Impulsion nouvelle pour l’éolien québécois

La ruée vers l’éolien est bel et bien amorcée au Québec. À l’heure actuelle, les autorités environnementales n’évaluent pas moins de neuf projets de parcs d’éoliennes, qui pourraient produire jusqu’à 3200 mégawatts (MW) d’électricité au maximum de leur capacité. Mais attention, disent des experts, ils ne représentent pas la panacée.

Aux quatre coins du Québec, elles poussent comme des champignons, avec leurs mâts blancs et leurs pales colossales visibles à des kilomètres à la ronde ; la mode est à l’éolienne.

L’an dernier, huit projets de parcs éoliens ont obtenu le feu vert du ministère québécois de l’Environnement pour construire. Aucun ne s’est vu refuser son permis.

Ce n’est sans doute pas en 2023 que l’engouement pour cette industrie s’arrêtera. Hydro-Québec entend lancer en début d’année des appels d’offres pour combler pas moins de 4000 MW en énergie éolienne. C’est plus des deux tiers de la capacité installée du complexe hydroélectrique LG-2 — 5600 MW. C’est près de trois fois l’imposant barrage Manic-5.

Quant aux neuf projets de parcs éoliens en attente de permis du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, ils représentent un total maximal de près de 600 turbines, soit 30 % du total actuellement exploité et sous contrat avec Hydro au Québec.

Les promoteurs ont flairé l’occasion.

« Le Québec a eu une vague où il a payé cher ses kilowatts éoliens, mais là, les prix de l’éolien ont continué à baisser », soutient le président et chef de la direction de l’entreprise de développement énergétique Innergex énergie renouvelable, Michel Letellier. Cette année le coût de l’éolien pourrait se situer « aux alentours de 6 ¢ » le kilowatt, prédit-il, après un pic dans les environs de 10 ¢ le kilowatt au cours des dernières années.

L’entreprise Boralex s’active, elle aussi, pour contribuer à la production québécoise d’énergie éolienne. Ses projets « Des Neiges », dans Charlevoix, « Apuiat », sur la Côte-Nord, et « Bas-Saint-Laurent » pourraient constituer à terme une production de près de 2000 MW.

« Face aux changements climatiques, à la nouvelle demande des industries, qui veulent verdir leur production, et évidemment, avec l’approche du gouvernement actuel, qui veut aussi l’utiliser comme moteur de développement économique, il m’apparaît évident que nos besoins pour le futur sont importants », affirme le premier vice-président et directeur général pour l’Amérique du Nord de l’entreprise, Hugues Girardin.

Finis, les surplus

« Ç’a adonné aussi qu’on est passés d’une période de surplus à une période où on a besoin de beaucoup plus de mégawatts pour satisfaire notre demande interne », observe Michel Letellier.

Cette ère de surplus d’électricité dont l’homme d’affaires parle est loin derrière les Québécois. Avec des contrats d’exportations à l’étranger qui s’accumulent et des objectifs climatiques costauds, Hydro-Québec a vu fondre ses réserves comme neige au soleil. Dans son plan stratégique 2022-2026, la société d’État indique qu’à l’avenir, les « priorités ne seront […] plus de vendre de grandes quantités d’énergie, mais plutôt d’aider le Québec à mieux consommer ».

100 TWh
C’est la quantité d’énergie qu’Hydro-Québec estime devoir ajouter à son portefeuille énergétique pour remplir les cibles québécoises de carboneutralité, selon son plan stratégique 2022-2026.

Pour remplir les cibles québécoises de carboneutralité, Hydro estime devoir ajouter 100 térawattheures (TWh) d’énergie — soit la moitié de sa capacité actuelle — à son portefeuille énergétique. En décembre, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, évoquait même un chiffre de 150 TWh d’ici 2050.

Les promoteurs du milieu se disent prêts à entrer en scène. « Dans le contexte, oui, on parle de l’éolien, parce qu’il redevient de façon assez claire la façon de produire de l’énergie la moins chère présentement. Et la plus rapide à installer », constate Michel Letellier.

Développement à tout prix ?

Titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie et professeur à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau convient que « les choses s’alignent très bien pour l’éolien », mais il lève un drapeau jaune. À ses yeux, la logique de développement sur laquelle s’engage le Québec est un chemin glissant. L’atteinte des objectifs environnementaux du Québec réside aussi dans de meilleures pratiques d’efficacité énergétique.

« Si on ne fait pas d’efficacité énergétique, il y aura tellement d’éolien qu’il y aura un contrecoup : l’industrie aura mauvaise presse parce qu’il y aura de l’opposition. Là, on peut se trouver dans une situation où on va avoir de la difficulté à augmenter la capacité de production », indique celui qui participe aux travaux du Comité consultatif sur les changements climatiques du gouvernement du Québec.

Les initiatives d’efficacité énergétique existent bel et bien chez Hydro. La société d’État s’est donné l’objectif de retrancher 8,2 térawattheures à la consommation québécoise d’ici 2029. « [Mais] on pourrait aller chercher au moins 24 térawattheures. Moi, je pense plus. […] Je ne dis pas que c’est facile de l’atteindre, mais on pourrait l’atteindre si on s’y mettait. On retrousse nos manches, on met des exigences et on ne fait pas que faire miroiter des subventions, on leur dit : “Si vous ne faites pas certaines choses qu’on sait qu’on devrait faire, vous allez en subir les conséquences” », dit-il.

« On rentre dans une discussion sur le type de développement économique et social qu’on veut au Québec, ajoute le directeur des relations gouvernementales chez l’organisme Équiterre, Marc-André Viau. Veut-on recréer les problèmes de surexploitation des ressources qu’on a toujours connus dans notre mode de développement ? »

Le premier ministre François Legault et son ministre Fitzgibbon ne cachent pas leur jeu. Selon eux, le Québec doit ajouter rapidement des ressources électriques, d’abord pour combattre les changements climatiques, mais aussi pour attirer des investisseurs étrangers. Et en attendant les grands barrages évoqués en campagne électorale, l’éolien fait tourner des têtes.

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