De la crise du logement à celle des retraites

Bien sûr qu’il y a une crise du logement au Québec, et le Fonds de solidarité FTQ entend participer à l’atténuer, assure sa présidente. Mais il y a aussi une crise de la retraite qui s’annonce tout aussi grave et à laquelle il faudra s’attaquer.

Près de 40 % des retraités touchent le Supplément de revenu garanti, destiné aux personnes à faible revenu au Québec. C’est l’une des proportions les plus élevées au Canada et le signe qu’un sérieux coup de barre est nécessaire, notamment en matière d’épargne-retraite, et ce, au moment même où le coût de la vie ne cesse d’augmenter et qu’il est encore plus difficile d’épargner.

« Il y a une crise de la retraite qui nous pend au bout du nez. On crée au Québec les retraités parmi les plus pauvres au Canada, a déclaré en entretien téléphonique au Devoir vendredi la présidente et cheffe de la direction du Fonds, Janie Béïque. On parle beaucoup de la crise du logement, mais celle de la retraite […], c’est aussi quelque chose qui nous guette. »

Ses premières victimes sont « tous ceux qui ont de la misère à joindre les deux bouts », dit-elle, mais aussi les travailleurs qui n’ont pas accès à des régimes privés de pension. « Même là, ce n’est pas une garantie. Ce n’est pas tous les régimes de pension qui sont bien structurés et généreux. »

Pour contribuer à changer les choses, le Fonds s’est fixé comme objectif d’aller chercher, en cinq ans, 100 000 nouveaux actionnaires­­-épargnants dont le salaire annuel est inférieur à la moyenne au Québec, d’un peu moins de 56 000 $, ou qui n’ont aucune autre solution d’épargne-retraite. Après un an, il en a déjà convaincu un peu plus de 23 000.

Il suffit souvent que les travailleurs participent à l’une des activités de sensibilisation et de formation du réseau de responsables locaux du Fonds pour que le quart d’entre eux soient convaincus d’y faire une première cotisation, fait valoir Janie Béïque. Prélevées automatiquement sur le salaire, les cotisations sont parfois « de 15 $ ou 20 $ par paye ». Cette première étape est importante parce qu’elle marque souvent un premier pas sur la voie de l’épargne-retraite qui sera suivi par d’autres, au Fonds ou ailleurs.

Dans son dernier budget, le gouvernement du Québec a reconduit le crédit d’impôt supplémentaire de 15 % relatif aux cotisations aux fonds de travailleurs (en plus d’un autre 15 % au fédéral) tout en le réservant aux contribuables dont le revenu imposable est inférieur à 112 000 $. Le Fonds s’attend maintenant à ce qu’on lui permette de rétablir la possibilité de cotisations forfaitaires.

Faire plus pour le logement

Premier investisseur privé en matière de logements sociaux, le Fonds s’est vu confier, l’année dernière, par le gouvernement du Québec, la mission de rendre disponibles 1000 nouveaux logements abordables et sociaux en trois ans. On constatait déjà en avril que l’objectif devrait être largement surpassé, avec 1048 nouveaux logements et 377 logements existants maintenus.

Il ne faudrait pas trop s’étonner, dans ces conditions, si le Fonds se voyait confier un nouveau mandat plus ambitieux par le gouvernement, dit Janie Béïque. « La crise du logement est une crise nationale. Ça va prendre beaucoup d’ingrédients pour la régler. [Mais] si on se réunit tous autour de la table, on est capables d’y arriver. »

Des dollars qui font du bien

Fort de 765 721 actionnaires-épargnants et d’un actif net de 18,4 milliards investis notamment dans plus de 3700 entreprises, le Fonds de solidarité FTQ tient, samedi, son assemblée générale annuelle au Palais des congrès de Montréal. On en profitera pour fêter le 40e anniversaire de sa création avant de se tourner vers ce que lui réserve l’avenir.

« C’était un rêve tellement fou. Quand on se souvient qu’on appelait cela “la patente à Laberge”, cela montre combien on lui accordait peu de chances de réussir », dit Janie Béïque du président de la FTQ à l’époque et père du projet, Louis Laberge. « Comme organisation, on ne vise pas juste des rendements financiers. On vise à avoir un impact sur la société, à ce que nos dollars fassent du bien. »

Outre la promotion d’une retraite décente et d’un marché immobilier durable, le Fonds s’est fixé, comme objectifs de « rendements sociétaux », l’attraction et la rétention de nouveaux talents, une croissance des PME pérenne et des transitions technologique et environnementale justes.

On s’est promis notamment d’avoir 12 milliards d’actifs liés au développement durable d’ici 2027. « C’est très ambitieux, admet Janie Béïque, qui vient d’annoncer la création d’une nouvelle filiale du Fonds en bioénergie. On suit le plan de match pour s’y rendre, mais il y a plusieurs choses qui peuvent arriver en chemin. »

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