L’éveil des bières nordiques

Sophie Ginoux
Collaboration spéciale
La microbrasserie Le Temps d'une pinte, à Trois-Rivières, propose une bière à la résine de sapin baumier et de gingembre : la Picoué.
Photo: Le Temps d'une pinte La microbrasserie Le Temps d'une pinte, à Trois-Rivières, propose une bière à la résine de sapin baumier et de gingembre : la Picoué.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Gastronomie, épices, vins, cidres, boissons diverses… Le terroir québécois s’exprime aujourd’hui dans toutes les sphères gourmandes. L’industrie des microbrasseries, elle-même en pleine effervescence, ne pouvait donc qu’emboîter le pas à ce phénomène culturel. Rencontres autour de bières qui n’ont pas fini de nous surprendre.

Alors que la 20e édition de Bières et Saveurs de Chambly, le plus grand festival de bières artisanales au Québec, bat son plein cette fin de semaine(jusqu’à lundi), l’équipe fondatrice de cet événement est encore étonnée par la croissance exponentielle que les microbrasseries québécoises connaissent. « Nous sommes passés, en l’espace de 20 ans, de 17 à 75 microbrasseriesparticipantes, et nous présenterons cette année au festival plus de 1000 bières », indique Claude Demers, v.-p. des opérations.

La créativité et la découverte seront les mots d’ordre de cette édition anniversaire, avec notamment des bières populaires, comme les NEIPA (New England India Pale Ale), les bières sures et les bières fruitées. Des bières qui peuvent s’inspirer de tendances nées aux États-Unis ou dans l’Ouest canadien, mais qui se déploient de plus en plus avec des ingrédients d’ici : du houblon et des céréales locaux, ainsi que de petits trésors puisés à même nos champs, forêts, prairies, marais et bords du fleuve.

Une nouvelle identité brassicole

Comme le souligne à juste titre Martin Thibault, auteur de plusieurs bibles sur la bière, « un brasseur, c’est un peu comme un boulanger ou un cuisinier, il crée des recettes. Donc, s’il commence à utiliser des ingrédients locaux dans ses produits, il s’aperçoit rapidement que ce grenier aromatique est gigantesque ».

L’expert ajoute qu’historiquement, avant que le houblon ne devienne une norme dans le milieu brassicole, les brasseurs québécois utilisaient d’autres ingrédients locaux, comme du thé du Labrador, pour donner du caractère à leurs bières. Alors, même si ces ingrédients ont été oubliés pendant des lustres, nous restreignant à la consommation de bières d’épinette industrielles et très sucrées, ce n’est plus du tout le cas. À présent, il est possible de déguster des bières artisanales intégrant dans leurs recettes de petits fruits (fraises, framboises, bleuets, gadelles, etc.), des pousses de conifères, du myrique baumier, du mélilot, du poivre des dunes, de la comptonie voyageuse, du foin d’odeur, des algues ou des champignons.

Martin Thibault compare cette floraison de bières nordiques à ce qui s’est vécu quand le restaurant Noma a décidé de se réapproprier son terroir danois en cuisine. « Les brasseurs québécois explorent librement de nouvelles avenues gustatives, c’est très stimulant ! Je dirais même que cette recherche identitaire et créative est unique au monde. Je voyage beaucoup, et je ne vois cette fébrilité nulle part ailleurs. »

Du choix et de l’élégance

Trouver des bières nordiques ne relève plus du hasard ou de la coïncidence. Au festival Bières et Saveurs, plusieurs microbrasseries en proposeront, comme La Korrigane (Québec), qui travaille régulièrement à partir de brassins contenant des ingrédients nordiques. Nous laisserons-nous ainsi tenter par sa Rose Latulipe, une bière de saison aux gadelles, ou bien par La Sedna style, une pale ale à la comptonie voyageuse ? Peut-être les visiteurs souhaiteront-ils aussi découvrir la Picoué, une bière à la résine de sapin baumier et de gingembre conçue par Le Temps d’une pinte (Trois-Rivières). À moins qu’ils ne se laissent tenter par certaines créations de la microbrasserie Le Naufrageur (Carleton-sur-Mer), comme l’IPA Labrador, au thé du même nom, ou La Tanaisie, une blanche infusée de cette plante vivace aux fleurs jaunes très odorantes.

Un des coups de coeur de Claude Demers en la matière va à la Petite Hermine, de La Souche (Québec), une grisette aux herbes boréales « légère, aux petits arômes citronnés et herbacés, qui ne donne pas dans la caricature ». Il n’est d’ailleurs pas le seul à apprécier le travail de cette microbrasserie, puisqu’elle vient tout juste de remporter 14 médailles aux World Beer Awards, dont la plus haute distinction pour la Franc Bois d’hiver, une bière de blé sure à la framboise.

De son côté, Martin Thibault s’est épris des bières de Terreàboire (Saint-Blaise-sur-Richelieu), qui fait partie des rares microbrasseries « de la terre au verre », ce qui signifie qu’elle cultive la majeure partie des ingrédients de ses produits. Justement, elle propose en ce moment une bière sure à l’aronia provenant de ses haies brise-vent. Et là encore, « tout est dans la subtilité et l’élégance, une caractéristique que j’apprécie chez nos microbrasseurs québécois », souligne l’expert.

Une mycobrasserie au Québec

Les champignons du Québec peuvent être utilisés de bien des manières, y compris dans de la bière. Il y a huit ans, François-Xavier Fauck, le propriétaire de Chapeau les bois, un resto-boutique spécialisé dans les champignons sauvages et les produits non ligneux, transformait en poudre du chaga (un champignon qui pousse dans les fissures des bouleaux et auquel on attribue des propriétés médicinales) quand il a pensé à intégrer ses arômes dans de la bière. Avec un ami microbrasseur, le mycologue a ainsi créé La Chaga, une bière rousse « aux notes de scotch, de mélasse, de chocolat et d’érable en fin de bouche », explique-t-il. Encouragé par cette première expérience, M. Fauck a ensuite développé trois autres bières aux champignons : La Matsutaké, une blanche sur lie ; La Chanterelle, une ale blonde ; et Le Lactaire, une bière ambrée qui met en vedette le lactaire à odeur d’érable, « dont le goût rappelle un peu celui des biscuits à l’érable, avec une petite touche terreuse et d’amertume ». Des créations à découvrir à la mycobrasserie de François-Xavier Fauck, en plus des bières développées pour plusieurs restaurants de la région de Québec.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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