Un rapprochement stratégique entre le Canada et les Philippines

Pour le moment, la collaboration militaire entre Ottawa et Manille se limite à la formation de sous-mariniers philippins. En photo, des soldats philippins le 22 mars dernier lors du 126e anniversaire de la fondation de l'armée des Philippines.
Photo: Ted Aljibe Agence France-Presse Pour le moment, la collaboration militaire entre Ottawa et Manille se limite à la formation de sous-mariniers philippins. En photo, des soldats philippins le 22 mars dernier lors du 126e anniversaire de la fondation de l'armée des Philippines.

Marchant sur les traces des États-Unis, le Canada se prépare lui aussi à signer un protocole d’entente avec les Philippines en matière de défense, une amorce de collaboration entre les deux pays qui devrait être au programme de la visite officielle de la cheffe de la diplomatie canadienne, Mélanie Joly, à la fin de cette semaine à Manille.

Le Canada espère ainsi aligner sa politique étrangère sur celle de ses alliés dans cette région de l’Asie du Sud-Est en amorçant, entre autres, des « discussions sur sa participation accrue aux exercices militaires, sur la formation des soldats philippins et sur le renforcement des capacités militaires des Philippines », a indiqué au Devoir une source diplomatique canadienne.

L’entente pourrait être signée dans les prochaines semaines, en marge du sommet sur la défense « Shangri-La Dialogue », de l’International Institute for Strategic Studies (IISS), qui doit avoir lieu du 2 au 4 juin prochain à Singapour.

Le Canada n’a pas de relation profonde avec les Philippines en matière de défense ni d’accord de statut des forces à l’étranger permettant de stationner des soldats canadiens sur le sol philippin. Les deux pays ont interrompu les discussions passées en la matière en raison de désaccords sur la question des droits de la personne, entre autres.

Rappelons que sous le gouvernement du populiste Roberto Duterte, jusqu’en 2022, ces droits ont été largement bafoués, particulièrement dans le cadre de sa guerre ultrarépressive contre la drogue, qui a entraîné des centaines d’enlèvements, d’assassinats extrajudiciaires et d’arrestations illégales. Ottawa estime désormais que le climat aurait changé.

Dans son récent rapport sur les droits de la personne aux Philippines, le département d’État des États-Unis estime pourtant que ces violations persistent sous le nouveau gouvernement de Ferdinand Marcos Jr. « Le gouvernement [des Philippines] a enquêté sur des violations des droits de la personne signalées, notamment celles commises par ses forces armées et les forces paramilitaires, peut-on lire. Mais l’impunité de la police reste préoccupante » et les « exécutions extrajudiciaires par la police » se poursuivent, indique aussi le document.

Pour le moment, la collaboration militaire entre Ottawa et Manille se limite à la formation d’une poignée de sous-mariniers philippins, afin d’aider les Philippines à accroître leurs capacités techniques, institutionnelles et militaires nécessaires pour l’exploitation de sous-marins, a indiqué la source diplomatique.

En octobre dernier, le ministère de la Défense des Philippines a indiqué toutefois qu’il avait mis de côté son programme d’acquisitions de sous-marin, jugeant qu’il n’était plus une priorité dans la modernisation en cours de ses armées.

Dans le cadre de sa stratégie indopacifique dévoilée en novembre 2022, le Canada prévoit d’augmenter dans les prochaines années sa présence navale et militaire dans cette région du globe, y compris dans la mer de Chine méridionale et la mer des Philippines occidentales, et ce, afin d’« atténuer les comportements coercitifs et les menaces à la sécurité régionale ».

Le document décrit la Chine comme « une puissance mondiale de plus en plus perturbatrice » qui « ignore » les règles et normes internationales. Ottawa dit vouloir « travailler avec ses partenaires pour repousser toute action unilatérale » qui menace le statu quo dans le détroit de Taïwan et dans les mers de Chine orientale et méridionale.

Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.



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