La CDPQ expose une partie de sa collection d’art

Une sélection d’oeuvres de Valérie Blass, de Patrick Coutu, d’Ulysse Comtois et de Marie-Claude Bouthillier de la collection de la CDPQ, regroupées sur le parquet de l’édifice Jacques-Parizeau, à Montréal
Photo: Stéphane Baillargeon Le Devoir Une sélection d’oeuvres de Valérie Blass, de Patrick Coutu, d’Ulysse Comtois et de Marie-Claude Bouthillier de la collection de la CDPQ, regroupées sur le parquet de l’édifice Jacques-Parizeau, à Montréal

Le quartier général de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) est sans aucun doute un des plus magnifiques immeubles du tournant du millénaire construits à Montréal. En ce moment, cet écrin exceptionnel conçu par Gauthier Daoust Lestage + FABG expose au public une sélection de la collection d’oeuvres d’art constituée depuis une vingtaine d’années précisément pour agrémenter les bureaux des employés.

« En toute honnêteté, c’est l’immeuble qui a appelé la création de la collection », explique Marie-Justine Snider, première conservatrice des collections d’art de la CDPQ, en poste depuis 2004, soit deux ans après l’inauguration de l’immeuble. « L’édifice était spectaculaire et vite la question s’est posée : on met quoi sur les murs ? L’architecte Renée Daoust avait interrogé la Caisse et mentionné que Loto-Québec avait une collection. L’idée s’est vite structurée avec, en plus, l’objectif comme bon citoyen corporatif de contribuer au patrimoine national. »

Le trésor accumulé compte à ce jour 379 pièces achetées en galeries. Les acquisitions se font maintenant au rythme d’une vingtaine par année, sans tabou de médium ou de genre, sauf pour les oeuvres éphémères, par la force des choses impossibles à conserver. Certains artistes sont représentés plus d’une fois : Pierre Dorion, par exemple, y est inclus trois fois.

En toute honnêteté, c’est l’immeuble qui a appelé la création de la collection. L’édifice était spectaculaire et vite la question s’est posée : on met quoi sur les murs ?

Le parquet de l’édifice Jacques-Parizeau (ainsi rebaptisé en 2016) expose moins de 5 % de l’ensemble depuis jeudi. La présentation commence par une toile de Sylvie Bouchard et se poursuit avec des travaux de Serge Tousignant, Michael Snow, Charles Gagnon (une des dernières acquisitions), Andréanne Godin (une commande), Marcel Marois (une haute-lisse qui vaut à elle seule le déplacement), des sculptures d’Ulysse Comtois, de Patrick Coutu, de Valérie Blass, etc.

Investissement,mais pas spéculation

 

L’ensemble est en train d’être évalué financièrement, mais le but de la CDPQ n’est pas de spéculer sur l’art comme le font beaucoup de grandes fortunes. En France, la Collection Pinault compte plus de 10 000 articles. Celle de la Deutsche Bank, commencée en 1979, rassemble des dizaines de milliers d’oeuvres exposées dans plus de 500 lieux.

L’échantillon montréalais permet de saisir la qualité exceptionnelle des acquisitions réalisées par un comité d’employés aidé de deux professionnels, la professeure Marie-Ève Charron (ex-critique du Devoir) et Mme Snider.

Photo: Stéphane Baillargeon Le Devoir Marie-Justine Snider, première conservatrice des collections d’art de la CDPQ, et Kate Monfette, conseillère principale des relations médias de la Caisse

« Dès qu’un artiste est établi, on essaie d’avoir une de ses créations, explique la conservatrice. J’écris un dossier sur les propositions d’acquisition, mais je n’ai pas le droit de vote. Je dirais que les employés dépassent le maître. Ce sont des gens brillants et extrêmement investis dans ce travail. Marie-Ève Charron dit que les membres posent des questions du niveau des étudiants au doctorat en histoire de l’art. »

La Caisse se présente comme « un groupe mondial d’investissement » avec environ 425 milliards d’actifs et des bureaux dans une dizaine de pays. Sa filiale immobilière Ivanhoé Cambridge s’associe également à des partenaires dans le monde entier.

