Chic rustique dans les Chic-Chocs

Nathalie Schneider
Collaboration spéciale
À partir des trois terrasses extérieures et des hautes baies vitrées de la salle commune, une mer de montagnes s’étend aussi loin que porte le regard.
Photo: Nathalie Schneider À partir des trois terrasses extérieures et des hautes baies vitrées de la salle commune, une mer de montagnes s’étend aussi loin que porte le regard.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

L’Auberge de montagne des Chic-Chocs est l’avant-poste idéal pour s’immerger dans les envoûtantes montagnes de la Haute-Gaspésie. Et pour fraterniser avec de parfaits inconnus.

« Une barrière infranchissable » : c’est ainsi que les membres de la nation micmaque définissaient la chaîne des Chic-Chocs, la plus imposante du Québec après les monts Torngat, dont l’origine remonte à près de 500 millions d’années. Grandiose et intimiste, ce territoire montagneux, où est notamment enclavée la réserve faunique Matane, fait partie de la chaîne des Appalaches, 3000 kilomètres qui se déploient, dans la province, entre Gaspésie et Cantons-de-l’Est. L’admirer depuis le parc national de la Gaspésie est un pur bonheur ; dans le périmètre de l’Auberge de montagne des Chic-Chocs, perchée à une altitude de 615 mètres au coeur de la réserve faunique, c’est un privilège exceptionnel.

Un balcon sur les montagnes

« L’Auberge de montagne est un mélange de refuge à l’européenne et de lodge nord-américain, avec une architecture inspirée des chalets de l’Ouest canadien », m’explique son directeur, Guy Laroche, tandis que nous cheminons en navette depuis Sainte-Anne-des-Monts. Se rendre jusqu’à cet imposant chalet de 18 chambres tout confort, et ses 60 km2 de territoire voué à la randonnée — dont plusieurs sommets qui coiffent les 1000 mètres — donne la pleine mesure de l’aventure qui attend les visiteurs. Altitude oblige, le climat y est résolument nordique. Depuis ses trois terrasses extérieures et les hautes baies vitrées de la salle commune, une mer de montagnes s’étend aussi loin que porte le regard. Devant : les flancs boisés du Garrot à l’ombre du mont Coleman, dont on grimpe les 600 mètres de dénivelé, ne serait-ce que pour admirer ses lacs alpins. À l’ouest, le sommet du Nicol-Albert, l’un des plus exigeants du Québec, qu’on gagne au prix d’un effort soutenu. Se révèlent la crête des monts Matawees, Fortin et Collins, et le fleuve Saint-Laurent tout au loin, qu’on aperçoit par beau temps. Sur la plateforme panoramique Button de l’Est dénudé, on apercevra à travers nos jumelles, dès notre arrivée, une femelle orignal et son veau. Droit devant se profile la vallée du Bascon alimentée par la spectaculaire chute Hélène, l’une des plus hautes du Québec avec ses 70 mètres de hauteur, et sa petite soeur : la chute à Clovis. On les rejoint par un tronçon du Sentier international des Appalaches (SIA), le tout premier sentier de grande randonnée du Canada (GR), homologué par la Fédération française de la randonnée pédestre en 2018, qui démarre au parc national Forillon.

Photo: Nathalie Schneider Le canyon Mem, constitué d’une succession de cascades et de bassins d’eau encaissés

