« Il ne faut pas que la transition verte se fasse sur le dos des travailleurs »

Caroline Chatelard
Collaboration spéciale
Une vue des feux autour de Sept-Îles, le 4 juin 2023. L’été a marqué au fer rouge le Canada et rappelé à tous les esprits la menace climatique qui plane sur la planète.
Photo: Compte X (Twitter) de Kateri Champagne Jourdain Une vue des feux autour de Sept-Îles, le 4 juin 2023. L’été a marqué au fer rouge le Canada et rappelé à tous les esprits la menace climatique qui plane sur la planète.

Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme

La FTQ sera présente en force à la COP 28 pour murmurer à l’oreille des puissants et défendre les chevilles ouvrières du Canada.

Sécheresses, incendies, tornades… Cet été a marqué au fer rouge le Canada et rappelé à tous les esprits l’urgence climatique qui menace la planète. Une raison d’autant plus forte d’espérer le maximum d’engagements lors de la COP 28, qui se déroulera à la fin de l’année aux Émirats arabes unis.

À la tête de ce sommet de l’écologie : le p.-d.g. de la compagnie pétrolière nationale émiratie, Sultan Ahmed al-Jaber. Une nomination qui fait rire jaune Denis Bolduc, secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ). Selon lui, « ce n’est pas le pays idéal pour parler de changements climatiques. Un producteur de pétrole, le 1septième au monde. Un des plus importants pays pollueurs de la planète accueillera la COP 28 ».

Malgré cela, le secrétaire général de la FTQ s’envolera pour le Moyen-Orient en novembre afin de défendre, une fois encore, les droits des mains laborieuses.

« À la FTQ, on n’est pas adeptes de la chaise vide. Mais on a cosigné une lettre qu’on a envoyée au secrétaire général des Nations unies, António Guterrez, pour dénoncer le fait qu’un ministre du gouvernement des Émirats arabes unis préside la COP 28 et, en même temps, est président-directeur général de la Compagnie pétrolière nationale d’Abou Dhabi, indique-t-il. Ça menace la légitimité et l’efficacité de la COP 28. Mais nous irons là-bas quoi qu’il en soit, car c’est vraiment important. On a eu des épisodes de verglas l’hiver passé, il y a eu des pannes d’électricité, des inondations, des feux de forêt. Les événements extrêmes se multiplient, alors on veut donner un signal fort. Pour la FTQ, c’est important d’embrasser cette cause-là. »

Pour une transition écologique juste

Cette cause, justement, pour un syndicat de travailleurs, comment la défendre ? Tout simplement en profitant de la concentration extrême des parties intéressées.

« Nous, on veut rencontrer tout ce qu’il y aura de politique, du Québec et du Canada, présent. Vous savez, nous faisons des interventions pour sensibiliser aux changements climatiques toute l’année, mais on dirait que là-bas il y a une meilleure écoute », note M. Bolduc. Et le syndicat met toutes les chances de son côté pour murmurer à l’oreille des puissants, notamment avec un spécialiste en environnement qui participera aux discussions, un atout rare pour un syndicat.

Car le défi est grand pour la FTQ, qui veut s’assurer d’une « transition [écologique] juste ». Ce que cela signifie, c’est qu’il n’y a pas que la nature qui doit être protégée dans cette transition énergétique, comme l’explique le syndicaliste : « Les changements climatiques amènent forcément des changements dans l’économie, ici au Québec, au Canada, partout dans le monde. Dans ces processus de changement, on veut s’assurer qu’il y aura des mécanismes mis en place pour accompagner les travailleurs et les travailleuses dans cette transition vers une économie plus verte. Ça veut dire que si des emplois doivent être créés pour la filière verte, comment requalifie-t-on des travailleurs ? Quelle formation doit-on leur donner pour qu’ils puissent occuper ces emplois-là ? »

Mieux se soucier des travailleurs

En effet, l’un des dossiers majeurs qui préoccupent le syndicat est celui des personnes travaillant présentement dans le secteur des hydrocarbures et qui vont devoir, après l’abandon des énergies fossiles dans un avenir plus ou moins proche, se réorienter pour ne pas se retrouver au chômage. « Il ne faut pas que la transition verte se fasse sur le dos des travailleurs et des travailleuses, martèle le secrétaire général, mais avec les travailleurs et les travailleuses. »

Hydrocarbures, plastiques, etc., M. Bolduc explique que nombre d’entreprises pourraient ne pas survivre aux bouleversements d’une économie verte, ainsi que les emplois qui en dépendent. Et que tout, ou presque, reste à faire pour se préparer à ça.

« Pour l’instant, le volet de la transition juste n’occupe pas une grande place dans la réflexion des gouvernements, tant provinciaux que fédéral. On s’occupe beaucoup des entreprises, on les écoute, on regarde comment on peut créer ou soutenir la création de nouvelles entreprises, mais on se préoccupe peu des travailleurs et travailleuses », souligne Denis Bolduc, qui regrette de n’avoir pas vu beaucoup de mesures pour les accompagner jusqu’à maintenant.

Là se situe la principale critique qu’il adresserait au gouvernement : de ne pas s’occuper assez des travailleurs.

« Car, au-delà d’investir dans des entreprises et de créer des emplois, il y a des gens qui vont être affectés par les changements climatiques et qui vont perdre leur emploi ou qui vont voir leur emploi remodelé, et il faut aussi s’occuper de ces gens-là », clame-t-il.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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