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Le parcours d'un détenu

Le parcours d'un détenu

25 JUILLET 2023

Le parcours d'un détenu

Les méandres du système carcéral canadien sont souvent difficiles à comprendre.

« Caution », « libération conditionnelle » et « peine à perpétuité » sont toutes des expressions qui font périodiquement les manchettes, mais sait-on vraiment ce que cela veut dire ? À quoi ressemble le parcours d’un détenu canadien, du délit jusqu’à la fin de la sentence ?

Le système carcéral expliqué en données.

Le crime

Prenons Alexandre, une personne fictive.
Il est accusé d’avoir utilisé une arme à feu pour voler un dépanneur.

En attendant son procès, il a droit à la libération sous caution. Il doit ainsi respecter certaines conditions, comme remettre son passeport, observer un couvre-feu ou ne pas contacter sa présumée victime.

Alexandre aurait pu être maintenu en détention si l’on craignait qu’il ne se présente pas à son procès, si l’on estimait qu’il pourrait représenter un danger pour la sécurité publique ou si sa libération sous caution risquait de nuire à la confiance du public envers le système de justice.

La sentence

Alexandre a été reconnu coupable. Il est condamné à six ans d’emprisonnement en pénitencier fédéral.

Si sa peine avait été de moins de deux ans, il aurait été envoyé dans un établissement provincial.

L’incarcération

Presque la moitié de ses codétenus sont là pour moins de cinq ans.

Environ le quart d’entre eux ont été condamnés à perpétuité ou pour une durée indéterminée.

Tout comme la majorité des délinquants sous responsabilité fédérale, Alexandre est un homme.

Il a commis une infraction violente, comme la majorité de ses pairs.

Il a 35 ans, ce qui est aussi l’âge médian des personnes détenues dans un pénitencier.

Les Autochtones et le système carcéral

Les traumatismes intergénérationnels causés par la colonisation et les pensionnats rendent de nombreux Autochtones plus vulnérables à certains problèmes sociaux, ce qui contribue à leur surreprésentation derrière les barreaux, affirment plusieurs intervenants.

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La détention

À l’arrivée d’Alexandre au Centre régional de réception, des criminologues évaluent sa dangerosité. Cela permet de déterminer s’il sera redirigé vers un pénitencier à niveau de sécurité minimal, moyen ou maximal.

À l’intérieur des murs, Alexandre participe à plusieurs programmes. Ceux-ci peuvent être des formations scolaires ou professionnelles, ou bien des ateliers spécialisés sur l’impulsivité, la violence, la toxicomanie, etc.

La liberté sous conditions

La liberté sous conditions permet aux détenus de passer du temps hors du pénitencier, sous surveillance, afin qu’ils se préparent à réintégrer la société.

Elle n’est pas offerte à tous, et ceux qui en bénéficient doivent respecter certaines conditions, par exemple ne pas troubler l’ordre public ou ne pas consommer d’alcool.

C’est la Commission des libérations conditionnelles du Canada qui décide qui peut sortir, et à quelles conditions.

Il existe plusieurs catégories de libérations, notamment la semi-liberté, la libération conditionnelle totale et la libération d’office.

La semi-liberté

Les personnes en semi-liberté doivent revenir chaque nuit dans une maison de transition et rendre compte de tous leurs déplacements à l’extérieur.

Le moment où un détenu peut faire une demande de semi-liberté varie selon la longueur de sa sentence, mais se situe habituellement à six mois avant le tiers de la peine.

Alexandre, qui a été condamné à une peine de six ans, pourra donc faire sa demande après un an et demi.

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La libération conditionnelle totale

Un délinquant peut demander la libération conditionnelle totale dès le tiers de sa peine ou après sept ans, selon la plus courte échéance.

Dans le cas d’Alexandre, c’est donc après deux ans.

S’il l’obtient, il peut vivre chez lui, mais il est quand même surveillé par un agent de libération conditionnelle et doit respecter des conditions.

196 : Nombre de Canadiens qui faisaient l’objet d’une ordonnance de maintien en incarcération en 2019-2020

Mais tous ceux qui la demandent n’ont pas les mêmes chances de l’obtenir.

La libération d’office

Disons maintenant qu’Alexandre n’a réussi à obtenir ni la semi-liberté ni la libération conditionnelle totale.

Il a automatiquement droit à la libération d’office aux deux tiers de sa peine, donc après quatre ans.

Là aussi, il peut se faire imposer de vivre dans une maison de transition.

Le maintien en incarcération

Par contre, si Alexandre fait partie des rares délinquants considérés comme trop dangereux, Service correctionnel Canada pourrait porter son cas devant la Commission des libérations conditionnelles et demander son maintien en incarcération jusqu’à la fin de sa peine.

La récidive

Il est hautement probable qu’Alexandre termine ses périodes de liberté sous conditions en ayant respecté les conditions qui lui ont été imposées et sans avoir commis un nouveau crime.

Il y a très peu de risques qu’Alexandre commette une infraction violente durant cette période.

La fin de la sentence

La perpétuité

Certains ne terminent jamais leur peine.

Au Canada, un condamné à perpétuité n’a pas le droit de demander la liberté sous condition avant un certain nombre d’années décidées par le juge. Cela peut aller jusqu’à un maximum de 25 ans.

Les commissaires peuvent toujours refuser sa demande, même après ces 25 ans.

Même s’il réussit à sortir du pénitencier, le délinquant sera surveillé toute sa vie par un agent de libération conditionnelle, qui aura le pouvoir de le renvoyer au pénitencier s’il ne respecte pas ses conditions.

2136 : Nombre de condamnés à perpétuité qui sont en liberté sous conditions

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Le retour à la vie normale

Les six ans que devait purger Alexandre sont écoulés. À 41 ans, il peut redevenir un citoyen ordinaire.

Mais l’avenir est incertain pour Alexandre. Un dossier criminel est un lourd stigmate à porter, et son incarcération peut lui avoir laissé des séquelles psychologiques.

Il n’existe pas de mesure nationale de la récidive, mais une étude de Service correctionnel Canada estimait en 2019 que 23 % des anciens détenus fédéraux récidivent dans les deux années suivant la fin de leur peine. Ce calcul comprend les délits mineurs qui ne mènent pas à la réincarcération.

Quant à savoir si Alexandre lui-même commettra un nouveau délit ou s’il réussira à rebâtir sa vie, nul ne le sait.

La suite de son histoire doit encore être écrite.