Le TIFF ensorcelé par la magie Miyazaki

Une scène du film «The Boy and the Heron» d’Hayao Miyazaki, présenté en ouverture du TIFF
TIFF Une scène du film «The Boy and the Heron» d’Hayao Miyazaki, présenté en ouverture du TIFF

Le Festival international du film de Toronto (TIFF) bat son plein depuis jeudi, entre canicule tardive, pluie et temps frais. Qu’à cela ne tienne, dans les salles obscures, on n’a pas à se soucier du temps qu’il fait. En attendant le début des projections de presse quotidiennes, plusieurs représentants de la faune journalistique continuent de se désoler du peu de vedettes américaines.

Pourtant, la programmation est alléchante. Présenté en première nord-américaine en ouverture, The Boy and the Heron (Le garçon et le héron lorsqu’il prendra l’affiche au Québec), du grand Hayao Miyazaki, a fait courir les foules. Il s’agit d’une oeuvre forte, qui évoque maints films antérieurs du maître de l’animation, ainsi que sa propre enfance.

Sorti au Japon sans aucune campagne publicitaire, sinon une affiche, The Boy and the Heron a amassé là-bas l’équivalent de plus de 70 millions de dollars canadiens. Un box-office imputable au seul nom de Miyazaki, dont les précédents Princesse Mononoké et Le voyage de Chihiro battirent des records.

Telle une version nippone de Dominique Michel, Hayao Miyazaki avait juré il y a dix ans que Le vent se lève, une biographie animée de l’ingénieur en aéronautique Jiro Horikoshi, serait son chant du cygne. Or, il avait déjà annoncé sa retraite auparavant…

Le voici qui effectue, dans ce qui se veut son ultime film, une dernière fois le tour de son jardin cinématographique. En cela qu’à chaque détour, The Boy and the Heron ramène en mémoire tel passage ou tel personnage d’un film précédent.

Ode à la mère

Comme dans la majorité de ses films, Miyazaki place son récit à hauteur d’enfant. Lui qui a créé une kyrielle d’héroïnes opte cette fois pour un petit garçon : Mahito, 12 ans. Et comme le petit garçon que le cinéaste fut lui-même, Mahito doit fuir la guerre. À cette épreuve s’ajoute un deuil terrible. En effet, Mahito vient de perdre sa mère, de qui il était très proche. Voici donc Mahito installé à la campagne chez Natsuko, la soeur de la défunte qu’a épousée le père du gamin (le directeur d’une usine d’avions, comme le père de Miyazaki).

La propriété abrite également tout un groupe de vieilles dames, qui ne sont pas sans rappeler celle de Ponyo sur la falaise.

 

Comme les petites filles de Mon voisin Totoro, Mahito fait là-bas la connaissance d’une créature enchantée (en l’occurrence un héron parlant) par l’entremise de laquelle il découvrira l’existence d’un monde parallèle. Déjà dans Mon voisin Totoro, le personnage de la mère hospitalisée dans un sanatorium faisait écho à la longue maladie de la mère de Miyazaki, une femme brillante et anticonformiste dont on trouve trace dans tous ses personnages féminins ou presque.

Dans ledit monde parallèle, Mahito ira de frayeur en émerveillement. Cet univers s’avère typiquement foisonnant et coloré : une splendeur. On songe, de-ci de-là, à la facture particulièrement luxuriante du film Le château ambulant. D’ailleurs, comme dans ce film, il est possible pour les personnages d’emprunter, par l’entremise d’un seul lieu, divers portails menant chacun à un endroit distinct.

Un peu comme Le magicien d’Oz, l’endroit est gouverné par un magicien, mais doté de vrais pouvoirs celui-là.

Farouchement antimilitariste

 

À certains égards, The Boy and the Heron est une antithèse du Voyage de Chihiro. De fait, dans le chef-d’oeuvre de 2001, la jeune protagoniste se retrouve coincée malgré elle dans un royaume magique et ne pense qu’à en sortir pour retrouver ses parents. À l’inverse, Mahito pénètre de plein gré en un lieu similaire dans l’espoir, lui, d’y secourir sa mère.

Ce que Miyazaki fait de cette quête se révèle aussi surprenant qu’émouvant.

Farouchement antimilitariste, l’auteur a souvent placé ses jeunes héros et héroïnes en plein milieu d’affrontements. Chaque fois, les machines de guerre ou le simple instinct destructeur sont l’apanage des antagonistes, des méchants : Le château dans le ciel en constitue un excellent exemple.

Dans The Boy and the Heron, il n’en va pas autrement. Dans le monde imaginaire, le cinéaste dépeint un conflit qui fait écho à celui qui sévit dans le monde réel. Faisant preuve de courage et de sagesse, Mahito représente, en définitive, l’espoir du genre humain. Comme tous les autres enfants venus avant lui chez Miyazaki.

Le cinéaste en a-t-il bel et bien terminé avec le cinéma d’animation ? The Boy and the Heron donne certainement l’impression qu’une boucle professionnelle et personnelle a été bouclée. Mais bon, à 82 ans, Hayao Miyazaki a peut-être un dernier Bye bye, pardon, film d’animation en lui. Bref, il a encore le temps de changer d’idée. On peut en tout cas toujours rêver.

La date de sortie au Québec du film The Boy and the Heron (Le garçon et le héron) n’est pas encore connue. 

François Lévesque est à Toronto grâce au soutien de Téléfilm Canada.

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