Diverses formes de matière organique détectées sur Mars

« Il est possible qu’il y ait eu de la vie sur Mars et que les molécules organiques assez simples […] se soient dégradées en des molécules semblables à celles qu’on a trouvées. On ne peut pas éliminer cette possibilité, mais rien n’indique que ces molécules proviennent d’une forme biologique », souligne Richard Léveillé. 
JPL-Caltech/ASU/NASA via Agence France-Presse « Il est possible qu’il y ait eu de la vie sur Mars et que les molécules organiques assez simples […] se soient dégradées en des molécules semblables à celles qu’on a trouvées. On ne peut pas éliminer cette possibilité, mais rien n’indique que ces molécules proviennent d’une forme biologique », souligne Richard Léveillé. 

Diverses formes de matière organique, l’élément de base de la vie sur Terre, ont été détectées sur Mars, dans le cratère Jezero, que le robot Perseverance explore depuis qu’il a atterri sur la planète rouge. La présence de ces molécules organiques accroît la possibilité que la vie ait pu exister sur Mars, mais il faudra attendre l’arrivée sur Terre d’échantillons de sol pour en confirmer l’origine par des analyses plus poussées, préviennent les experts.

Dans un article qui paraissait mercredi dans Nature, des chercheurs de la NASA et de différentes universités américaines décrivent les diverses formes de matière organique et les minéraux avec lesquels elles sont associées que l’instrument SHERLOC (Scanning Habitable Environments with Raman and Luminescence for Organics and Chemicals), dont est équipé le robot Perseverance, a détectés dans deux formations géologiques différentes présentes au fond du cratère.

« Chacune de ces formations géologiques ne semble pas avoir la même variété de molécules organiques. De plus, avec les données recueillies par SHERLOC, il est assez difficile de connaître exactement le processus qui a conduit à la formation de cette matière organique. Il pourrait y en avoir plusieurs », résume Richard Léveillé, géologue au Département des sciences de la Terre et des planètes de l’Institut spatial de l’Université McGill.

C’est très encourageant de détecter des molécules organiques dans des roches aussi anciennes, car s’il y a eu de la vie [sur Mars], cela veut dire que des traces de cette vie peuvent avoir persisté dans les roches

Rappelons que les molécules organiques contiennent nécessairement des atomes de carbone ayant des liaisons avec des atomes d’hydrogène, d’azote, d’oxygène, de phosphore ou de soufre. Ces molécules organiques sont les éléments de base de toute forme de vie sur Terre, qui se compose de sucres, de lipides et de protéines, d’où la mission de Perseverance de rechercher leur présence sur la planète Mars.

D’où viennent ces molécules ?

Plusieurs hypothèses sont avancées par les auteurs de l’article de Nature pour expliquer l’origine de cette matière organique. Selon certaines d’entre elles, ces molécules organiques résulteraient d’une interaction entre des roches et de l’eau, appelée serpentinisation. Il s’agit d’« une réaction qui a lieu sur Terre avec des roches de composition mafique, c’est-à-dire riche en magnésium et en fer, qui, lorsqu’elles sont mélangées à de l’eau à une certaine température supérieure à 60 °C, donne de l’hydrogène et des molécules organiques assez simples », explique M. Léveillé. « Cette réaction est possible sur Mars », ajoute-t-il. Des molécules organiques pourraient aussi découler d’une réduction du CO2 par électrochimie.

Elles pourraient aussi provenir de météorites et de poussières interstellaires qui seraient tombées sur Mars. Et il n’est pas exclu qu’elles dérivent d’une source biologique.

« Il est possible qu’il y ait eu de la vie sur Mars et que les molécules organiques assez simples en ce qui a trait à la complexité des chaînes de carbone et des anneaux aromatiques que l’on a détectées soient des traces de ces formes de vie, dont les molécules comme l’ADN et l’ARN [qu’elles contenaient] se sont dégradées en des molécules semblables à celles qu’on a trouvées. On ne peut pas éliminer cette possibilité, mais rien n’indique que ces molécules proviennent d’une forme biologique », souligne Richard Léveillé, qui est membre de l’équipe scientifique de Perseverance.

L’article de Nature nous indique que le cycle du carbone sur Mars est plus complexe qu’on l’imaginait, affirme le géologue. « Les observations ne confirment pas qu’il y a eu de la vie sur Mars, mais c’est très encourageant de détecter des molécules organiques dans des roches aussi anciennes [de 2,3 à 2,6 milliards d’années], car s’il y a eu de la vie, cela veut dire que des traces de cette vie peuvent avoir persisté dans les roches. »

« Lors de l’arrivée d’échantillons de ces roches sur Terre, on pourra procéder à des analyses plus poussées et probablement déterminer si ces molécules sont de nature abiotique ou si elles proviennent d’une forme de vie. Nous disposons sur Terre d’une instrumentation plus performante qui nous permettra de confirmer l’identité de ces molécules et de mieux comprendre leur origine », explique le chercheur. En effet, la NASA et l’Agence spatiale européenne préparent actuellement la mission Mars Sample Return (MSR), qui prévoit qu’un atterrisseur se posera sur la planète rouge en 2028 pour récupérer les échantillons et les apporter sur Terre en 2033.

« La détection de traces de matière organique sur Mars n’est pas une grande surprise, car on savait que ce genre de molécules existait dans les météorites martiennes qui sont tombées sur la Terre ainsi que dans le cratère Gale exploré par le robot Curiosity, mais l’article nous révèle la diversité des assemblages entre la matière organique et les minéraux », fait remarquer M. Léveillé.

« Mais peut-être que nous avons un biais envers la vie sur Terre et qu’il nous faudrait avoir un regard plus large. Peut-être devrait-on rechercher des biosignatures sans carbone, des molécules complexes, peu importe leur composition », lance Richard Léveillé, joint dans l’Arctique où il étudie les chapeaux de fer, des formations géologiques riches en oxydes de fer qui sont aussi présentes sur Mars et qui représentent des cibles pour la recherche d’anciennes traces de vie.



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