Rumeurs persistantes de grève à l’Union des artistes

Lors d’une éventuelle grève, dans le pire des cas, non seulement les tournages d’oeuvres de fiction seraient interrompus, mais aussi ceux d’émissions de variétés, de magazines et de talk-shows. Sur la photo, un caméraman dans la Maison de Radio-Canada.
Valérian Mazataud Le Devoir Lors d’une éventuelle grève, dans le pire des cas, non seulement les tournages d’oeuvres de fiction seraient interrompus, mais aussi ceux d’émissions de variétés, de magazines et de talk-shows. Sur la photo, un caméraman dans la Maison de Radio-Canada.

Les tournages québécois prévus cet automne pourraient-ils être compromis ? Depuis le début de l’été, les rumeurs vont bon train dans le milieu de l’audiovisuel, et certains s’inquiètent sérieusement que les membres de l’Union des artistes (UDA) déclenchent une grève. Tant l’UDA que les producteurs se veulent pour l’heure rassurants et indiquent être déterminés à éviter un arrêt de l’industrie, comme c’est le cas à Hollywood.

Rappelons que la production de séries et de films est complètement suspendue aux États-Unis depuis juillet, les acteurs ayant alors imité les scénaristes en entrant à leur tour en grève.

Un conflit de travail similaire aurait des conséquences encore plus importantes dans l’écosystème médiatique québécois, puisque l’UDA représente non seulement les acteurs, mais aussi les chanteurs, les danseurs, les animateurs, et à peu près toutes les personnalités de l’industrie du divertissement. Dans le pire des cas, non seulement les tournages d’oeuvres de fiction seraient interrompus, mais aussi ceux d’émissions de variétés, de magazines et de talk-shows.

Ces rumeurs de grève ne sortent pas de nulle part : la convention collective entre l’UDA et l’Association québécoise de la production médiatique (AQPM) est échue depuis février. Mais ce qui y donne encore plus de crédibilité, c’est que les techniciens de l’audiovisuel seront eux aussi sans convention collective à partir du 11 novembre prochain. L’UDA et l’AQTIS, le syndicat qui représente ces derniers, pourraient-ils faire front commun et entrer en grève à cette date ? C’est ce que certains anticipent, même si l’AQTIS a précisé au Devoir que les négociations avec l’AQPM ne se sont même pas encore réellement entamées, et qu’il est donc beaucoup trop tôt pour parler de grève.

« Est-ce qu’il y a un risque de conflit, de moyens de pression, à l’automne ? Et est-ce que ce risque sera accru quand toutes nos ententes avec nos deux principaux partenaires seront échues ? La réponse, c’est oui », reconnaît Geneviève Leduc, directrice des relations de travail et des affaires juridiques à l’AQPM. Pour le reste, Me Leduc reste plutôt évasive sur l’état des négociations avec l’UDA — qui ne sont pas au point mort, d’ailleurs.

Est-ce qu’il y a un risque de conflit, de moyens de pression, à l’automne ? [...] La réponse, c’est oui.

Se préparer au pire

Les revendications de l’UDA à la table des négociations font en partie écho à celles des acteurs américains. Ici aussi, les plateformes de diffusion en continu ont changé la donne, ce qui crée des problèmes de rémunération pour les artistes. On sait aussi que les comédiens se plaignent depuis plusieurs années du rythme effréné des tournages au Québec.

Vraisemblablement, les positions des deux parties sont assez éloignées pour que certains producteurs se préparent sérieusement à un conflit de travail. L’UDA rapporte d’ailleurs que plusieurs de ses membres ont remarqué que des tournages avaient été devancés récemment, comme si l’on souhaitait que tout soit bouclé avant une possible grève en novembre.

Un producteur télé, qui ne souhaite pas être nommé afin de ne pas nuire aux négociations en cours, a effectivement confié au Devoir planifier son calendrier de tournage automnal en ayant en tête que tout pourrait s’arrêter le 11 novembre. Un autre producteur joint par Le Devoir a plutôt semblé accorder peu d’importance aux bruits qui courent dans l’industrie depuis quelques semaines.

« On ne sent pas qu’il y a une grande envie de faire la grève. Si ça arrivait, tout le monde en souffrirait. Ce n’est dans l’intérêt de personne », glisse cet important producteur, qui n’a pas non plus voulu être identifié afin de ne pas saper le travail de l’AQPM.

Un conflit de travail, même s’il ne survenait qu’à la fin de l’automne, pourrait en effet avoir des conséquences considérables. Les tournages sont dorénavant éparpillés à travers l’année, et ne sont plus aussi concentrés durant l’été qu’auparavant.

Qui dit vrai ?

Les rumeurs de grève sont assez persistantes pour que la présidente de l’UDA, Tania Kontoyanni, ait tenu à faire le point la semaine passée. Dans une vidéo adressée aux membres, elle a rappelé que la décision de déclencher une grève ne pourrait être prise sans l’accord des membres. Or, l’UDA ne dispose pas d’un mandat de grève pour le moment.

En entrevue au Devoir, Mme Kontoyanni a indiqué que les rumeurs de conflit de travail dans l’industrie ont commencé par une note que l’AQPM aurait envoyée à ses membres cet été. L’association aurait appelé ses membres à se préparer à une grève commune de l’UDA et de l’AQTIS en novembre.

L’AQPM dit n’avoir jamais envoyé une telle note, mais la présidente de l’UDA maintient en avoir reçu la confirmation. « Je les comprends d’avoir fait ça, mais je trouve ça prématuré. Ça fait un tort aux artistes. Imaginez s’il n’y a plus de tournages cet automne, juste parce que les producteurs ont voulu devancer les artistes », regrette-t-elle.

Jamais dans l’histoire récente du Québec un conflit de travail n’a paralysé l’industrie audiovisuelle comme c’est actuellement le cas aux États-Unis. En 2019, lors de la négociation des dernières ententes collectives, le moyen de pression le plus important ayant été mis en place fut une grève d’une journée décrétée par l’AQTIS.

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