Un nouvel outil pour atteindre la carboneutralité

Pascaline David
Collaboration spéciale
Capture d'écran du tableau de bord de l’Explorateur de trajectoires. À gauche, les différents scénarios prédéfinis ; en haut, les secteurs générateurs de GES. Chaque carré de couleur représente l'effort à fournir dans chacun des secteurs pour atteindre la carboneutralité selon le scénario choisi.
Photo: Adobe Stock Capture d'écran du tableau de bord de l’Explorateur de trajectoires. À gauche, les différents scénarios prédéfinis ; en haut, les secteurs générateurs de GES. Chaque carré de couleur représente l'effort à fournir dans chacun des secteurs pour atteindre la carboneutralité selon le scénario choisi.

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche: enjeux climatiques

Comment atteindre zéro émission nette de GES au Canada d’ici 2050 ? Répondre à cette question n’est pas une mince affaire, tant les scénarios envisageables sont nombreux. L’Institut de l’énergie Trottier (IET) de Polytechnique Montréal s’est toutefois retroussé les manches pour construire avec ses partenaires un outil de visualisation, l’Explorateur de trajectoires, permettant de comparer les chemins possibles vers cet engagement du gouvernement fédéral.

Atteindre la carboneutralité « requiert l’utilisation de technologies et de systèmes énergétiques ne produisant pas d’émissions de gaz à effet de serre, de même que la captation et le stockage permanent de toute émission atmosphérique restante, selon l’Institut climatique du Canada. Autrement dit, le Canada doit éliminer autant d’émissions qu’il en génère, pour éviter de contribuer aux changements climatiques. »

Pour faciliter la prise de décisions et l’élaboration de politiques publiques, le tableau de bord de l’Explorateur de trajectoires présente plus de 140 scénarios, déterminés en fonction de compromis énergétiques et sociétaux que l’on pourrait choisir, et fondés sur de grandes quantités de données. « L’idée est de partir d’un scénario de base selon des hypothèses comme le coût des technologies, tout en tenant compte des incertitudes qu’il peut y avoir sur un horizon de 40 ans », explique Simon Langlois-Bertrand, associé de recherche à l’IET. Et de comparer ce scénario de base à toute sorte d’autres scénarios menant tous à la carboneutralité d’ici 2050. L’outil calcule alors, dans chaque secteur, les économies ou les gains qu’il faudra faire.

Des millions de données

En matière d’énergies primaires par exemple, on apprend ainsi que pour atteindre la carboneutralité en 2050 en se basant sur les politiques en place actuellement, il faudra que le Canada réduise sa production de pétrole brut (-76 %) de gaz naturel (-76 %) et de charbon (-36 %), et qu’il augmente sa production d’énergies renouvelables (+284 %), de bioénergie (+64 %), d’uranium (+7 %) et d’énergie hydraulique (+6 %). Ces différentiels sont aussi fournis pour la production électrique, la capacité électrique, l’énergie consommée selon la source et le secteur, etc. Et d’autres scénarios prévoient par exemple des politiques plus fortes de la part des gouvernements ou des développements technologiques ayant des effets sur la production de gaz à effet de serre dans tel ou tel secteur.

Si de très nombreuses combinaisons de paramètres sont possibles, une section « analyses » propose également des scénarios préétablis. Ceux-ci permettent à des personnes moins initiées d’appréhender les grandes questions et de comprendre quels sont les différents indicateurs qui influencent l’atteinte de la carboneutralité en 2050. Par exemple, quelles sont les conséquences si on ne réduit pas les émissions du secteur pétrolier et du gaz ? Qu’arrive-t-il si le prix des petits réacteurs modulaires nucléaires n’est pas celui qui est attendu ? « Plutôt que de s’intéresser aux grandes lignes directrices, l’outil sert à fournir des informations détaillées sur des horizons lointains, en fonction de secteurs et de problématiques très précises », ajoute le chercheur.

Les résultats présentés sont issus de NATEM, un modèle d’optimisation techno-économique développé par ESMIA Consultants. Celui-ci doit s’arranger pour atteindre l’objectif de zéro émission net tout en respectant la demande, au moindre coût.

Des mises à jour constantes

L’ensemble du projet a été conçu et piloté par l’IET, avec l’aide de KashikaStudio pour le graphisme et l’interface. Pour Thomas Hurtut, cofondateur de Kashika Studio et professeur agrégé à Polytechnique Montréal, il n’existe pas de solution unique à la carboneutralité, qui pourrait être détectée ou calculée par un algorithme. « Il faut nécessairement impliquer l’humain dans ce processus d’optimisation et de décision, lance-t-il. La visualisation est une manière intuitive d’explorer et de comparer les scénarios énergétiques et les dizaines de paramètres possibles. »

Deux objectifs ont guidé la création de l’outil, soit celui d’aiguiller les personnes qui possèdent une expertise ou un rôle décisionnel, mais aussi de démocratiser l’information. « Les données devraient être ouvertes et transparentes, le plus souvent possible, ajoute François Lévesque, cofondateur de Kashika Studio. C’est vraiment important que les gens comprennent ce que chaque décision gouvernementale peut impliquer. »

La plateforme est d’ailleurs vouée à accueillir les remarques des utilisateurs et des utilisatrices afin d’améliorer continuellement l’outil, en ajoutant de nouveaux scénarios, par exemple. « Les choses changent vite, comme les transformations technologiques, qui doivent être intégrées. Notre objectif est de tenir tout cela à jour. Cela faisait un bout de temps qu’on cherchait une façon intelligible d’explorer toutes ces trajectoires possibles, autre qu’un rapport écrit de 400 pages », indique M. Langlois-Bertrand. L’an dernier, l’Institut a donc répondu à un appel à projets lancé par Ressources naturelles Canada, dont l’objectif était de rendre davantage de résultats de modélisation accessibles en ligne.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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