Quel est le revenu «viable» au Québec?

À partir de quel revenu échappe-t-on à la précarité au Québec ? Comme chaque année, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) a brossé, dans une nouvelle étude publiée mercredi, un portrait du seuil de revenu à partir duquel un Québécois peut non seulement subvenir à ses besoins de base, mais aussi avoir « un niveau de vie digne ».

En 2023, le revenu viable pour une personne seule s’établit à 32 252 $ à Montréal, estime l’IRIS. À Saguenay, où le logement coûte moins cher, il est de 27 047 $. À Sept-Îles, où avoir une voiture est nécessaire pour se déplacer, il atteint 37 822 $. En guise de baromètre, une personne seule touchant le salaire minimum au Québec en 2023 a un revenu disponible (après impôt et redistribution) d’environ 25 290 $, calcule l’IRIS.

Dans son étude, l’institut de recherche se penche sur trois types de ménages — une personne seule, une famille monoparentale avec un enfant en CPE, une famille de deux adultes et de deux enfants en CPE — et étudie le revenu viable pour chacun d’entre eux dans sept municipalités du Québec.


Le calcul du revenu viable de l’IRIS va plus loin que la traditionnelle mesure du panier de consommation (MPC), mesure officielle de la pauvreté au Canada, qui équivaut au coût d’un panier de biens et de services correspondant à un niveau de vie modeste. « Vivre sans pauvreté ne signifie pas uniquement couvrir ses besoins de base », estime Ève-Lyne Couturier, chercheuse à l’IRIS.

Dans leur calcul, les chercheurs de l’IRIS considèrent plusieurs facteurs déjà pris en compte dans la MPC, comme l’alimentation, le logement et le transport, mais bonifient leurs montants. Ils ajoutent aussi d’autres postes de dépenses qui ne sont pas inclus dans le calcul de la MPC, comme les soins de santé non remboursés (soins dentaires ou des yeux), une « sortie mensuelle au restaurant et autre activité conviviale », ou encore un fonds de prévoyance.

« S’il y a bien un élément qui caractérise si on est sorti ou non de la pauvreté, c’est d’avoir un petit coussin financier pour gérer les imprévus, comme une laveuse qui brise, sans avoir besoin de s’endetter », illustre Mme Couturier.

Inflation et baisses d’impôt

Les chercheurs de l’IRIS notent par ailleurs que la hausse du prix des produits de base dans la dernière année a disproportionnellement affecté les moins nantis. Pour les Québécois qui font partie des 20 % les plus démunis, les 3 principaux postes de dépenses que sont l’alimentation, le logement et le transport représentent environ 60 % de leurs dépenses totales ; pour les 20 % les plus riches, ils représentent moins de 40 %, note Mme Couturier.

« La livre de beurre à 7 $, et même plus dans les épiceries de quartier, pèsera davantage sur un revenu disponible de 20 000 $ que sur un autre de 40 000 $ ou de 80 000 $ », donnent comme exemple les chercheurs de l’IRIS.

Sur les 21 situations analysées — les trois types de ménages dans les sept localités étudiées —, les chercheurs ont observé que dans 15 cas, la hausse du revenu nécessaire à « un niveau de vie digne » a dépassé le taux d’inflation entre 2022 et 2023.

« Les mesures ponctuelles pour aider les Québécois à faire face à l’inflation disparaissent, mais le prix de la livre de beurre, lui, ne descendra pas demain. Les personnes à bas revenu vont donc devoir continuer à composer avec l’inflation sans aide ponctuelle. Toutefois, les baisses d’impôt annoncées dans le dernier budget profiteront essentiellement aux plus hauts revenus », déplore Ève-Lyne Couturier.
 



Une précision a été apportée à une version précédente de ce texte afin d'indiquer qu'une personne seule touchant le salaire minimum au Québec a un revenu annuel disponible de 25 290 $, après impôt et redistributions.

 

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