le monde ? A-t-il bien traversé le temps ? Pour le savoir, nous sommes allés à la rencontre des chefs exécutifs de trois des quatre Relais Châteaux du Québec.

Pour beaucoup de cuisiniers, diriger les fourneaux, ou ne serait-ce que de travailler dans un Relais Châteaux, constitue un rêve. Pour y parvenir, la plupart d’entre eux passent par des formations techniques robustes et de grandes tables.

Le chef Alexandre Vachon, du Manoir Hovey (restaurant Le Hatley et bistro Le Tap Room), situé à North Hatley, a ainsi fait ses classes avec Daniel Boulud. Arthur Muller, le cochef de l’Auberge Saint-Antoine (restaurant Chez Muffy et Bar Artefact), à Québec, a travaillé pour une dizaine d’établissements en Europe, dont le restaurant aux deux étoiles Michelin Le Gavroche, à Londres. Quant à Éric Gonzalez, aux commandes du restaurant du StoneHaven Le Manoir, à Sainte-Agathe-des-Monts, il a gagné sa première étoile à l’âge de 27 ans au restaurant Clairefontaine, à Luxembourg, et fait partie de la prestigieuse association des Maîtres cuisiniers de France.

« Les Relais Châteaux attirent la crème des cuisiniers, admet Alexandre Vachon. C’est un réseau qui leur permet de travailler et, s’ils le veulent, de voyager en gardant le même niveau d’excellence. » L’excellence est effectivement le maître mot de ces tables qui sont les premiers vecteurs d’attraction de la clientèle, avant l’hôtellerie. « Elles assurent avant tout à leurs visiteurs, que ce soit dans une auberge bordant un lac comme ici, dans un restaurant urbain de New York ou dans un petit palais en Inde, la garantie d’une expérience mémorable. Nous offrons une cuisine de plaisir et de souvenir », poursuit le chef.

Une cuisine de terroir

Tous les chefs de Relais Châteaux ne cuisinent pas de la même manière, mais ils ont la même ambition : protéger et valoriser le terroir dans lequel s’ancre leur restaurant. « On s’autorise tout et on ne s’interdit rien en matière de création, explique Arthur Muller, mais on n’utilise presque que des produits locaux. »

Pas n’importe quels produits, on s’entend. Les cochefs — Arthur Muller forme un duo avec Alex Bouchard — de l’Auberge Saint-Antoine disposent d’une ferme et d’un maître jardinier attitrés sur l’île d’Orléans, à une dizaine de kilomètres à vol d’oiseau de leur restaurant. Ils y font cultiver une trentaine de légumes et de fruits en mode biologique, en plus d’avoir des ruches pour produire leur miel. Au StoneHaven, on souhaite aussi intégrer au domaine une forêt nourricière capable de fournir l’établissement en champignons, ainsi que des vignes et des vergers.

Photo: Photo fournie Arthur Muller et Alex Bouchard, cochefs de l’Auberge Saint-Antoine (restaurant Chez Muffy et Bar Artefact)

Outre ces cultures exclusives, les chefs tissent des liens étroits avec les agriculteurs, cueilleurs, pêcheurs, viticulteurs et artisans du Québec. Alexandre Vachon achète à lui seul, chaque année, 520 canards et foie gras pour le Manoir Hovey, ainsi que des boeufs entiers Angus et Wagyu, qu’il décline de manière différente pour Le Hatley (gastronomique) et Le Tap Room (bistro). Un choix local qui se reflète dans ses plats signatures, dont l’oeuf de cane d’À la canne blanche (une ferme tenue par deux personnes aveugles), servi avec du caviar, de la crème fraîche et du mousseux locaux, ainsi qu’une brioche maison.

« Des ingrédients que j’utilise, 90 % sont québécois, confirme le chef. Vous ne trouverez pas dans ma cuisine de vanille ou de poivre importés. J’aime aussi relever les défis lancés annuellement par Relais Châteaux. Pour 2023, le thème est celui de la mer, alors c’est l’occasion pour moi de faire découvrir aux clients des produits méconnus du fleuve Saint-Laurent et de faire rayonner encore plus notre terroir. »

Plus qu’un modèle, une philosophie

La démarche locale, biologique et éthique mise de l’avant dans les restaurants Relais Châteaux n’est pas un effet de mode. Elle fait plutôt partie de l’ADN de ce réseau (qui a d’ailleurs déposé, en 2014, un manifeste sur la préservation des patrimoines locaux et de l’environnement à l’UNESCO), auquel on adhère si on partage les mêmes valeurs.

Comme l’indique Éric Gonzalez, « Au-delà du prestige apporté par cette bannière, il y a une réelle réflexion. Derrière chaque plat, il y a une histoire à raconter, un message livré. Nous revenons aux bases : la qualité, la traçabilité, l’autosuffisance, l’écologie. C’est selon moi d’une grande modernité. »

Évidemment, cette philosophie a un coût. On ne se rend pas dans un Relais Châteaux comme dans un bistro du coin, c’est une destination. Et c’est peut-être pour cela qu’on s’imagine souvent la clientèle de ce type d’établissement originaire de l’étranger, aux tempes grisonnantes et richissime. Une image qui n’est pas totalement fausse, mais qu’il faut nuancer.

« La pandémie nous a permis d’atteindre une nouvelle clientèle plus locale, plus jeune et plus familiale, explique Alex Bouchard. Elle veut se faire plaisir, vivre une expérience complète. Elle opte d’ailleurs plus facilement que nos visiteurs d’avant pour le menu dégustation de Chez Muffy. »

Un avis partagé par Alexandre Vachon, qui a aussi adapté sa cuisine aux tendances végétariennes, sans gluten ou plus santé affichées par ses clients. « Avec, en plus, l’ouverture en juin d’un spa au Manoir Hovey, je m’attends à encore plus de demandes de ce type et fais plein de tests en ce moment. Ça me pousse à évoluer et ça me garde alerte, tant mieux. »

Alors, au bout du compte, hors de prix ou dépassé, le modèle Relais Châteaux ? Vraiment pas, semble-t-il. « Vous savez, depuis que je suis tout petit, aller au restaurant a toujours représenté un événement, confesse le chef Vachon. Et une visite dans un restaurant Relais Châteaux, c’est exactement ça, une occasion spéciale. On ne fait pas qu’y manger. On y vit une expérience de deux, trois ou quatre heures dont on se souviendra longtemps. Par conséquent, que ce soit une fois par mois ou une fois par an, je crois que ce modèle est accessible à tous », conclut-il.

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

À voir en vidéo