Exploration en hors-piste…

Direction le canyon Mem, à environ 3 kilomètres de l’Auberge, où se niche un trésor géologique constitué d’une succession de cascades et de bassins d’eau cristalline encaissés. En quatre heures environ, on emprunte un étroit sentier bordé de hautes fougères avant de longer le lit du ruisseau Bascon au coeur d’une plantation de bouleaux jaunes matures. Comme beaucoup d’autres sentiers non officiels, celui-ci a été tracé par le passage répété d’orignaux, puis découvert par des guides en exploration sur le territoire. Comme Dereck Blouin-Perry,guide en chef à l’Auberge depuis six ans : « Pour ce type de sentier en hors-piste, il faut absolument être guidé, m’explique le jeune passionné, qui sautille allègrement de rocher en rocher au-dessus de l’eau en “mode félin”. L’idée, c’est d’exploiter ce territoire sans le transformer. » Les sentiers officiels bien balisés peuvent être empruntés en autonomie, sous réserve de s’inscrire avant le départ et de porter sur soi un walkie-talkie relié à l’Auberge.On est assuré de ne rencontrer personne dans ce territoire sauvage accessible seulement aux résidents de l’Auberge. Avec un peu de chance, on apercevra un orignal (on en compte trois par 4 km2) étendu sur les fougères pour trouver un peu de fraîcheur en pleine chaleur.

Photo: Nathalie Schneider Un étroit sentier bordé de hautes fougères avant de longer le lit du ruisseau Bascon

… et en sentier balisé

Une vingtaine de circuits balisés de tous niveaux — y compris extrême, en ce qui concerne le mont Logan — sont accessibles en été. Comme la boucle du mont 780 (ou mont Jean-Yves Bérubé) et l’Épaule (8,3 km) qu’on effectue en quatre heures depuis l’Auberge. Le sentier se faufile et monte graduellement entre les hautes fougères dans une brume matinale qui, ce jour-là, donne au paysage une atmosphère magique. Les points de vue se succèdent tout au long de la randonnée, notamment sur les monts Nicol-Albert et Coleman, ainsi que dans la vallée de la rivière Cap-Chat en contrebas. Le sentier débouche sur le refuge Polatouche, d’où l’on aperçoit le mont du Frère-de-Nicol-Albert avant de revenir au point de départ. Chaque repas pris dans la salle commune, le soir venu, donne aux résidents de l’Auberge des occasions multipliées de rencontres et d’échanges sur leurs expériences vécues ou à venir. Un nouvel arrivant débarque à l’Auberge et apporte les dernières nouvelles du monde, notamment sur les incendies qui embrasent le nord du Québec. Le temps de quelques jours passés sans téléphone ni connexion Internet, cernés par ces imposantes montagnes, on finit par former une petite communauté tissée par le sentiment collectif d’être bigrement privilégiés.

Infos pratiques

Le départ pour l’Auberge de montagne des Chic-Chocs se fait par navette à partir de Sainte-Anne-des-Monts. Le séjour de deux à sept nuitées comprend le déplacement, tous les repas, le service de guides, le prêt d’équipement et l’accès au spa. Tarif : 267,50 $ par jour et par personne.

Des monts à protéger

Dans le cadre des réserves de territoire aux fins d’aires protégées (RTFAP) annoncées à la fin 2020 par le gouvernement du Québec, une section des monts Chic-Chocs est mise à l’abri des coupes forestières qui nuisent à l’intégrité écologique du territoire. L’exploitation forestière qui perdure dans la réserve faunique de Matane nuit notamment à l’habitat du caribou montagnard, de la grive de Bicknell et de l’aigle royal, désignés comme espèces vulnérables. Dès 2007, le Comité de protection des monts Chic-Chocs s’est mobilisé pour que soit protégée la partie occidentale des monts Chic-Chocs, notamment les montagnes élevées à plus de 600 mètres. Finalement, après consultation publique régionale, le gouvernement a annoncé la mise en réserve d’un territoire de 203 km2, juxtaposé à la réserve écologique Fernald et au parc national de la Gaspésie. « Nous sommes contents de cette avancée, mais aussi déçus de voir qu’il y a une partie du territoire qui ne serait pas protégée, dit Margaret Kraenzel, co-porte-parole du comité et guide à l’Auberge de montagne des Chic-Chocs. À nos yeux, la durabilité du territoire ne sera pas garantie, car la coupe de bois demeure soutenue dans la réserve faunique. Nous avons le devoir de léguer à nos enfants ce patrimoine de biodiversité exceptionnel. » À l’automne, une autre consultation régionale devrait être menée pour fixer un nouveau périmètre de protection.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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