La collection d’art de la CDPQ contraste avec cette mondialisation  des activités en se concentrant uniquement sur l’acquisition d’oeuvres contemporaines et actuelles créées au Québec depuis la publication du manifeste Refus global en 1948.

La galerie temporaire se visite gratuitement. Par contre, les étages du QG ne sont pas accessibles au public. Normalement, la sélection du parquet serait accrochée là, dans les corridors, les salles de réunion et les bureaux, pour agrémenter la vie des employés, d’ailleurs de plus en plus jeunes et ouverts à l’art actuel. Une petite réserve accueille quelques supports plus fragiles à la lumière qui ne peuvent être exposés en permanence.

La place des Aiguilleurs

 

La visite accompagnée de quelques étages a permis de découvrir des réalisations allant au-delà des traditionnels encadrés pour murs. Un espace vidéo propose en ce moment une projection de Sabrina Ratté. Une oeuvre sur table de Marilou Lemmens et Richard Ibghy aligne de petites sculptures fragiles inspirées des diagrammes en bâtons ou en pointes de tarte, un clin d’oeil aux dossiers des employés environnants.

Une sorte de grand rideau fait de lanières verticales reproduit un paysage sur la toile d’un ancien panneau-réclame pour iPhone. Cette réalisation de Kelly Jazvac acquise récemment est installée sur une passerelle surplombant le parquet. Les déplacements d’air produits par les passants l’agitent subtilement et la transforment en ouvrage cinétique.

« C’est un grand honneur de faire partie de cette collection avec des artistes que j’admire beaucoup, dit Mme Jazvac, qui est aussi professeure d’art à l’Université Concordia. L’intégration est très bien choisie à cette hauteur, à cet endroit, dans cet immeuble incroyable. »

Photo: Stéphane Baillargeon Le Devoir Parmi les quatre oeuvres éphémères sur la place des Aiguilleurs, on trouve l’oeuvre « stand:by », réalisée à partir de matériaux en fin de vie qui ont été récupérés, par l’équipe Ferrovipathes, composée de Fiza, Josée Brouillard, Liliana Kovač, Patrizio Patrizio et Riesbri.

Durant l’été, la professeure a codirigé (avec ses collègues Juan Ortiz-Apuy et Yann Pocreau) la première édition du programme d’art temporaire soutenu par la CDPQ. Une classe d’étudiants a pu ainsi se familiariser avec les contraintes de l’intégration d’oeuvres à l’architecture en travaillant sur des projets liés au nouveau Réseau express métropolitain (REM) de CDPQ Infra.

Les travaux réalisés par quatre équipes sont exposés jusqu’en octobre sur la place des Aiguilleurs, à Montréal. La visite de cette petite exposition se conjugue facilement avec un passage à l’édifice Jacques-Parizeau.

« Nous leur avons demandé de créer avec le souci de s’inscrire dans l’histoire et la réalité physique d’un site, mais aussi pour encourager la réflexion du public de manière ouverte et généreuse, explique Kelly Jazvac. On ne voulait pas de sculpture déchargée sur le site sans égard pour le lieu ou ses usagers. » En anglais, elle emploie le mot « plop », qui évoque l’idée de « garrocher » ou de lancer brutalement un objet.

La professeure appuie sur le souci des apprentis artistes pour les considérations environnementales, un ancrage très fort de ses propres démarches artistiques. « J’enseigne depuis 16 ans, et depuis 5 ans, je sens que l’urgence de la crise climatique s’impose de plus en plus comme souci central des étudiants, qui demandent des programmes d’enseignement reflétant cette préoccupation. Les projets soumis dans le cours cet été rappellent l’importance de cet engagement, par exemple par l’utilisation de matériaux récupérés ou naturels. »

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