«Dédé et Patrick: au-delà des étoiles»: deux hommes et un destin

Le réalisateur de «Dédé et Patrick: Au-delà des étoiles» explore le lien amical, quasi fraternel, qui unissait André Fortin et Patrick Esposito di Napoli.
Photo: Vrai Le réalisateur de «Dédé et Patrick: Au-delà des étoiles» explore le lien amical, quasi fraternel, qui unissait André Fortin et Patrick Esposito di Napoli.

« Je ne voulais pas du tout raconter l’histoire des Colocs. Ça a déjà été fait, tout le monde la connaît. Je voulais plutôt raconter l’histoire de deux personnes », prévient Jean-François Poisson (Marie-Soleil et Jean-Claude : Au-delà des étoiles, Priez pour nous). Le réalisateur de Dédé et Patrick : au-delà des étoiles explore ainsi le lien amical, quasi fraternel, qui unissait André Fortin et Patrick Esposito di Napoli, sombrement teinté par la maladie, la fureur des années 1990 et la musique, bien sûr. « Il y avait quelque chose d’universel dans ce récit-là », dit-il.

Pour ce faire, il fallait trouver des proches de chacun des deux hommes, les convaincre de s’ouvrir à la caméra pour les besoins du documentaire, pour la mémoire d’André et de Patrick. « J’ai d’abord contacté les amis et la famille de Dédé, car je voulais vraiment aller plus loin que le groupe et remonter le temps jusqu’à sa jeunesse et ses années d’université », souligne le cinéaste, qui a notamment discuté avec Éric Henry, ancien camarade de l’Université de Montréal aux souvenirs inédits. Et de poursuivre : « Avant les Colocs, il s’est passé plein de choses pour Dédé ; il y a eu la période new wave, le cinéma. Son univers est très riche. »

Dans Dédé et Patrick : Au-delà des étoiles, les participants partagent ainsi avec le public un morceau de leur vie. « C’est une époque qu’ils chérissent », indique le réalisateur. Selon lui, « les gens ont embarqué à cause de l’angle, car pour moi, c’était clair que je ne focalisais pas sur la mort de Dédé. Ce n’est pas intéressant et c’est glauque », rappelle Jean-François Poisson.

Le réalisateur a emprunté la même approche pour Patrick, l’harmoniciste pudique mais exubérant, d’origine française des Colocs. « On a cherché sa famille et on a été chanceux parce que sa soeur habite à Montréal. » Jean-François Poisson se rappelle à ce propos l’enthousiasme de Laurence Esposito di Napoli pour son projet, puisque personne ne s’était jamais vraiment penché sur le parcours de son frère et sur ce qu’il a traversé.

Sida et idées noires

« Les gens aimaient beaucoup Patrick et ils avaient envie de parler de lui », explique le réalisateur, qui évoque un être particulier, compliqué, désinvolte et parfois difficile à saisir. « En même temps, il est très attachant », ajoute-t-il. Si Patrick Esposito di Napoli a succombé au Sida en 1994 à l’âge de 30 ans, il a su cultiver une subtile amitié avec André Fortin, qui a duré à peine quatre ans, tout en donnant beaucoup à la culture québécoise. « Ils étaient complètement différents, mais ils s’aimaient », constate Jean-François Poisson. « Patrick a été la première personne que Dédé a perdue. Il s’agit aussi de sa première expérience de près de la mort. Ça frappe, ça », pense-t-il par ailleurs.

À force de conversations, Jean-François Poisson a, de fait, compris à quel point la santé mentale d’André Fortin n’avait jamais été au beau fixe. « Il n’a jamais eu de diagnostic, mais ses émotions étaient pas mal moins neutres que chez la plupart des gens, avec une certaine intensité des deux côtés du spectre », rapporte-t-il. Le réalisateur croit que tout le monde « le savait sans le savoir », sans jamais pouvoir mettre de mots sur les maux, la faute à une époque encore loin de la libération du tabou. Sauf l’autrice-compositrice-interprète Mara Tremblay, peut-être, qui s’exprime également dans Dédé et Patrick : Au-delà des étoiles. « Mara a su qu’elle était bipolaire bien plus tard et Dédé n’a pas eu le temps de se rendre là… Mais au moment où ils étaient super proches, ils ont pu échanger sur l’état de leur santé mentale. Ils se sont compris alors que personne d’autre ne comprenait ce que c’était », confie-t-il.

Un lieu emblématique

Sur une note plus joyeuse, Jean-François Poisson se fait un point d’honneur de mettre en lumière le fameux immeuble du 2116 boulevard Saint-Laurent, une sorte d’équivalent montréalais de l’hôtel Chelsea, à New York, d’après lui. « Quand Patrick est arrivé au Québec en 1990, il s’est ramassé dans le 2116 et c’est là que les Colocs se sont formés », fait-il remarquer. Ce lieu hautement « foisonnant créativement » était une manne d’informations intrigantes pour le réalisateur. « Ce groupe de jeunes s’est retrouvé là, insouciant et sans limites, pour vivre sa jeunesse. Ils avaient plein de rêves et plein d’espoir. »

La piste du 2116 a aussi emmené Jean-François Poisson auprès du photographe François Boucher qui a, pour la première fois, accepté de dévoiler ses clichés intimes de Patrick Esposito di Napoli. « Dans la pile de planches de négatifs d’à peu près un pied de haut qu’il m’a données, j’avais des photos de Patrick sur scène et dans les coulisses alors qu’il en existe très peu », se réjouit-il, un brin ému. « On sent, quand les amis de Dédé et de Patrick en parlent, que c’est une période importante et qu’ils sont nostalgiques », rapporte-t-il, tout en étant persuadé que« c’était la meilleure partie de leur vie ». Et Dédé et Patrick : Au-delà des étoiles permet, avec beaucoup de bienveillance, de lui rendre un bel hommage.

Dédé et Patrick : Au-delà des étoiles

Vrai, dès le 15 août

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