Le koala, emblème australien en péril

Conséquence des feux de brousse, de l’étalement urbain et des maladies, le koala est aujourd’hui menacé de disparition. Mais des Australiens sont à pied d’oeuvre pour protéger le petit marsupial, symbole mondialement connu de l’écosystème unique du pays.

En septembre dernier, un bébé koala femelle a été trouvé orphelin en banlieue de Sydney. WIRES, qui porte secours à la faune sauvage en Australie, a été averti et une bénévole de l’organisme ayant suivi toutes les formations nécessaires a rapidement été dépêchée pour venir en aide à l’animal.

L’intervenante, Tracey Maguire, a accueilli le jeune koala chez elle, dans un enclos sécurisé et adapté à ses besoins, le temps qu’il grandisse et prenne des forces avant de pouvoir retourner vivre dans la nature. Elle a nommé cette femelle Sophie.

Depuis près d’une dizaine d’années, Tracey Maguire oeuvre auprès du réseau WIRES, qui vient en aide à une kyrielle d’espèces — des oiseaux, aux serpents, en passant par les opossums.

« Aucun pays ne devrait avoir une espèce en danger d’extinction », lance-t-elle. C’est pourtant le sort du koala, ce petit herbivore qui a été classé en février 2022 comme espèce « en danger » par le gouvernement de l’Australie dans le Territoire de la Capitale australienne, en Nouvelle-Galles du Sud et dans le Queensland.

Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Tendre moment pour Tracey Maguire, bénévole pour WIRES, nez à nez avec Sophie, le petit bébé koala de un an.

En seulement vingt ans, la population de koalas a fondu de moitié — passant de 185 000 individus en 2001 à 92 000 en 2021, selon le Comité scientifique pour les espèces menacées, une agence gouvernementale indépendante.

Un rescapé à la fois

Début mars, Tracey Maguire nous a donné rendez-vous à l’Avian Reptile and Exotic Pet Hospital, une clinique vétérinaire affiliée à l’Université de Sydney. « Aujourd’hui, on vient faire un bilan de santé pour vérifier si Sophie pourra être bientôt relâchée », explique-t-elle en soulevant la couverture qui recouvre la cage où se trouve la petite boule de poils, cachée sous les feuilles d’eucalyptus.

Comme les bébés koalas s’agrippent habituellement à leur mère, Tracey Maguire a donné une peluche à la petite Sophie pour qu’elle l’étreigne.

« Il vaut mieux leur donner une peluche qui leur ressemble. Non seulement cela va leur rappeler leur mère, mais c’est aussi préférable de ne pas leur donner un autre animal en peluche, comme un chien par exemple. Le koala pourrait se familiariser avec lui et ne plus en avoir peur », explique Tracey Maguire.

Tout au long de l’examen médical, Sophie, désormais âgée d’un an et pesant à peine 2,8 kilos, ne se sépare jamais de sa peluche. « C’est un animal en bonne forme. Je n’ai pas de crainte à ce que ce koala soit bientôt relâché dans la nature », souligne la vétérinaire Annabelle Olsson, tout en l’auscultant à l’aide de son stéthoscope.

Elle lui fait un prélèvement sanguin, procède à un test pour la chlamydia et lui insère sous la peau une micropuce de la taille « d’un grain de riz » avec un code d’identification, auquel sera associé l’ensemble de ses renseignements médicaux.

À lire aussi:

Le Devoir s’est rendu en Australie pour couvrir les enjeux environnementaux et énergétiques de ce pays qui partage plusieurs ressemblances avec le Canada. Suivez-nous dans la section Le Devoir en Australie.

Plusieurs menaces

La clinique vétérinaire où est suivie Sophie est située « dans une région entourée par une population de koalas, donc nous en traitons beaucoup ici », indique Annabelle Olsson.

« Dans les dernières années, les koalas ont été très affectés par une combinaison de facteurs, notamment par la perte ou la fragmentation de leur habitat. La fragmentation de leur milieu naturel est presque aussi dangereuse que leur destruction, parce que les koalas se déplacent pour manger. S’ils ne peuvent pas sauter d’arbre en arbre, ils descendent au sol. Il y a alors le risque qu’ils se fassent frapper par une voiture, ou attaquer par un chien », explique la vétérinaire. 

Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Des koalas en Australie, à l'île aux kangourous. Conséquence des feux de brousse, de l’étalement urbain et des maladies, l’espèce est aujourd’hui menacée de disparaître.

Lorsqu’un koala ou tout autre animal est victime d’un accident, il est alors très important de le signaler, explique quant à elle Tracey Maguire, même si celui-ci a déjà succombé à ses blessures. S’il s’agit d’un marsupial — comme dans le cas du koala ou du kangourou, une femelle accidentée pourrait avoir un bébé dans sa poche. « Il arrive que la mère décède de ses blessures, mais que son petit survive », explique-t-elle.

Et puis, une chose moins connue est que « l’excrément d’un koala défunt peut en sauver un autre », explique la bénévole de WIRES. « Les feuilles d’eucalyptus sont toxiques pour la plupart des animaux et des humains. Sauf pour les koalas, qui peuvent les ingérer sans crainte. Mais avant de pouvoir le faire, les bébés koalas doivent manger les excréments de leur mère. Ces matières fécales leur donnent les défenses naturelles pour éliminer les toxines des feuilles d’eucalyptus. » Ainsi, si on trouve un jeune koala orphelin, il faudra lui donner les excréments d’un adulte pour le sauver.

Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Koala au Kangaroo Island Wildlife Park. Le parc animalier de Kangaroo Island sauve et élève des animaux sauvages blessés et orphelins depuis de nombreuses années, après des accidents de voiture, des attaques de chiens et des conditions météorologiques extrêmes.

Autre tare qui menace l’espèce : la chlamydia, une infection transmise sexuellement (ITS) provoquée par la bactérie Chlamydia trachomatis, qui peut provoquer la cécité et des kystes douloureux dans l’appareil reproducteur de l’animal, ce qui peut aussi entraîner l’infertilité ou même la mort. Sophie, heureusement, n’est pas infectée. Et elle sera relâchée dans une zone où ses congénères ne le sont pas non plus.

« Tout le monde craque devant les koalas, parce qu’ils sont inoffensifs, velus et adorables », reconnaît Annabelle Olsson, elle-même attendrie par ces petites bêtes qu’elle appelle de temps à autre « teddys » ou nounours.

« Cela en fait de formidables ambassadeurs de la biodiversité. Car si on protège cette espèce unique, on préserve aussi tout l’environnement dans lequel elle vit, donc des centaines d’espèces fauniques ou florales qui s’y trouvent aussi », explique la vétérinaire.

Pour Tracey Maguire, les sauvetages comme celui de la petite Sophie sont un baume sur le coeur, qui l’aident à passer à travers « les jours plus difficiles ». Car toutes les missions de sauvetage n’ont pas un déroulement aussi heureux. « Ça nous pousse à continuer ce qu’on fait. »

Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.



À voir en vidéo