Le TIFF appelé à se dissocier de la RBC

Le TIFF, qui bat son plein dans le Ville Reine depuis jeudi dernier, est aujourd’hui l’un des quatre plus importants festivals de cinéma dans le monde.
Joel C Ryan via Associated Press Le TIFF, qui bat son plein dans le Ville Reine depuis jeudi dernier, est aujourd’hui l’un des quatre plus importants festivals de cinéma dans le monde.

Une lettre ouverte réunissant plus de 300 personnalités du milieu du cinéma implore le Festival international du film de Toronto (TIFF) de se départir de l’un de ses principaux commanditaires, la Banque Royale (RBC), à cause de son important soutien financier aux énergies fossiles.

Parmi les signataires se trouvent plusieurs vedettes hollywoodiennes, dont Mark Ruffalo, Rachel McAdams ou encore Joaquin Phoenix. Les cinéastes québécois Anaïs Barbeau-Lavalette et Charles Binamé font aussi partie du lot.

 

Alors que le TIFF bat son plein dans la Ville Reine depuis la semaine dernière, cette missive vient rappeler que la RBC a été le plus important bailleur de fonds dans le monde en 2022 pour l’industrie des énergies fossiles. L’institution financière a en effet octroyé l’an dernier 42 milliards de dollars américains à ce secteur, soit 3 milliards de plus qu’en 2021.

Les cinq grandes banques canadiennes ont toutes augmenté leur financement des combustibles fossiles depuis l’Accord de Paris sur le climat, en 2015. Mais la RBC se démarque, avec des investissements frôlant les 254 milliards entre 2016 et 2022, loin devant la Banque Scotia, qui arrive en deuxième position avec 173 milliards en six ans.

« On ne voudrait pas que le TIFF remplace la RBC par la Scotia ou la TD. Mais la RBC est vraiment dans une catégorie à part […]. Elle est vraiment reconnue pour une stratégie de greenwashing [écoblanchiment] très bien ficelée. C’est donc le cas parfait si on veut donner l’exemple. Le TIFF est l’un des plus grands festivals du monde, je suis convaincue qu’il pourra trouver de nouveaux commanditaires », souligne la réalisatrice montréalaise Elza Kephart, la porte-parole des Cinéastes contre l’écoblanchiment, groupe qui est à l’origine de cette lettre ouverte.

Mme Kephart fait référence à l’enquête déclenchée l’an dernier par le Bureau de la concurrence au sujet la RBC, qui était accusée d’avoir adopté un discours marketing trompeur sur l’environnement. La banque avait rétorqué en affirmant plutôt s’efforcer de « trouver des solutions pour aider le Canada à respecter ses engagements zéro émission nette ».

En réponse à la lettre ouverte publiée dimanche, la Banque Royale s’est de nouveau engagée à se retirer des énergies polluantes pour l’horizon 2050, conformément aux cibles établies par l’Accord de Paris. Or, la RBC a plutôt fait l’inverse dans les dernières années en augmentant son soutien financier à l’exploitation des énergies fossiles, ce dont elle se défend.

« Nous pensons qu’en tant que banque, nous pouvons avoir les répercussions les plus importantes en aidant nos clients à réduire leurs émissions de carbone lorsqu’ils produisent l’énergie dont nous avons besoin aujourd’hui », peut-on lire dans un courriel transmis au Devoir.

Des principes, mais à quel prix ?

La RBC est l’un des quatre principaux commanditaires privés de cette édition du TIFF. Le principal partenaire financier du festival, Bell, a d’ores et déjà annoncé que sa collaboration avec le prestigieux événement cesserait en décembre.

Il serait donc pour le moins étonnant que le TIFF mette fin à son association avec la RBC pour des principes écologistes. Au lendemain de la publication de la lettre des Cinéastes contre l’écoblanchiment, le festival dit plutôt être en « discussions actives avec la RBC », ajoutant apprécier « son ouverture à engager un dialogue dans un premier temps ».

« Nous nous engageons en faveur de la durabilité environnementale et reconnaissons l’importance de lutter rapidement et de manière collaborative contre le changement climatique », a réitéré, lundi, dans une déclaration écrite, la vice-présidente aux affaires publiques et aux communications de l’événement, Judy Lung.

Hypocrisie

 

Le TIFF est aujourd’hui l’un des quatre plus importants festivals de cinéma dans le monde, avec Cannes, Venise et Berlin. Durant deux semaines chaque année, il rassemble la crème de la crème de l’industrie, dont d’ordinaire plusieurs vedettes internationales.

Plusieurs de ces multimillionnaires, qui voyagent souvent en jet privé, n’ont pas la réputation d’avoir un mode de vie particulièrement écoresponsable. N’est-il pas hypocrite que certains d’entre eux s’indignent aujourd’hui que le TIFF s’associe à la RBC ?

« Je ne sais pas si les principaux signataires de la lettre voyagent en jet privé. Je comprends que certains puissent trouver ça hypocrite, mais au moins ils acceptent de faire quelque chose pour une cause aussi importante. Il faut commencer quelque part ! Et l’appui de ces personnes très connues est important. Si elles n’avaient pas signé la lettre, peut-être qu’on n’en parlerait pas », souligne Elza Kephart.



À voir en vidéo