Un rebond de l’inflation en trompe-l’œil

Statistique Canada impute surtout la hausse de l’indice des prix à la consommation à un effet de glissement annuel lié aux prix de l’essence.
Paul Chiasson La Presse canadienne Statistique Canada impute surtout la hausse de l’indice des prix à la consommation à un effet de glissement annuel lié aux prix de l’essence.

L’inflation est repassée au-dessus de la limite supérieure de 3 % de la Banque du Canada le mois dernier. Le tout sous le coup de phénomènes conjoncturels, mais aussi de hausses de prix dans les secteurs de l’alimentation et du logement, qui restent fortes.

L’indice des prix à la consommation (IPC) est reparti à la hausse en juillet au Canada, passant d’une augmentation sur 12 mois de 2,8 % en juin à 3,3 % le mois dernier, a rapporté mardi Statistique Canada.

Ce rebond est moins attribuable à un sursaut des prix qu’au changement de la période à laquelle on se compare désormais, les prix de l’essence ayant fortement reculé de juin à juillet 2022 (-9,2 %), a expliqué l’agence fédérale.

Si l’on exclut les prix de l’énergie, la croissance de l’IPC a plutôt poursuivi son lent ralentissement entrepris au début de l’automne dernier, passant graduellement de 6,3 % en septembre à 5,8 % au début de l’année, puis à 4,6 % en mai, à 4,4 % en juin et, finalement, à 4,2 % en juillet.

Outre l’effet de composition de la période étudiée, le principal facteur responsable de la hausse du coût de la vie a été « la progression d’une année à l’autre sans précédent » des intérêts hypothécaires (+31 %). Ce phénomène est la conséquence directe de la forte augmentation des taux d’intérêt de la Banque du Canada depuis un peu plus d’un an dans le but, paradoxalement, de mettre l’inflation au pas et de la ramener à l’intérieur d’une fourchette cible allant de 1 % à 3 %. Si l’on exclut le coût de l’intérêt hypothécaire, l’IPC d’ensemble aurait ainsi augmenté de 2,4 % en un an le mois dernier.




 

La croissance des prix n’en est pas moins restée relativement généralisée le mois dernier, souligne Statistique Canada. L’un des facteurs qui continuent de peser lourdement dans la balance est celui des prix dans les épiceries. Leur hausse sur 12 mois a malgré tout ralenti, de 9,1 % en juin à 8,5 % le mois dernier, à la faveur notamment d’une décélération du côté des fruits frais (de 10,4 % à 4,1 %) et, dans une moindre mesure, des produits de boulangerie (de 12,9 % à 9,8 %).

Signe d’un certain retour à la normale après les bouleversements provoqués par la pandémie de COVID-19 et les règles sanitaires, les prix des services de voyage ont affiché une hausse annuelle modérée en juillet (+4,2 % pour l’hébergement des voyageurs), voire des reculs (-12,7 % pour les tarifs aériens et -1,2 % pour les voyages organisés).




 

Comme depuis le début de l’année, la croissance de l’IPC sur 12 mois est restée légèrement plus forte au Québec (3,9 %) qu’au Canada dans son ensemble (3,3 %) ou que dans n’importe quelle autre province, comme l’Ontario (3,2 %) ou la Colombie-Britannique (3 %). Cela reflète notamment une hausse en un an du coût des aliments achetés en magasin plus élevée au Québec (10,1 %) qu’à l’échelle canadienne (8,5 %).

Largement à l’intérieur de la fourchette cible de 1 % à 3 % jusqu’à la pandémie, les prix ont traversé ensuite une période de turbulence, avant de s’emballer. Le mois dernier, le prix de l’ensemble des quelque 700 produits et services qui entrent dans l’IPC avait ainsi augmenté d’un peu plus de 22 % depuis janvier 2017. La hausse est nettement plus élevée à l’épicerie (29 %) ou pour les nouveaux propriétaires de logement (29 %).

Que fera la Banque du Canada ?

Le rebond de l’inflation le mois dernier a été plus marqué que ce à quoi s’attendaient les analystes, ont-ils admis mardi. Reste maintenant à savoir si cela convaincra la Banque du Canada — qui a encore relevé ses taux d’intérêt en juin et en juillet — de récidiver le mois prochain pour plomber encore un peu plus l’activité économique.

Il y a ceux, comme l’économiste de la Banque Royale Claire Fan, qui le croient. « La Banque du Canada a indiqué en juillet qu’elle s’adapterait aux données économiques, et les données donnent à penser qu’on n’en a pas encore assez fait. »

Il y en a d’autres, comme l’économiste au Mouvement Desjardins Randall Bartlett, qui arrivent à une conclusion différente. Le PIB réel, l’emploi, le commerce international ainsi que les tendances plus récentes de l’inflation « laissent tous présager que le ralentissement de l’économie tant attendu serait enfin en train de se matérialiser ».



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