L’astrophysicienne Laurie Rousseau-Nepton, l’«Étoile du Nord»

Laurie Rousseau-Nepton et sa stagiaire Justine Giroux au sommet de l’observatoire du volcan hawaïen Mauna Kea, à plus de 4200 mètres d’altitude.
Office national du film du Canada Laurie Rousseau-Nepton et sa stagiaire Justine Giroux au sommet de l’observatoire du volcan hawaïen Mauna Kea, à plus de 4200 mètres d’altitude.

C’est en chassant dans les bois avec son père innu que Laurie Rousseau-Nepton a découvert son intérêt pour l’astronomie. Comme son père avant lui, ce dernier se laissait guider par le soleil pour trouver son chemin en forêt. Son père lui a également expliqué que les cycles lunaires avaient un effet sur le comportement des animaux.

Aujourd’hui, Laurie Rousseau-Nepton est astrophysicienne. Elle revient de six années passées à Hawaï à observer la formation des étoiles à l’aide de l’instrument SITELLE, qu’elle a contribué à créer avec le Département d’astronomie de l’Université Laval.

Le réalisateur Patrick Bossé a tiré de son parcours — et de son travail — une série documentaire, Étoile du Nord, que l’on peut voir gratuitement sur le site Web de l’Office national du film (ONF). « Toute la science est extrêmement pertinente, raconte-t-il en entrevue. Mais la montrer, elle, comme ambassadrice d’une nouvelle façon de faire de la science […], je trouvais ça super emballant. »

Photo: Adil Boukind Le Devoir Laurie Rousseau-Nepton

Officiellement, la série s’adresse aux adolescents de 12 à 17 ans ; l’ONF propose d’ailleurs du matériel pédagogique sur son site. Mais tout adulte peut y trouver son compte.

Il faut dire que Laurie Rousseau-Nepton est une vulgarisatrice née. Elle compare d’ailleurs son travail à de l’« anthropologie stellaire ». « Moi, je regarde les étoiles qui sont nées, qui viennent de différents endroits. Leur environnement et la matière qui a permis leur formation font qu’elles sont plus ou moins grosses, plus ou moins riches. Et ça, ça change leurs caractéristiques », explique-t-elle.

Toutes lointaines qu’elles soient, les étoiles et leurs galaxies suscitent chez la scientifique une admiration presque affective. Elle se souvient par exemple d’avoir observé à l’Observatoire du Mont-Mégantic une galaxie sur laquelle elle travaillait depuis plusieurs années et qui porte le doux nom de NGC628. « C’est une belle galaxie spirale, dont on peut voir tous les détails en la regardant de face », dit-elle, émue.

Photo: ESA/Webb, NASA&CSA, J. Lee et l’équipe PHANGS-JWST La galaxie NGC628, telle que vue par le télescope spatial James-Webb

Science de partage

L’astrophysicienne se réjouit aussi que la série de l’ONF présente la science sous l’angle du partage de connaissances plutôt que sous celui de la compétition. À Hawaï, elle a d’ailleurs travaillé de concert avec les communautés autochtones locales, dont certains bâtiments ancestraux auraient été utilisés pour étudier les étoiles.

« Nous sommes tous des astronomes », dit Laurie Rousseau-Nepton, simplement.

Peu après le tournage de la série à Hawaï, elle a accepté un poste à Toronto, où elle veut créer des instruments d’observation encore plus puissants. « Je vais construire mon laboratoire d’instrumentation en astronomie à Toronto, en plus de faire un peu d’enseignement. Dans ce laboratoire-là, on va construire de nouveaux prototypes qui vont inclure des technologies nouvelles. […] J’aimerais construire un autre instrument encore plus grand et encore plus puissant qui va nous permettre de regarder encore plus loin et encore mieux l’univers », dit-elle.

J’aimerais construire un autre instrument encore plus grand et encore plus puissant qui va nous permettre de regarder encore plus loin et encore mieux l’univers.

Parallèlement, elle poursuit des recherches sur le savoir astronomique des peuples autochtones.

Chez les Innus, par exemple, la constellation du Pékan est celle que nous appelons la Grande Ourse ; la constellation du Carcajou, celle que nous appelons Orion. Selon la légende, le Pékan et le Carcajou ont voyagé ensemble en canot entre l’hiver et l’été pour libérer les oiseaux de l’été et leur permettre de répandre la chaleur au nord. Selon l’astrophysicienne, les bases de ce conte pourraient dater de la dernière fonte des glaciers, il y a plus de 12 000 ans de cela. « La légende commence toujours par “Il était une fois un hiver éternel” », note-t-elle. Cette période de glaciation a d’ailleurs été extrêmement longue : elle a duré près de 100 000 ans.

En répertoriant les constellations autochtones et en analysant leurs légendes mettant en scène différents animaux, elle a d’ailleurs conclu que ces événements se déroulaient souvent non pas dans la forêt, mais bien dans le ciel.

« Il n’y a pas de livre d’astronomie autochtone », dit-elle. Donc, il faut « aller à la pêche », fouiller dans des textes pour trouver des fragments d’information ou interroger des gens, préférablement des aînés vivant loin des centres. Ainsi, c’est en lisant un rapport de recherche d’une anthropologue ayant fait du travail de terrain à Schefferville que Laurie Rousseau-Nepton a par exemple pu affiner sa compréhension du calendrier innu, basé sur 12 cycles lunaires totalisant 354 jours, auxquels s’ajoutent 10 jours autour du solstice d’hiver, lors desquels le soleil ne modifie pas sa course dans le ciel.

« On a perdu beaucoup de savoir autochtone et il faut sauver ce qu’il reste », dit la scientifique.

La série documentaire Étoile du Nord est disponible gratuitement sur le site de l’Office national du film.

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